Florence Arthaud, Alain Souchon, Mickey 3D, Mireille Darc, Chantal Goya, Raphael, Thomas Dutronc, Catherine Deneuve ou encore Line Renaud... De nombreuses célébrités ont signé la pétition initiée par leur ami chanteur et navigateur Antoine (Pierre Antoine Muraccioli de son vrai nom), contre la proposition de loi porté par le Parti socialiste qui prévoit la pénalisation des clients de prostitué(e)s.
Une soixantaine de femmes et d'hommes, dont de nombreuses stars, ont accepté, "souvent avec enthousiasme", d'approuver une formule que le chanteur des "Élucubrations" avoue avoir mûrement réfléchie : "Sans cautionner ni promouvoir la prostitution, nous refusons la pénalisation des gens qui se prostituent et de ceux qui ont recours à leurs services, et nous demandons l'ouverture d'un vrai débat sans a priori idéologique."
Un Français sur cinq pour une amende aux clients
Les signataires ne s'engagent que sur cette simple phrase, mais le combat d'Antoine va plus loin. Tout en affirmant que le premier devoir de l'État doit être de lutter contre la traite des êtres humains, il lutte pour qu'on "l'on rende aux personnes qui se prostituent les mêmes droits qu'aux autres travailleurs."
Le chanteur, danseur, réalisateur de films et navigateur a 69 ans. Il ne ne s'est toujours pas coupé les cheveux et arbore toujours une barbe de
naufragé. Mais il ne faut pas fier à son look. Ce centralien connaît bien son sujet et se lance avec précision dans la bataille des statistiques. Il s'insurge contre "les chiffres de
convenance", notamment l'affirmation selon laquelle 90 % des prostituées seraient "contraintes".
Reprise par la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, "et la plupart des associations abolitionnistes", cette estimation est fondée selon lui sur le nombre de personnes verbalisées dans la rue, en majorité des étrangères, car elles sont arrêtées prioritairement par la police. Elle "oublie les autres formes de prostitution, comme celles qui existent par exemple sur Internet, et sur lesquelles il n'existe aucune statistique", souligne Antoine, qui ajoute que le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales met clairement en doute ces données. Et rappelle également qu'un Français sur cinq se prononce pour une amende aux clients.
"Les vrais ennemis"
Dans sa ligne de mire, "les associations opposées de manière dogmatique à la prostitution". "En France, dès qu'on parle des prostituées, on nous dit que l'immense majorité d'entre elles sont victimes des mafias. Mais aucun chiffre réel n'existe", déplore-t-il. Il regrette que les articles et les rapports qui servent de base à la préparation de normes sur la question "s'appuient plus sur des cas d'espèce que sur des études scientifiques, qui devraient interroger 200, 300 prostituées". Il pointe du doigt la mission d'information parlementaire réalisée sous la houlette du député Guy Geoffroy comme le groupe de travail de Maud Olivier, "qui partent du principe contesté que toute prostitution est une violence". Pour lui, "se battre contre la prostitution non contrainte, c'est dissiper en vain de l'énergie qui devrait être consacrée à la lutte contre le véritable proxénétisme de contrainte et la traite des êtres humains, les vrais ennemis".
Antoine, qui revendique de nombreux amis prostitués, considère qu'il s'agit d'un véritable corps de métier. "Il y a des personnes qui exercent depuis trente ou quarante ans et qui ont des habiletés spéciales, une véritable expertise." Mais il sait aussi faire la part des choses : "On ne va pas créer des BTS fellation ou proposer cette profession à Pôle emploi. Il suffit de créer des lois intelligentes."
S'il défend les prostitué(e)s, il défend également leurs clients. Lui qui garde un souvenir ému du jour où, sur l'invitation de son éditeur italien, une Napolitaine l'avait câliné, pendant que, dans la même chambre, une Romaine s'occupait de Claude François, estime que "les clients ne sont pas des névrosés". Il déplore que les seuls qui sont interrogés soient issus des mouvements abolitionnistes. Il s'insurge contre le Tumblr Parole de clients, qui réunit selon lui des commentaires soigneusement sélectionnés sur des sites d'escort : "Ces témoignages ne reflètent pas la réalité. Sur les sites internet concernés, il y a un commentaire déplacé pour trente commentaires respectueux", explique-t-il. Pour lui, les prostituées répondent à "un besoin de gens qui cherchent un instant de bonheur et surtout de la considération".
"J'ai de la compassion pour elles"
À part quelques prises de position en faveur de l'écologie, Antoine est peu coutumier des engagements politiques : "Depuis mon bateau, j'ai vu se succéder au pouvoir Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande. Je ne m'étais pas engagé depuis 1966, quand je réclamais la pilule dans les Monoprix." Mais alors, pourquoi embrasse-t-il cette cause et pas la lutte contre le sida, ou la faim dans le monde, ou en faveur du sort des Roms ?
"J'ai de la sympathie pour celles et ceux qui exercent ce métier. J'aime les prostitué(e)s comme des frères ou des soeurs, j'ai de la compassion pour ces personnes comme pour tous ceux qui souffrent." Mais comment réagirait-il si un de ses enfants épousait la profession ? "Si c'était son choix, je lui conseillerais de choisir plutôt un autre métier, moins stigmatisé, mais je préférerais qu'il soit travailleur du sexe dans un univers légal et protégé comme en Suisse, en Australie ou en Nouvelle-Zélande plutôt que de travailler au fond d'une mine, par exemple."
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