Vendredi 17 mai 5 17 /05 /Mai 06:47
Les nazis avaient leurs médecins complices de leurs crimes. Au moins 8 pays font ouvertement usage de l'examen rectal forcé et de la torture 
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Et ça n'a pas cessé puisque des victimes continuent à s'en plaindre aujourd'hui  Dignité dégradée

 

Des examens anaux forcés lors des poursuites pour homosexualité

Un rapport médical rédigé par un médecin à Kampala, en Ouganda, après avoir effectué un examen anal forcé subi par un homme suspecté de rapports homosexuels consensuels.

© 2016 Neela Ghoshal/Human Rights Watch

 

Dans au moins huit pays où les rapports sexuels consentis entre personnes de même sexe sont pénalisés, des responsables de l'application des lois travaillant en collaboration avec le personnel médical soumettent des hommes, ainsi que des femmes transgenres arrêtés pour des faits liés à l’homosexualité, à des examens anaux forcés, avec l’objectif prétendu de trouver des «preuves» de comportement homosexuel.

Ces examens impliquent souvent la pénétration forcée des doigts ou parfois d’autres objets dans l’anus de l’accusé par des médecins ou d’autres membres du personnel médical. Les forces de l’ordre et certains membres du personnel médical affirment qu’ils savent ainsi déterminer la tonicité du sphincter anal ou la forme de l’anus et conclure si la personne accusée a eu des rapports homosexuels. Cet argument est fondé sur la science du 19ème siècle qui est depuis longtemps discréditée: une majorité écrasante des opinions médicales et scientifiques affirme qu’il est impossible d’utiliser ces examens pour déterminer si une personne a eu des rapports homosexuels réguliers

 

Les examens anaux forcés sont une forme de traitement cruel, dégradant et inhumain qui peut équivaloir à de la torture. Ces pratiques sont une violation de la Convention contre la Torture, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Les examens anaux forcés sont invasifs, intrusifs et profondément humiliants. Comme l’a souligné le Comité de l’ONU contre la torture, ils «n’ont aucune justification médicale et ne peuvent être consentis de manière libre».

Certaines des personnes soumises à ces examens souffrent de traumatismes psychologiques durables. Plusieurs victimes ont raconté à Human Rights Watch qu’ils ont vécu les examens anaux forcés comme une forme de violence sexuelle. Human Rights Watch considère que ces examens sont une forme d’agression sexuelle. Le personnel médical effectuant des examens anaux forcés viole ainsi les principes internationaux d’éthique médicale, y compris l’interdiction du personnel médical de prendre part, de quelque façon que ce soit, à des actes de torture ou à un traitement dégradant.

Ce rapport recueille des preuves du recours à des examens anaux forcés dans huit pays : le Cameroun, l’Égypte, le Kenya, le Liban, la Tunisie, le Turkménistan, l’Ouganda et la Zambie. Nous avons aussi reçu des rapports du recours à des examens anaux forcés par la police en Syrie, que nous n’avons pas vérifiés de manière indépendante. Ce rapport est fondé sur les interviews de 32 hommes et femmes transgenres qui ont subi des examens anaux forcés. Human Rights Watch a aussi interviewé des médecins et des membres du personnel médical sur le recours à des examens anaux, et demandé l’opinion de spécialistes en médecine légale du monde entier. Le rapport recommande à tous les États d’interdire la pratique des examens anaux forcés, et aux institutions nationales et internationales de santé et de défense des droits humains de s'opposer vigoureusement et sévèrement à leur utilisation.

 

Un coordinateur médical en Ouganda qui pratique des examens anaux forcés a dit à Human Rights Watch, en février 2016, qu’il ne voyait pas en quoi les examens anaux constitueraient une violation des droits humains. Il a essayé de justifier ces examens, en déclarant: «Je ne le perçois pas comme une violation des droits humains. Je les aide aussi. Par exemple, je les informe s’ils ont des IST, ce qui leur permet de se faire soigner.»[1] Mais de telles affirmations sont démenties par les réalités décrites par les personnes ayant subi ces examens.

Mehdi, un étudiant tunisien soumis à un examen anal en décembre 2015, au cours duquel un médecin a pénétré son anus avec un doigt et un tuyau, nous a raconté:

J’avais l’impression d’être un animal. J’avais l’impression de ne pas être humain. ... Quand je me suis habillé, ils m’ont menotté et je suis sorti, complètement sous le choc. Je ne pouvais pas encaisser ce qui se passait. Les deux policiers regardaient ce que faisait le médecin. J’avais l’impression d’être violé. Je ne voulais pas être nu devant des gens, pas devant une seule personne et certainement pas devant trois personnes.… C’était la première fois qu’une chose pareille m’était arrivée et je ne pouvais pas l’encaisser.

Muharram, un homme égyptien interviewé pour le rapport de Human Rights Watch de 2004, In a Time of Torture (p. 115), parlait sans doute au nom des victimes d’examens anaux quand il a déclaré:

Les deux pires moments de ma vie étaient la visite chez le médecin légiste, et ensuite le verdict, quand il a dit «Deux ans [d’emprisonnement]». Lorsque je dors, chaque nuit, je me rappelle ces deux évènements. J’en fais des cauchemars.

Louis, qui a subi un examen anal forcé au Cameroun en 2007, à l’âge de 18 ans, a fait écho aux sentiments de Muharram. Neuf ans après l’examen anal forcé, il nous a raconté:

J’ai toujours des cauchemars de cet examen. Parfois je n’arrive plus à dormir quand j’y pense. Jamais je n'aurais pensé qu’un médecin me puisse faire une chose pareille.

Genwa Samhat, directrice du groupe de défense des droits des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des personnes transgenres (LGBT), Helem, au Liban, qui a interviewé plusieurs victimes d’examens anaux forcés, a dit que même lorsqu’elle a interviewé récemment une victime trois années après les faits, il a trouvé cela difficile de parler de cette expérience traumatisante. Elle a expliqué que «c’est une forme de stress post-traumatique que l’on peut ressentir après un viol. [Forcer quelqu’un à subir un examen anal] a le même effet que de violer les gens.»[4]

***

Le recours à des examens anaux varie d’un pays à l’autre. En Égypte et en Tunisie, les examens anaux forcés sont régulièrement utilisés dans la poursuite judiciaire des rapports homosexuels. La police emmène les hommes, ainsi que les femmes transgenres qui sont arrêtés pour des faits liés à l’homosexualité chez un spécialiste en médecine légale, qui effectue un examen anal et prépare un rapport, qui est ensuite présenté au tribunal comme une forme de preuve de l’accusation.

Au Cameroun et en Zambie, bien que l’utilisation d’examens anaux forcés soit moins fréquente qu’en Égypte et en Tunisie, des procureurs ont présenté au tribunal des rapports médicaux basés sur des examens anaux, contribuant ainsi aux condamnations d’individus accusés de rapports homosexuels consentis.

En Ouganda, au cours des trois dernières années, la police de Kampala a fréquemment soumis des hommes, ainsi que des femmes transgenres accusés de rapports homosexuels consentis à des examens anaux. Toutes ces affaires ont été rejetées avant le début du procès. Des cas occasionnels ont été rapportés en dehors de Kampala, et ont aussi été rejetés avant le début du procès.

Au Kenya, Human Rights Watch et ses organisations partenaires kenyanes ne sont au courant que d’un seul cas d’examen anal forcé, effectué en février 2015, sur deux hommes arrêtés pour des «infractions contre nature». En septembre 2015, avec le soutien de la Commission Nationale des Droits des Gays et des Lesbiennes du Kenya (NGLHRC), les hommes ont déposé une requête à la Haute Cour du Kenya à Mombasa, contestant la constitutionnalité des examens anaux forcés et du dépistage forcé du VIH et de l’hépatite. Le 16 juin 2016, la Cour leur a donné tort, indiquant que les pétitionnaires avaient consenti aux examens, bien que les hommes affirment avoir signé les formulaires de consentement sous la contrainte.

Au Turkménistan, pays qui a l’un des gouvernements les plus fermés et répressifs au monde, Human Rights Watch n’a pas réussi à effectuer des recherches, mais nous avons pu interviewer un individu vivant actuellement en exil et qui déclare avoir été soumis à un examen anal forcé au Turkménistan en 2013. Nous avons aussi parlé avec un militant de la société civile exilé qui a confirmé que de tels examens sont utilisés pour obtenir des «preuves» dans les cas de sodomie. L’homme soumis à l’examen a rapporté qu’il a été condamné lors d’un procès collectif avec environ 20 autres hommes, dont la plupart, voire tous, avaient aussi été soumis à des examens anaux dont les résultats étaient utilisés pour obtenir des condamnations devant le tribunal. Il a allégué qu’il s’agissait d’une pratique courante, et qu’une enquête plus poussée est justifiée.

Au Liban, les autorités ont souvent utilisé des examens anaux forcés contre des hommes arrêtés pour des faits liés à l’homosexualité, jusqu’en 2012, quand des activistes libanais ont lancé une campagne qualifiant les examens de « tests de la honte ». Ils ont réussi à mobiliser les médias et l’opinion publique contre les examens, poussant l’Ordre des Médecins du Liban et ensuite le Ministère de la Justice à publier des directives interdisant la pratique d’examens anaux forcés. La victoire historique des activistes ayant mobilisé les institutions gouvernementales contre les examens anaux, et les mesures en faveur du respect des droits prises par l’Ordre des Médecins et par le Ministère de la Justice, devraient servir de modèle à d’autres États où les examens anaux forcés sont pratiqués actuellement. Cependant, la victoire n’est que partielle: Human Rights Watch a constaté que certains juges d’instruction au Liban demandent toujours à des médecins de faire des examens anaux et que certains médecins les pratiquent toujours. La police persiste aussi à utiliser d’autres formes de torture et de mauvais traitement contre des hommes accusés d’homosexualité au Liban.

Quelles qu’en soient les circonstances ou les motifs, les examens anaux forcés dans des cas de rapports sexuels consentis entre personnes de même sexe sont une violation des droits humains. Ils ne servent pas les intérêts légitimes des gouvernements, et n’ont pas de valeur probante. En tant que tel, les responsables de l'application des lois ne devraient jamais ordonner ces examens ; les médecins et le personnel médical ne devraient pas les pratiquer; et les tribunaux ne devraient pas les accepter en tant que preuve.

Human Rights Watch pense aussi que tous les États devraient décriminaliser les rapports sexuels consentis entre adultes de même sexe. La criminalisation des rapports homosexuels consentis est une violation du droit à la vie privée et du droit à la non-discrimination, garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par la constitution de nombreux États. Jusqu’à ce que de telles lois soient abrogées, tous les États devraient renforcer le respect des droits des personnes accusées de comportement homosexuel en interdisant les tests anaux forcés. Il est temps que les États rétablissent les droits fondamentaux et la dignité des hommes, ainsi que des femmes transgenres accusés de rapports homosexuels, et que les États reconnaissent aussi le fait que l’interdiction de la torture et du traitement cruel, inhumain et dégradant s’étend à tout le monde, quelle que soit leur orientation sexuelle ou identité de genre.

 

 

Affiche de l'organisation tunisienne de défense des droits LGBT Shams, dénonçant les tests anaux forcés.

© 2015 Shams

Affiche de l’association tunisienne de défense des droits LGBT Shams, soulignant la possibilité de refuser un test anal.

 

 

 


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Par HUMAN RIGHTS WATCH - Publié dans : LUTTES HISTOIRE & REVOLTES DES GAYS - Communauté : Cavaillon communauté gay bi trans lesbienne sur la région
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