Partager l'article ! CATALOGNE terre d'accueil...C'est arrivé (aussi) à des étudiants erasmus...: Classé dans SAUTER LE PAS ...
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le coup de foudre pour...BARCELONE...
Moi j'essuie les verres ...lol |
Pascal était assis en terrasse d’un café barcelonais, où je travaille comme serveur. Il touillait machinalement un cortado (café-au-lait) qui devait déjà être froid. Prétextant le nettoyage des tables, j’ai observé plus attentivement ce jeune mec triste. Cheveux courts, polo Lacoste, 501, Nike. Le tout dissimulait un corps jeune et musclé sans excès. Il était tôt: 9 heures du matin à peine.
En nettoyant la table juste à côté de la sienne, il a fini par me voir et m’a gratifié d’un sourire furtif. Il souriait comme on appelle au secours. À ses côtés étaient assis une grande bourgeoise friquée, genre femme au foyer dépressive, et un homme d'environ cinquante ans, type même du grand patron, massif, le visage austère et fermé.
Lui, au milieu, je lui donnais à peine dix-huit ans, pédé jusqu’aux bouts des ongles et pas loin de craquer. J’en ai vu passer, des jeunes comme ça: ils ne rêvent que de s'éclater la nuit dans les boîtes de Barcelone, mais on les trimballe de musées en musées, et au lit à minuit, sans une minute tranquille! À l'époque, j’avais vingt-quatre ans, et les jeunes pédés ne m’attiraient pas. Mais il y avait ce regard mouillé, ce regard résigné, révélant une abdication intenable. C'est quelque chose que je ne peux pas supporter, c’est plus fort que moi. Je me suis approché de la table, j’ai posé un cendrier et j’ai fait un remake de “Fraise et chocolat" en bousculant la tasse de café, pour éclabousser le jeune mec. La mère s’est aussitôt mise à glapir. Je me suis très vite excusé et j’ai proposé au jeune homme de me suivre pour lui nettoyer la tache sur son polo. Il semblait terrorisé. Malgré la protestation de sa mère, je l’ai entraîné vers les toilettes. Il ne disait rien, il semblait vraiment mal. Je lui ai demandé:
— Comment tu t’appelles?
— Pascal
— T’as quel âge?
— Vingt ans.
— Et tu te laisses encore terroriser par tes parents ?
Je l’ai vu faire la grimace, et puis j’ai lu le désarroi dans ses yeux. Je me suis revu six ans en arrière. Sans rien dire, j’ai pris une serviette et un peu de savon. J’ai commencé à savonner la tache sur son polo. Pour ne pas lui mouiller la peau, j’ai passé la main sous le tissu. Pascal s'est mis à trembler de la tête aux pieds. Sans enlever ma main, posée contre son torse nu, il m’a dit:
— Tu es un pédé, n’est-ce pas?
Je me suis mis à rire. Il a cru qu'il m’avait vexé. Il s’est empêtré dans ses explications. Je l’ai arrêté. Il a fini par me murmurer: “Moi aussi.” Des larmes ont jailli au bord de ses paupières.
— Eh bien, il n'y a pas de quoi avoir honte! T’es un beau mec, tu vas faire des ravages une fois que tu te seras débarrassé de tes vieux.
— Je ne peux pas. Pas tout de suite. Je fais H.E.C. J’en ai pour trois ans. De toutes façons, mon père voudrait que je prenne sa succession et...
— Et c’est ce que tu veux, toi?
Nous n’avions que peu de temps. À genoux devant lui, j’ai léché son sexe. Pascal était affamé de tendresse, de caresses. Cela pouvait nous suffire, et je n’étais pas sûr qu’il ait envie de se faire enculer. Mais c’est lui qui me l’a demandé. Je l’ai dépucelé le plus doucement possible pour ne pas lui faire mal.
Pascal s’est brusquement dégagé, presque en colère:
— J’ai rien à te dire. Qui t’es, toi, pour me poser ces questions?
— Rien. Simplement, moi aussi je suis passé par là. Moi aussi je viens d’une famille friquée. J’étais un élève très brillant, et tout se passait plutôt bien, mais le jour où mon père a compris que j’étais pédé et que je m’envoyais en l'air avec des mecs, il m’a tellement cogné que j’ai failli en crever.
— Et qu’est-ce que tu as fait?
— Je suis parti. Le plus loin possible. Ici, à Barcelone. J’avais dix-huit ans. J’ai tout plaqué, le fric facile, les études. Tout. Tu vois... Moi aussi je suis français. Je suis né à Brest.
Pascal était troublé. Nous étions tous les deux presque à nous toucher. Il était temps qu’il retourne en terrasse, ses parents devaient s’impatienter. Je ne savais pas comment faire pour le retenir alors que je pressentais, inconsciemment, que ce mec pouvait changer ma vie, comme je pouvais changer la sienne. En le ramenant à ses parents, je leur ai servi un mensonge à peine crédible:
— Écoutez, je ne sais comment vous dédommager, mais voilà, il se trouve que mon épouse est souffrante, et nous avions pris deux places pour aller voir un spectacle de danse contemporaine, ce soir. Me permettez-vous d’inviter votre fils?
— Vous êtes français?
— Oui. Je vis à Barcelone depuis mon mariage.
Ils se sont consultés du regard. Le père a demandé: “Ce n’est pas un truc spécial au moins?” Et sa femme de répondre: “Oh! Voyons, Pierre... je crois que nous pouvons faire confiance à ce monsieur, s'il devait y aller avec son épouse...” Ils m’ont dit d’accord, sans même consulter le principal intéressé. Ils logeaient dans un des plus beaux hôtels du haut des Ramblas. Le soir, le père a tenu à accompagner son fils en taxi jusqu'au théâtre, et n’est parti que lorsqu’il nous a vus entrer dans la salle ensemble. Il avait à peine tourné les talons que j’ai fait signe à Pascal de me suivre. J’avais des copains dans la troupe qui dansaient ce soir-là. On s'est tous retrouvés dans les loges, et lorsque les danseurs sont entrés sur le plateau, nous sommes restés tous les deux, Pascal et moi, seuls, dans une loge fermée à clef. Pascal n’en revenait pas, il tremblait comme une feuille (je sais, maintenant, que lorsqu’il est en proie à un sentiment violent, il se met automatiquement à trembler!). Il s’est jeté dans mes bras comme un môme, mais il bandait comme un cerf. Il m’a glissé à l'oreille: "J’ai envie de baiser! Tellement envie!" Il n’avait pas besoin de me le dire. L’envie était, de toute manière, totalement réciproque. Pascal m’a fait le plus beau des cadeaux. Il s’est donné, lui, totalement. Avec son corps, avec sa tête, avec son cœur. Ses lèvres maladroitement posées sur mes lèvres ont enflammé la mèche du plaisir. Nous n’avions que peu de temps. À genoux devant lui, j’ai léché son sexe. Pascal était affamé de tendresse, de caresses. Cela pouvait nous suffire, et je n’étais pas sûr qu’il ait envie de se faire enculer. Mais c’est lui qui me l’a demandé. Je l’ai dépucelé le plus doucement possible pour ne pas lui faire mal. J’ai joui très vite et lui aussi. À cette époque-là, je changeais de mecs plusieurs fois par nuit. Je n’avais jamais éprouvé de sentiments pour mes partenaires. Mais là, j’avais le cœur qui battait à tout rompre. Au milieu de la jouissance venait de se glisser autre chose, un sentiment que j’avais ignoré jusque là: celui de l’amour.
Nous avons juste eu le temps de regagner la salle au moment des applaudissements. Pascal a discrètement glissé sa main vers la mienne, dans le noir. C'est comme si on l’applaudissait lui, qui venait de franchir de pas, et quelque chose aussi qu’on aurait pu appeler le début d’une histoire d’hommes. Pourtant, on s'est quittés sans un mot sans un regard. Son père l’attendait. Je les ai vus partir ensemble en taxi. Pour moi, la nuit ne faisait que commencer.
Je suis descendu vers le port pour draguer, mais je me suis soudain rendu compte que je n’en avais pas envie du tout. Je suis rentré chez moi, seul. Je ne pensais plus qu’à Pascal, à la situation dans laquelle il se trouvait. Je revoyais ses gestes maladroits, le désir qui nous avait enflammés et qui maintenant me brûlait. J’étais tombé amoureux. Je pensais ne jamais le revoir et pour la première fois, j’ai eu mal, vraiment mal, d’avoir perdu un mec.
Trois jours plus tard, en prenant mon service, le patron est venu me voir. Il y avait un jeune Français qui était passé pour demander s’ils embauchaient des apprentis serveurs. Comme il parlait parfaitement bien l’anglais, l'allemand et l’espagnol, le patron avait dit OK. Je deviendrais son coach, puisqu’il était français, comme moi.
J’ai cru que mon cœur allait se décrocher. Pascal est arrivé quelques heures plus tard. Il m’a simplement dit: “J’ai fait mon choix. Je viens travailler ici.”(et dormir chez-toi ????)
Rémy, 28 ans
Tarif ???
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Il y est fait allusion dans le récit. Le scénario de ce film c'est l'amitié d'un jeune et fougueux étudiant castriste et d'un artiste homosexuel dans le Cuba des années soixante-dix.
Fraise ? Chocolat ? Pour Diego comme pour David, le choix s'impose, naturel : glace à la fraise
pour le premier, artiste et homosexuel ; au chocolat pour le second, militant pur et dur. Diego lit des livres interdits, boit du whisky de contrebande et drague avec ferveur de jeunes éphèbes
chez les glaciers. David noie ses peines de coeur dans la révolution. Alors, aussi naturellement qu'il a choisi le chocolat, David décide d'espionner Diego... pour le bien de son pays. Quatorze
ans après les premières mesures discriminatoires à l'égard des intellectuels homosexuels cubains jugés contre-révolutionnaires , il ne fait toujours pas bon être un marginal, en 1979, à La
Havane... Depuis neuf mois, le Yara, la seule salle de La Havane à projeter le film de Tomas Gutierrez Alea et Juan Carlos Tabio (faute de copie, dit-on...), n'a pas désempli. Une file d'attente
de plusieurs centaines de mètres s'agglutine cha- que jour devant le cinéma, contenue tant bien que mal par un cordon de policiers. Les affrontements entre forces de l'ordre et candidats à
l'exil, qui se sont multipliés depuis le début du mois d'août, n'ont pas entamé l'enthousiasme des spectateurs. Cris, quolibets et applaudissements : les projections se déroulent selon un rite
immuable. Trente-cinq ans après l'avènement de la révolution castriste, les Cubains osent désormais rire ouvertement de leur sort, sans prendre la précaution de se mettre à l'abri des oreilles
indiscrètes. Au cinéma Yara, c'est à qui reconnaîtra soit son voisin, soit la vigile de service, soit un ami homosexuel auquel Jorge Perugorria, l'acteur qui joue Diego, aurait emprunté les
traits... Bien plus qu'un film, Fraise et chocolat, pourtant deux fois primé (1), est devenu un phénomène social. Chacun y vient retrouver ses contradictions, confronter ses points de vue et, qui
sait, puiser une leçon de tolérance ou d'espoir. Car, dans Fraise et chocolat, rien n'est ni fraise ni chocolat : tout est panaché. Et surtout David. Malgré ses clichés, ses slogans rabâchés et
son militantisme sans nuance, il se laisse gagner par la gentillesse de sa victime. Il est aussi incohérent que Nancy, la vigile de l'immeuble de Diego, qui surveille ses voisins tout en vénérant
les dieux vaudous, tantôt amicale, tantôt impitoya- ble. Il est aussi écartelé que la ville elle-même, La Havane, personnage à part entière du film, magnifique de beauté et sublime de
souffrances, avec ses palais saccagés, ses églises en ruine, son inaltérable fierté et sa gaieté débridée. Magnifiquement servis par leurs acteurs (Jorge Perugorria et Mirta Ibarra, formidables),
les réalisateurs ont choisi de jouer sur l'une des cordes sensibles du peuple cubain : l'humour et l'autodérision. « Les gens se reconnaissent sur l'écran, dit Jorge Perugorria. Comme David et
Nancy, ils occul- tent quotidiennement les perversités du système et se méfient de tout et de tous. Voir un type comme Diego parler librement, ça leur donne des ailes. Ça ré- veille leur
conscience et même leur mauvaise conscience : comme David et Nancy, ils se savent capables du pire et du meilleur. »Mais ça les conforte aussi dans le système... Car c'est bien la faille de
Fraise et chocolat : Gutierrez Alea et Tabio dénoncent un état d'esprit, mais pas les faits. A aucun moment, ils ne mentionnent les camps de redressement installés en 1965 à l'intention des
déviants idéologiques et sexuels. Et la guerre que livrent les intellectuels au régime reste dans un flou poli. Fraise et chocolat n'a ni la violence de Conducta impropia, le documentaire de
Nestor Almendros (1984), qui dénonçait la condition des homosexuels sous Castro, ni la subversion de la nouvelle de Senel Paz, dont il est tiré. Depuis la sortie du film, Tomas Gutierrez Alea,
ex-figure de proue du régime castriste, a fait l'objet de violentes critiques de la part de la communauté des artistes cubains en exil. On l'accuse de vouloir réhabiliter le régime en gommant
sciemment les actes les plus atroces de la répression. « Comme si on essayait de nous faire croi- re à la possibilité d'un Fidel Castro démocrate et capable de pardonner ! », s'insurge l'écrivain
Guillermo Cabrera Infante. Bref, Fraise et chocolat n'existerait que pour faire croire à une libéralisation du régime...« Mais c'est pourtant ce qui se passe !, rétorque Jorge Perugorria. Oh,
bien sûr, les artistes et les intellectuels ont toujours du mal à s'intégrer. Comment le pourraient-ils ? Le système ne le permet pas ! Bien sûr, la censure existe toujours. Personne ne sait d'où
elle vient. C'est comme un fantôme. Alors, à force de l'ima- giner partout, les créateurs finissent par la devancer et s'autocensurent. Pourtant, qu'un film comme Fraise et chocolat existe,
surtout dans le contexte économique actuel (c'est le seul long métrage qui ait été tourné en 1993), est un signe d'ouverture. »Petit acteur de théâtre et de télévision, Jorge Perugorria est
devenu une star à Cuba, grâce au rôle de Diego. Un statut qui lui vaut, aujourd'hui, d'être le premier comédien cubain à avoir obtenu l'autorisation de tourner à l'étranger. On le verra dans le
film de l'Espagnol José Miguel Cuares, qu'il termine actuellement à Madrid. Mais Perugorria n'entend pas abu- ser de ce passe-droit : « C'est dans mon pays que je veux travailler. Pendant
trente-cinq ans, les Cubains se sont sacrifiés au nom d'un idéal. Aujourd'hui, ils n'ont plus rien : ni idées à défendre ni richesses. Depuis la faillite du socialisme dans les pays de l'Est, la
situation économique s'est encore aggravée. L'embargo américain n'en finit pas de se durcir, encouragé par Mascanosa, qui régente la communauté cubaine de Miami. Il faut que quelque chose se
passe et c'est à notre génération d'agir. Moi, je ne crois ni au capitalisme ni au socialisme tel qu'il se pratique ici. Mais je crois à la justice. En prêchant la tolérance, Fraise et chocolat
est peut-être le premier round du combat que les Cubains ont à mener. » -Marie-Elisabeth Rouchy (1) Il a reçu l'Ours d'argent et le Prix spécial du jury de Berlin ; et le Prix du festival du
nouveau cinéma latino-américain de La Havane.
Marie-Elisabeth Rouchy
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