Filmé par les équipes de RT, parties en Afghanistan enquêter sur cette coutume controversée, Japar plante le décor, et évoque sans tabou une pratique sanctionnée par le code pénal en Occident mais justifiée Afghanistan, au nom de la culture et de la tradition.
Agés de 6 à 16 ans, les bachas bazi, littéralement «garçons-jouets» incarnent en effet le fantasme absolu de nombreux afghans. Cette coutume pédophile permet aux hommes, même mariés, d'assouvir leurs pulsions, tolérées envers les garçons même si le sujet est tabou, mais impensables sur de jeunes filles.
Fait étonnant : les adeptes de bacha bazi nient farouchement être homosexuels, même s'ils fantasment sur de jeunes garçons et couchent avec eux. «Etre gay est un concept occidental, c'est une revendication. Les hommes qui couchent avec des garçons ne sont pas forcément homosexuels. Dans le jargon, on les appelle les MSM [Men Sexually Involved with Men]», explique Qasim Iqbal, président de l'association LGBT Naz Pakistan, auteur d'un rapport sur le bacha bazi.
Les bachas : un substitut aux femmes
En Afghanistan, la pratique d'un islam stricte et le respect des traditions limitent, voire interdisent, les interactions entre hommes et femmes, surtout dans les zones rurales où se déroulent la majorité des bacha bazi.
Les femmes, invisibles sous leurs burqas, inaccessibles et cantonnées le plus souvent aux tâches domestiques dans ces zones, représentent la mère, l'épouse convenable. Elles ne peuvent en aucun cas être l'objet de fantasmes, puisque leur rôle est avant tout d'assurer la descendance et de garantir l'honneur de la famille. Alors pour les fantasmes, il y a les jeunes garçons, pré pubères et imberbes, aux visages fins et aux poignets délicats, qui rappellent les filles.
Chaque soir ou presque, au son des tambourins, un ou plusieurs bacha dansent, clochettes aux pied et maquillés de façon outrancière, devant une assistance composée exclusivement d'hommes mûrs barbus qui les dévorent des yeux et attendent avec impatience la fin de la soirée pour passer quelques heures avec le garçon de leur choix.
La pauvreté, terreau de la prostitution infantile
Présentée comme une pratique culturelle, le bacha bazi s'inscrit néanmoins dans un contexte socio-économique marqué par les inégalités et la pauvreté. En Afghanistan, les bacha sont toujours issus des mêmes couches sociales : ce sont des enfants issus de familles trop pauvres pour subvenir à leurs besoins, ce qui les met à la merci des hommes de pouvoir, chefs de guerre ou riches hommes d'affaire, qui rôdent dans les villages à la recherche de nouvelles «recrues».
Pour ceux qui dansent, c'est une question de survie : nourris, logés, et entretenus chez leur maître, sous le toit duquel ils cohabitent avec sa femme et ses enfants pendant plusieurs années, jusqu'à ce qu'ils soient jugés trop vieux pour être encore désirables, les bachas n'ont guère le choix. S'ils tentent de s'enfuir, ils risquent d'être retrouvés et tués par leur maître. S'ils partent, même avec le consentement du maître, ils retrouveront une vie misérable où chaque jour, ils auront faim. Alors certains, bon gré mal gré, se font à cette vie, qui leur permet au moins d'avoir le ventre plein et d'avoir un toit sur la tête. «Je veux être capable de m'assumer financièrement», explique Mohamed, un jeune bacha de 17 ans. «Je ne veux pas que les gens se disent que je suis pauvre», justifie-t-il.
Vendus comme «apprentis» par leur familles qui feignent d'ignorer ce à quoi les acheteurs les destinent, danser et se prostituer devient un échappatoire à une vie misérable, même si le prix à payer est très lourd.
Pour ceux qui exploitent les garçons, c'est à la fois un moyen d'avoir un esclave sexuel à domicile, mais aussi un signe de prestige : en Afghanistan, entretenir un ou plusieurs garçons permet de montrer qu'on a de l'argent.
Pratique interdite... et pourtant intouchable
Si les adeptes du bacha bazi ont longtemps pu s'adonner à leurs soirées ouvertement, il n'en n'est pas de même aujourd'hui. La pratique a en effet été successivement interdite par les talibans après leur accession au pouvoir – paradoxalement, les talibans ont pourtant la réputation d'être en secret de grands amateurs et consommateurs de bacha bazi – puis par le gouvernement afghan.
Il s'agit donc de rester discret, car dans les faits, la coutume reste vivace : souvent impliqués dans les bacha bazi, les représentants des autorités et de la police poursuivent rarement les propriétaires comme ces «play boys» rendant le problème quasi insoluble. «En Afghanistan, si vous avez de l'argent, vous êtes intouchable», déplore Qasim Iqbal.
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