Partager l'article ! Florent Thomassin était sur le plateau de la soirée spéciale programmée ce mercredi sur France 2 à l’occasion de la journée mondiale contre l ...
Le courage de sa fuite
Publié le 17-05-2017
Édité et parrainé par Jean-Frédéric Tronche
Harcelé en seconde au prétexte de son homosexualité, Florent a dû abandonner ses études. (Florent Thomassin)
C’était trois semaines après la rentrée, chacun parlait de ses amours, c'est là que j’ai évoqué mon homosexualité. Interne en seconde électrotechnique dans un lycée proche de Metz, je me suis retrouvé en cible d’un harcèlement qui n’a pas cessé jusqu’à ma déscolarisation.
Trois jours après cette confidence, les ennuis ont commencé. C’était à longueur de journées des "sale pédé", "on va te brûler", "on va t’attendre à la porte du lycée", "on va te frapper".
Je n’ai pas reçu de coups, en fait, mais subi des bousculades, des pressions durant les cours et des actes d’une mesquinerie incroyable que je découvrais en rentrant dans ma chambre de pensionnaire. Ils avaient enlevé les plaques du faux-plafond pour couvrir mon lit de laine de verre, y ont versé des bouteilles d’eau, etc. Tout le monde était contre moi. Et l’absolue majorité masculine de ma classe, de par sa spécialisation, n’y était pas pour rien.
Chez moi, je ne disais rien
Je pense que même les homos du lycée hurlaient avec les loups parce qu’ils traînaient avec ces gars et ne voulaient pas être rejetés eux-mêmes. Chez moi, je ne disais rien. Mes parents souffraient assez comme ça : mon petit frère était hospitalisé. Il souffrait d’anorexie, est descendu jusqu’à 20 kilos, et a failli mourir. Alors, je passais mes week-ends à l’hôpital en gardant tout pour moi.
Mon père, chef d’entreprise, était très occupé par son travail et maman avait déjà tant à faire. Quant aux profs, ils se foutaient de mon sort. Ils étaient face à des classes de 31 élèves qui semaient le désordre. C’était le nivellement par le bas.
J’avais noué une petite relation avec un lycéen que j’avais rencontré au CDI. Histoire qui au passage n’a même pas duré deux jours. Je lui ai envoyé des messages dont un "Tu as fini ta douche, mon cœur ?" Il m’a répondu avec un "Ta gueule, ma mère m’a engueulé, elle a vu les textos que tu m’as envoyés."
Sa mère, homophobe, a du coup appelé le lycée pour râler. Le lendemain, le proviseur et une surveillante m’ont pris à part dans un bureau pour me faire comprendre qu’il fallait que j’arrête d’être celui que j’étais. C’était comme si je renvoyais une mauvaise image de l’établissement.
J’ai sombré dans la dépression
J’ai tenu comme ça une année scolaire. Et si je n’avais pas eu de projets et même des rêves ? Je m’étais construit une sorte de carapace. Je me renfermais sur moi-même. Je ne me rendais pas forcément compte que j’étais fort. Jusqu’à ce qu’elle se fendille et que je craque. J’ai arrêté le lycée après la seconde pendant environ deux ans.
Deux semaines avant la fin de l’année scolaire, j’avais écrit un message à ma mère pour faire mon coming out, me disant qu’après tout, je n’en étais plus à ça près. Chez moi, je me suis isolé, cloîtré dans ma chambre. Et j’ai sombré dans la dépression.
Je respire, je parle, je milite
C'était trop, j'avais besoin de changer d'air. Puis, j'ai entendu, via les médias, parler de l’association Le Refuge, à Montpellier. Je l’ai contactée, puis je suis allé y passer une quinzaine de jours. En 2016, je m’y suis installé en colocation, l’un des bienfaits du Refuge puisqu’on évite ainsi de broyer du noir dans son coin. Au contraire, on partage ses expériences, son ressenti. Là-bas, je dispose de l’aide d’une psychologue, d’une travailleuse sociale qui nous accompagne dans nos bilans de compétences et notre recherche d’emploi, j'assiste à des réunions de groupe trois fois par semaine pour libérer la parole. Et être écouté. Bref, je respire.
Malgré tout, au début, en débarquant dans cette grande ville, j’avais peur du regard des gens dans la rue. Comme si c’était écrit sur mon front. Un réflexe. Mais il faut quand même être prudent, éviter, dans certains quartiers, de se promener main dans la main avec une personne du même sexe.
Je suis revenu dans mon village il y a deux-trois mois. Avec un peu d’appréhension. Mais je n’ai pas envie de rester là-bas. Trop de mauvais souvenirs et l’envie de voir du monde, comme tous les gens de mon âge. J’ai aujourd’hui 20 ans. Et c’est avec cette confiance retrouvée, cette résilience, ce soutien que m'a offert le Refuge que j’ai décidé de faire de la lutte contre l’homophobie mon combat. Avec mes moyens, je milite. en parlant ici, dans L'Obs, ou encore ce mercredi 17 mai, en témoignant lors d'une soirée spéciale sur l'homophobie sur France 2 après la diffusion du téléfilm "Baisers cachés". Ce qui change totalement du lycée où je ne savais pas comment me battre.
Je continue aussi à croire en mes rêves : le cinéma, le théâtre. J’ai d’ailleurs suivi des stages au cours Florent. Je ne sais pas si ça marchera. Mais je suis heureux. L’amour, dans tout ça ? C’est compliqué l’amour.
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