Dimanche 28 avril 7 28 /04 /Avr 07:05

On ne peut chasser le naturel...

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Quand je me décide enfin à monter me coucher Claudia ne dort pas encore. Elle m'attend, un livre à la main. Dès qu'elle me voit, elle le referme et le pose sur la table de nuit. Elle croise les bras. Ce n'est pas très bon signe… J'ôte mes chaussons, lui offre une petite bise en me glissant sous la couette. Ça ne la déride pas…

— C'était quoi cette attitude à table, Christian ? A green and white highway sign featuring the title "Bi the Way" and the subheading "It's a both/and world." Below the sign is an image of Earth, and the background is black space with white stars.

— Quelle attitude ?

— Tu n'as pas dit deux mots de tout le repas.

— Et alors ? Je vous écoutais parler.

— Oui, avec un air d'imbécile heureux ! Je ne te reconnais pas, en ce moment. Qu'est-ce qu'il y a, enfin ? Ton fils aussi se se pose des questions. Je lui dis quoi, moi, quand il m'interroge ? Hein ?

— Écoute, chérie, il est une heure du matin. On discutera demain, tu veux bien ?

Mais, elle continue d'une voix lasse, sans agressivité, à me dire ses inquiétudes, son sentiment que je m'éloigne d'elle… "Tu es là sans être là" dit-elle très justement. Tout ceci, de toute évidence, lui brûle les lèvres depuis un moment. Elle est lancée et ne peut plus s'arrêter. Malheureusement, elle n'a pas choisi le bon moment. Incapable de me concentrer, je ne l'écoute plus, je décroche… Depuis ce matin, je flotte dans un état second aussi agréable que déstabilisant qui me rend indisponible à toute autre sollicitation.

Nous avons fait l'amour Matteo et moi. Depuis, l'intenable tension qui me laminait a disparu. Je plane. Après toutes ces semaines à me ronger de désir, à désespérer, tout s'est accéléré jusqu'à cet invraisemblable "je t'aime", dans la salle de bain. J'ai l'impression que nous avons brûlé des étapes. Quand je pense que nous n'avons même jamais échangé la moindre conversation intime ! Au moins, si une multitude d'angoisses se bousculent toujours en moi, la plus cruelle de toute est levée : non, je ne suis pas seul avec mes sentiments.

Rien ne se déroule comme je l'imaginais, et heureusement, car je n'imaginais que souffrance et déconfiture. Je tremblais de vivre mes premières étreintes homosexuelles comme un désastre, ou au minimum une épreuve destructrice. Or, les deux heures passées avec Matteo ce matin n'ont été qu'éblouissantes révélations. J'ai maintenant l'intime conviction que ma révolution intime est une bénédiction. Il fallait que cela arrive. Il le fallait. La découverte du plaisir avec lui a dépassé tout ce que je soupçonnais. La situation n'est pas moins inextricable, certes, mais au moins j'y vois plus clair. Jamais je n'aurais osé espérer qu'il vienne à moi comme il l'a fait, et encore moins qu'il me déclare sa flamme ! Au fond, je ne sais pas ce que j'espérais. Ce dont je suis sûr c'est que cette situation aurait vraiment fini par devenir insupportable à la longue.

Après nos premiers élans dans la salle de bain, après cette déclaration mutuelle aussi subite qu'inattendue, nous avions encore du temps devant nous avant que Claudia ne rentre. Matteo m'a mené jusqu'à sa chambre sans me demander mon avis. C'était inutile. Là, il m'a laissé le déshabiller. Il m'a laissé le toucher comme j'en rêvais et, dès cet instant où je l'ai touché, j'ai cessé de me poser mille questions. Lutter contre ce besoin de le découvrir aurait été aussi vain que de nier la loi de la gravité… Il est resté immobile, suspendu à mon visage, tout habité de patience et d'attention. La suite a vite révélé qu'il était en réalité aussi ému que moi.

Je revis en boucle l'instant où j'ai déboutonné sa chemise, où enfin j'ai pu glisser mes mains sur sa poitrine plate de garçon, ou j'ai dénudé ses belles épaules harmonieusement charpentées dont je rêvais de baiser la rondeur depuis tellement de semaines. Sa peau est douce comme je l'imaginais, son parfum me met en transe. Sa peau ? J'en suis désormais l'esclave. Je lui ai embrassé les lèvres, le cou, et j'ai su. J'ai su que son corps d'homme allait me faire perdre la tête. Avec toute la concentration dont un aveugle aurait fait preuve, j'ai fait défiler sous mes doigts les modelés de son torse délicatement sculpté. Ses tétons si petits, si fermes, ses flancs, ses clavicules, ses pectoraux idéalement bombés, ses abdominaux, je n'ai rien omis…

Puis, il s'est laissé tombé sur le lit. Il était encore en pantalon. Ainsi étalé de tout son long, à ma merci, sa beauté latine brûlante m'a laissé démuni un instant. Je suis resté debout à le dévorer des yeux sans plus savoir quoi faire de moi… Ma fascination a eu l'air de l'attendrir. Il m'a sourit tout en défaisant sa braguette. Ça m'a fait revenir à moi. Je me suis allongé à demi à côté de lui. J'ai poursuivi mon exploration. Je l'ai respiré – il sent tellement bon ! –, embrassé encore sur le visage et dans le cou, puis j'ai poussé jusqu'à son téton gauche… Je m'en suis délecté comme d'un bonbon. Il faisait gris dehors, mais assez clair pour que je remarque des nuées de chaire de poule lui parcourir l'épiderme. Je l'ai léché, baisé, léché encore, et ces tendres lenteurs de ma bouche l'ont amolli. Comme si mon extrême émotion m'avait fait développer un don subit, une sorte d'état d'ultra conscience, il m'a semblé percevoir le moindre de ses frémissements. C'était fou de sentir comme il avait envie de moi. Il ne disait rien, mais je le savais aussi sûrement qu'on se sait vivant. Il m'attendait à en mourir et, au lieu de me faire peur, ça m'a rendu ivre. Tout était nouveau : ce besoin de prendre mon temps, de le combler, ma curiosité pour son plaisir, mon sentiment d'être là où je devais être… J'avais beau être sens dessus dessous au départ, je l'ai savouré comme jamais je ne me suis montré capable de savourer une femme, et en moi un calme souverain s'est installé. J'avais envie de tout lui faire, de ne rien oublier.

J'ai caressé ma joue à la douceur de son ventre vivant, puis j'ai convoité le volume de son sexe encore dissimulé sous son boxer. J'ai hésité à le toucher, mais comme on hésiterait à s'emparer d'un objet précieux, d'un trésor auquel on a trop longtemps rêvé sans y croire vraiment. Mais Matteo m'a rappelé à l'ordre. Il avait hâte de recevoir mes caresses et son empressement à guider ma main m'a surpris. Je l'ai massé doucement. Il en a soupiré de bonheur. Le découvrir si dur m'a électrisé. C'est pour moi qu'il l'était. Pour moi… C'était la première fois que je touchais le sexe d'un autre homme, pourtant cela m'a procuré un surprenant sentiment de familiarité.

Après, tout a été plus facile, presque évident. Matteo a soulevé les reins pour que je le dénude intégralement. Sous l'effet de mes premières caresses directes, il a murmuré je ne sais quoi, des mots d'extase probablement, et mon prénom je crois. C'est seulement là que j'ai vraiment pris conscience qu'il désirait que tout cela arrive autant que moi. Son visage était beau à hurler, ses lèvres entrouvertes, son regard voilé… Sa verge est soyeuse et magnifique, parfaite, à l'image de toute sa personne. Je l'ai admirée et ça l'a fait sourire. Je l'ai frôlée, palpée, et quand j'ai approché ma bouche il a soulevé le bassin pour me rencontrer plus vite. Choyer entre mes lèvres son sexe pulsatile gorgé d'attentes m'a fait l'effet d'un rêve éveillé. J'ai trouvé ça encore meilleur que de vivre l'inverse… Je voulais tant lui rendre ce qu'il m'avait offert dans la salle de bain. Je ne suis pas certain de m'y être très bien pris, mais à entendre ses soupirs, mes attentions lui ont fait de l'effet.

J'ai tellement hâte de revivre tout cela, ces gestes, cette osmose, cette ferveur inouïe…

Je me suis installé entre ses jambes plus confortablement et je me suis appliqué à faire du mieux possible. Tout à mon œuvre, je l'ai entendu murmurer "C'est si bon, Christian." Jamais on ne m'avait fait l'hommage d'un si bel abandon. J'avais beau avoir joui deux fois déjà, je n'en pouvais plus de bander. Quand il a porté l'index à son anus alors que je commençais à sentir le sel de son plaisir suinter sur ma langue, mon excitation a fait un tel bond que ça m'a presque fait mal. J'ai repoussé sa main et j'ai pris le relais. Tout en continuant à le sucer, j'ai introduit une première phalange au creux du fourreau fiévreux de son intimité. Il en a geint de délectation.

Avant de me retrouver bousculé par tous ces désirs nouveaux, jamais je n'avais perçu l'anus, cet endroit du corps si caché, presque honteux, comme une source potentielle de plaisir. Je connaissais évidemment la pratique de la sodomie en théorie, une pratique qui me semblait… Je ne sais pas, vaguement barbare, plutôt dégoûtante… Mais, ces derniers temps, à force de me renseigner sur le sexe entre hommes pour m'aider à mettre des mots sur mon attirance pour Matteo, pour comprendre un peu mieux ce qui m'arrive, cet acte s'est mis à me fasciner et à exciter mon imagination. Je me suis mis à le redouter et à le désirer tout autant…

Ce matin, quand je me suis retrouvé pour la toute première fois à faire gémir Matteo de cette manière, à sentir son petit anneau serré s'épanouir par à coups sous l'intrusion de mon doigt, la bête mâle, en moi, s'est mise à rugir, à piaffer… Tout de suite, on comprend mieux les choses à les vivre vraiment… J'ai joué de la souplesse de son tendre orifice offert, j'ai joué de son désir, jusqu'à le voir ondoyer lentement du bassin. Puis, tout à coup, il s'est redressé pour m'attraper par les épaules et m'a dit "Viens là!" en m'attirant à lui.

Claudia poursuit son monologue, toujours sur le même ton dépité, mais je ne saisis pas un mot de ce qu'elle me dit. Elle me semble loin derrière l'horizon de ma conscience. Je suis trop absorbé par mes réminiscences érotiques. Je l'entends encore le "viens là" impérieux de Matteo… Je ne devrais pas repenser à tout ça, ça me fait bander… Il ne faut pas qu'elle le remarque. Vu son humeur, ça la rendrait furieuse. Si elle comprend mon état, elle va me traiter d'animal… Je la connais. Je soupire en me retenant de sourire. Si elle savait.

Dès que je me suis allongé sur lui, affamé de sa chaleur, de son contact, il m'a étreint passionnément. Sentir son sexe dur entre nos ventres, sentir le répondant splendide de sa force musculaire, tout cela m'a ravi à un point que je ne saurais dire… Ah, cette passion, ce feu ! On était tellement heureux, je crois même qu'on en a ri. On s'est embrassés avidement, comme lors de notre premier baiser, ce soir récent de déprime. J'ai retrouvé toute la tension et toute l'attente que j'avais devinées ce jour là…

Lorsque je l'ai pénétré, que sa chair étroite m'a accepté tout entier, j'ai su. J'ai su que j'avais toujours été dans l'ignorance de ma propre vérité, et que mon bonheur se trouvait là, dans les bras de ce jeune homme, dans son corps accueillant. Son visage éprouvé, ses soupirs et sa beauté me disaient son plaisir. Je n'en revenais pas. Je ne sais plus si j'en ai ri ou pleuré, ou bien les deux en même temps, mais ce bonheur nouveau m'a fait délirer littéralement.

Je lui ai fait l'amour.

J'ai beau chercher, je ne trouve rien dans mon passé qui ait jamais atteint la perfection de ces premiers véritables instants de partage. Je peux l'affirmer sans exagérer, ce samedi matin m'a vu naître une seconde fois.

Quand son plaisir à commencé à prendre de l'ampleur, il s'est mis à m'encourager pour que j'ose davantage. Il m'a susurré des choses à la fois pures et obscènes, des mots brefs et crus auxquels je ne peux songer sans que mon sexe ne se mette à durcir. Je l'entends encore : "Viens plus profond, plus profond… Je suis à toi. Je t'aime. Baise-moi. Ho, oui, continue, je te sens bien comme ça… Plus vite. Ta queue me fait jouir, Christian…" Les suppliques de Matteo dans l'amour, ses douces incitations à la violence, m'ont libéré de je ne sais quelles brides. À partir de là, mes assauts ont cessé d'être lents et tendres. La bête en moi est sortie de sa captivité pour de bon. Éperonné par ses prières, je me suis laissé aller à des va-et-vient puissants que jamais je n'aurais osé infliger à Claudia. Elle s'en serait révoltée, m'aurait regardé comme si j'étais un fou dangereux…

Matteo, lui, a commencé à gémir plus fort et en cadence. J'ai senti ses mains s'agripper à mes fesses. Entendre sa voix mâle partir comme ça dans les aigus, m'a littéralement rendu dingue. S'il ne m'avait pas susurré ses mots d'extases, j'aurais cru lui faire mal. Mais, en réalité, il était avide de ma puissance et a parfaitement su me le faire comprendre. Je me suis déchaîné. J'ai alors découvert une part de moi que j'ignorais, un déploiement animal et brut, quelque chose d'originel et de primordial qu'il aurait été désormais inutile de vouloir remettre en question. Je crois que moi aussi j'ai donné de la voix. Je ne sais plus. Mais l'intensité des sensations m'a fait partir trop loin pour que je garde pleine conscience jusqu'au bout. Tout ce dont je me souviens des dernière minutes de notre plaisir, c'est qu'on a été bruyants et qu'on a joui ensemble. Je me rappelle aussi de ma stupeur, juste après, quand j'ai réalisé qu'il avait éjaculé sans se toucher le sexe. C'était indéniable puisqu'il n'avait cessé de s'accrocher à moi des deux mains… Je ne savais même pas que c'était possible. Il a joui comme ça, pendant que moi je lui baptisais le fond du corps des jets de mon troisième orgasme.

Je ne saurais dire lequel de nous deux s'est trouvé le plus stupéfait de l'intensité de notre fusion. Je ne sais pas pour lui, mais moi, je n'avais jamais connu un tel plaisir. Je n'ai même pas eu la présence d'esprit de lui dire. De toute façon après ça, il n'y avait pas vraiment de mots à la hauteur de l'instant. On s'est reposés quelques minutes, au risque de s'endormir, puis on a réussi à se faire violence pour aller prendre une douche ensemble. On n'a pas échangé trois phrases. Je crois qu'on était, on peut le dire, en état de choc. Je ne sais pas comment on a fait, au moment du déjeuner en famille, pour donner le change… Il est parti en début d'après-midi, appelé à Paris par ses cours de piano à dispenser, et depuis, donc, je plane…

Avant qu'il ne s'en aille, comme je commençais à me remettre de mes émotions, j'ai voulu lui parler – j'ai tant et tant de choses à lui dire – mais il m' a répondu qu'il n'était pas prêt. Ça m'a plutôt déconcerté. Il était prêt à se donner, mais pas à parler. Je patienterai.

Je reviens au présent parce je me rends compte que Claudia ne dit plus rien. Je me demande depuis combien de temps.

— Tu n'as pas écouté un mot de ce que je te raconte depuis dix minutes, constate-t-elle, navrée.

— Excuse-moi, j'avais la tête ailleurs.

Son expression dégage autant de bienveillance que si j'étais un inconnu dans son lit.

— Arrête de me dire que tu as la tête ailleurs, ça devient lassant. Ailleurs, où ?

— Je traverse une période bizarre… Ne m'en veux pas.

— Je m'inquiète. Si ça va si mal, parle moi, ou je ne sais pas, moi, consulte.

— Je ne suis pas malade.

— Je parle de psy.

— Un psy ? Et pourquoi ? Parce que je traverse une période de remise en question ? C'est un problème maintenant de s'interroger sur soi-même, de faire le point ?

L'inquiétude vient tendre ses traits encore davantage.

— Faire le point ? Elle ne te va plus comme elle est notre vie ? C'est le départ de Flo ? Ou c'est moi, peut-être ? J'ai fait quelque chose ?

— Mais, non, ce n'est pas toi. Et, oui, il y a le départ de Flo, il y a aussi la politique salariale au boulot qui me plaît de moins en moins, Bastien qui a de moins besoin de moi, et Matteo…

Je n'achève pas. Je regrette déjà que son prénom m'ait échappé.

— Quoi Matteo ? Il y a un problème avec lui ? Je croyais que tu l'aimais bien.

Je souris.

— Non, il n'y a aucun problème avec lui. Il me rappelle seulement tout ce que je ne suis pas.

— C'est à dire ? J'ai du mal à te suivre. Tu es jaloux de lui ?

— Non, pas jaloux. Non. Il me rappelle que je ne suis plus tout jeune, dis-je, évasif.

Mais j'ai peur d'en avoir déjà trop dit, j'ai peur de ce que pourrait trahir mon visage quand je parle de lui. Heureusement, Claudia n'insiste pas. Son air triste me met face à mon cas de conscience insoluble : nier ma nouvelle vérité pour préserver ma relation avec elle, ou assumer ouvertement ma liaison avec Matteo et la blesser, la perdre sans doute…

— Et moi, dans tout ça ? murmure-t-elle.

— Viens là, ma belle.

Je la prends dans mes bras tendrement et respire le parfum familier de ses cheveux. Rien n'apaise mieux l'inquiétude qu'un câlin. Plus jamais je ne coucherai avec Matteo ici, sous notre toit. Nous nous y sommes engagés lui et moi. C'est d'ailleurs la seule chose dont nous ayons pris le temps de parler. Nous sommes aussi tombés d'accord sur une chose primordiale : il faut qu'il s'en aille. Nous nous verrons ailleurs, "en terrain neutre" comme dirait Serge. Continuer à se désirer, et bien plus, ici serait malsain et irrespectueux vis à vis de ma femme et de mon fils

 

 

                                         la nouvelle donne sociale

A still photo from We Were Here of a gay couple kissing next to a straight couple who are avoiding looking at them.

 

 

 

Par claudio - Publié dans : DECOMPLEXER les BISEXUELS -&- PERES LIBERTINS - Communauté : Cavaillon communauté gay bi trans lesbienne sur la région
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