La pornographie, elle en consomme rarement. « Comme un écrivain lisant peu. » Elle n’a d’ailleurs jamais vu une seule de ses performances :
« Je sais qu’on est réduites à des bouts de viande. Autant ne pas l’assumer en ne regardant pas. »
Lily Francesca (son nom de scène) est actrice de film X. « Je prends mon pied, les mecs sont beaux, mais je ne réfléchis pas à l’après.“ Sans prétention, sans séduction, elle raconte avec un sourire timide son parcours dans le porno.
La jeune femme, qui assume les imperfections de son physique, se définit comme libertine.
Elle aime le sexe et sait où s’encanailler. ‘Je ne connais que les endroits pour adultes à Paris’, lâche-t-elle en parlant de ses soirées au Théâtre Suçoir * (VOIR ARTICLE).
Elle pourrait être payée plus en tant qu’escort, mais elle n’est ‘pas une pute’. Lily Francesca ‘revendique le terme d’actrice porno ou X’ : son job se confine au sexe filmé.
‘Je n’aime pas la comédie, j’ai toujours l’impression de très mal jouer. Ce n’est pas de l’argent facile. Se faire ramoner pendant 4 heures pour 250 euros, c’est pas vraiment l’eldorado.’
‘Avant le porno, je vendais mes culottes
Le porno est arrivé un peu par hasard. On l’a remarquée sur Internet alors qu’elle faisait des strip-teases payants par webcam. Je vendais mes culottes aussi ! Mais ça m’a vite emmerdée. Les clients veulent parler des heures avant d’acheter ton string.’ Alors quand John B. Root, le vieux briscard du film X maison, l’appelle, ‘je me suis dit, vas-y, ne réfléchis surtout pas’.
Dangers des MST, douleurs, mauvaises expériences ? Elle n’en parle pas. Lily évoque simplement des partenaires trop directifs ou un peu mous. ‘On est payés pour baiser, mais il faut un minimum de feeling pour un beau porno.’
Elle change de sujet en parlant de ses nouveaux amis aux noms improbables : sa partie de jambes en l’air avec Rico Simmons, ou sa nouvelle copine Tiffany Doll, rencontrée sur un tournage.
La jeune hardeuse se veut optimiste :
‘L’an dernier, j’étais encore manutentionnaire dans une usine de shampoing. Je gagnais plus d’argent, mais ma vie c’était métro-boulot-dodo. On fait le point dans dix ans pour savoir où j’en suis !
Questions/Réponses
- Quel est votre contrat ?
Je travaille au noir. Mon contrat, c’est la cession de droit à l’image avec le prix du cachet écrit dessus. Ça veut dire pas d’assurance non plus ! Quand j’aurai plus d’heures, j’essaierai de demander le statut d’intermittente du spectacle.
- Quel est votre salaire ?
Je gagne entre 1 000 euros et 1 500 euros par mois, en comptant les allocations chômage de mon ancien boulot. En général, je suis payée 250 euros pour une scène classique de 3 à 5 heures de tournage. Alors tout dépend des mois !
Aussi, on peut demander plus d’argent pour une scène avec pénétration anale ou en groupe. Au final, on ne devrait pas accepter moins de 350 euros, mais c’est la crise...
- Quels sont vos horaires ?
C’est vraiment variable et extensible. Un porno c’est vite tourné, donc on est dépendants des réalisateurs. Mais que ce soit de jour ou de nuit, le feeling avec l’acteur joue beaucoup. Si ça se passe bien, j’aime fermer les yeux pendant la prise. Je ne sais pas encore bien gérer mon regard, donc j’oublie très vite la caméra et je perds la notion du temps. Si ça n’est pas fantastique, je fais la poupée morte.
- Quand vous débarrassez-vous de votre tenue de travail ?
Quand j’ai nettoyé le sperme que j’ai sur le visage ! Plus sérieusement, c’est une fois habillée, après une bonne douche, que j’ai l’impression d’avoir enlevé ma tenue. La partie vestimentaire est choisie en fonction du fantasme vendu et du réalisateur ; l’écolière et l’infirmière sont des panoplies inévitables dans une carrière.
Les gens pensent qu’on ne travaille qu’à poil ; mais moi, on me demande toujours de garder un vêtement dans mes scènes car j’ai la peau très pâle. La petite jupe sexy ou le haut noir doit bien rendre à l’image.
- Quel rôle jouez-vous dans l’entreprise ?
Au boulot, je peux être la collègue stressée avant le début du tournage, mais quand c’est parti, je ne réfléchis plus. Je me détends et tout d’un coup je blague, je flirte. Mais je ne suis qu’une petite fourmi dans une fourmilière, je me fonds dans la masse et je fais mon job.
Je n’ai vraiment pas de vision globale du monde du porno, mais c’est une grosse machine qui pourrait marcher sans moi. Si j’arrête demain, personne ne me pleurera.
- Votre travail vous demande-t-il un effort physique ?
J’ai souvent quelques courbatures aux cuisses ou aux bras, mais en général, je prends mon pied ! Je pense que j’arrêterais si j’avais mal pendant ou après. Il y a évidemment les mauvais souvenirs... Je pense à cet acteur qui me prenait pour un pantin, me laissait les fesses en l’air et m’ordonnait de ne pas bouger pendant sa pause... Pas douloureux, mais désagréable.
Etrangement, je préfère un gars qui dépote à un qui aura peur de me casser les reins. La plupart du temps, c’est une bonne partie de baise, je prends du plaisir sans forcément jouir.
- Votre travail vous demande-t-il un effort mental ?
Vraiment pas. J’ai d’ailleurs du mal avec la partie comédie du job. C’est quelque chose qui ne m’a jamais plu et je me sens mauvaise. Plutôt qu’un film porno classique, je préfère le gonzo, c’est-à-dire juste une scène de sexe avec un scénario minime ou inexistant. Le plan du livreur de pizza ou le plombier, ça va, mais je ne suis pas actrice, je suis actrice porno.
L’effort mental, c’est souvent après une grosse journée qu’il se fait. C’est pas un job dans lequel on pense beaucoup sur le moment, mais on réfléchit énormément en rentrant chez soi.
- Avez vous l’impression de bien faire votre travail ?
Non, pas pour l’instant. Je ne sais pas où me placer par rapport à la caméra, comment la regarder. Je ne suis pas gueularde non plus, il faudrait que je m’entraîne. Mais surtout, les positions acrobatiques me fatiguent vite, je n’ai pas de souffle !
- Quelles traces votre travail laisse-t-il sur vous ?
Les fesses rougies après une fessée, et c’est déjà pas mal. Je ne suis pas du tout dans un délire violent avec le cul. Si mon corps me dit stop, j’arrête. Les traces de mon travail, ce n’est pas sur mon corps, c’est sur Internet ! Ces pornos, ils sont vendus à vie. Au début, c’était dur à entendre, mais je me suis habituée. Même si je change de job, ça se saura forcément un jour ou l’autre.
- Si vous deviez mettre une note à votre bien-être au travail dans votre entreprise, sur 20, quelle serait-elle ?
14/20, ce n’est pas très élevé. C’est sympa, je prends du plaisir, mais je pense passer trop inaperçue par rapport à certaines filles. C’est ça qui fait baisser la moyenne pour moi, j’aimerais forcément travailler plus pour gagner plus !
Il faudrait que je me détache davantage du regard des gens pour mieux aimer mon métier. Pour évoluer dans ce milieu, beaucoup de filles augmentent la taille de leurs seins ou se mettent à l’anal ou au sexe en groupe. A réfléchir.
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