Son sourire est aussi radieux que le soleil de Barcelone. Krzysztof Charamsa converse avec ferveur et sans tabou. Un an et demi après le scandale de son coming-out, il vit avec Eduard, son compagnon catalan, à Barcelone. L’ancien prêtre de 44 ans milite pour la cause LGBT. Il publie La Première Pierre*, pour raconter son histoire et son combat.
Le 3 octobre 2015, ce Monseigneur du Vatican décidait de rendre publique son homosexualité lors d'une conférence de presse. Le Saint-Siège l’a immédiatement démis de ses fonctions. Il fut ensuite suspendu par l’évêché polonais. Il ne peut plus exercer comme prêtre mais va « benissimo ». Un cri du cœur en italien pour ce polyglotte, qui a vécu à Rome pendant dix-sept ans. « Mon coming-out n’était pas qu’une libération personnelle. En tant que prêtre et en tant que croyant, c’était une obligation morale », insiste l’élégant quadra.
Après une décennie passée au sein des institutions vaticanes, le professeur de théologie a tout abandonné pour défendre la cause LGBT.« Je
reçois des messages du monde entier. Hier, j’ai répondu à un formidable mail d’un prêtre, amoureux d’un autre prêtre, paralysé par la peur. » Cette peur, Charamsa la connaît intimement.
Ce croyant a découvert son homosexualité à l’adolescence. « L’Église la présente comme une pathologie et une idéologie contre l’humanité. Et c’était en moi. J’ai vécu la majeure partie
de ma vie dans une sorte de cauchemar intérieur. »
Désormais, il n’a de cesse de dénoncer l’homophobie et la « persécution » dont les gays sont victimes dans l’Église catholique. « L’Église
a exclu une partie de l’humanité sur ce principe. Pourtant, au Vatican, beaucoup sont homos ou en couple. Et les diocèses protègent leur double vie. » Dans ses Mémoires publiés en
juillet 2016, Benoît XVI évoque même l’existence d’un lobby gay dans la cité vaticane. « Ridicule, réagit Krzysztof Charamsa. C’est surtout un moyen de stigmatiser un peu plus les
homosexuels. Le vrai lobby, mondial, c’est le Vatican. Ce catholicisme fermé et ignorant est aussi dangereux que le terrorisme. Il tue non pas physiquement mais psychologiquement.
»
Au début du pontificat du pape François, il avait espéré que les lignes bougeraient. Mais « ses signaux n’étaient que de la communication. » En bon chrétien, Krzysztof Charamsa a foi… en l’humanité. « L’Église catholique, qui se comporte comme une secte, réalise qu’elle doit mener une grande réforme mais a peur de se confronter à la modernité. »
Qu’en pense sa famille, très pratiquante, restée en Pologne ? « Mes proches ne savaient rien de mon homosexualité et ils m’ont formidablement soutenu, décrit-il. Maintenant ma mère est militante ! Ce qu’ils vivent en Pologne est indescriptible. Après mon coming out, les médias ont martelé des mensonges pendant un mois : “Comment ce pervers a-t-il pu faire ça à sa mère ?” Ma famille a beaucoup souffert. Bien plus que moi. » Originaire de Gdynia, sur la Baltique, l’ex-prélat se désespère de la « dictature quasi confessionnelle » qu’est devenu son pays dominé par le parti nationaliste Droit et justice.
La Pologne l’empêche d’épouser l’homme qu'il aime. Le mariage entre deux personnes de même sexe est légal en Espagne depuis 2005. Mais impossible de faire parvenir de son pays les documents d’état civil nécessaires à son union avec Eduard. Dans sa nouvelle vie, l’ex-prélat se dit « comme en exil. Mais je me sens plus catholique qu’avant. Je vis comme une nouvelle forme de prêtrise. »
*en librairies, éditions La Découverte, 18 €
Anastasia Svoboda
L’article dans son intégralité a été publié dans VSD n°2048
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