avant de mettre en marche vos gaydars....lol
Les hétéros qu’on prend pour des homos : un genre qui dérange
Premier enterrement de vie de garçon pour Arthur (tous les prénoms ont été changés). Il a environ 24 ans. La bande de copains a organisé un week-end à Boulogne-sur-Mer. L’après-midi, une partie de « paintball » est prévue. Enthousiasme général. Grand garçon réservé, Arthur se force un peu. Très vite, il se rend compte qu’il est très mauvais. Surtout, c’est insupportable.
Le soir, en boîte, ça continue, les amis du marié lancent une farandole allemande. Il décroche.
Arthur raconte cette histoire, bras et jambes croisés, en buvant un expresso. Il est un présentateur télé, aux yeux turquoises et lèvres charnues. Il porte un col roulé noir et des petites chaussures. Contrairement à ce que les gens pensent parfois au premier abord, il n’est pas homosexuel.
Une couche d’anti-cernes
Oscar met de l’anti-cernes. Il porte également des cols roulés noirs. Au boulot, des types font des blagues graveleuses. « Putain, elle, je la défoncerais bien », par exemple.
A chaque fois, Oscar, la trentaine, doit réfléchir. Soit il se tait, c’est perçu comme louche et snob. Soit il tente un « C’est clair qu’elle a un bon cul ». Ça sonne faux.
Lui non plus n’est pas homosexuel. Les pères de ses petites copines le comprennent toujours trop tard.
« Ils laissent la porte du poulailler grande ouverte et me disent de rentrer en souriant parce qu’ils pensent que je suis le meilleur ami gay. »
Annoncer à ses parents qu’on aime les filles
Ces hommes-là sont hétéros mais à l’extrême opposé de l’hétéro-beauf-moyen. De loin, on les reconnaît parce qu’ils ont des manières, du goût et un regard intelligent.
En référent connu, il y en a peu, on connaît Henri III et Guillaume Gallienne. Henri III, roi au comportement efféminé, abhorrait la violence et la chasse. Guillaume Gallienne, comédien de la Comédie Française, a dû annoncer à ses parents qu’il aimait les filles (« coming-in »).
Les copains, c’est très récent
Arthur et Oscar n’ont jamais eu de bandes de potes. Au collège, Oscar portait des pulls cols en V et se faisait traiter de pédale. En quatrième, il a réussi à se faire un copain. Aujourd’hui, c’est toujours son meilleur ami et ce dernier le pousse à passer des soirées entre mecs. Il apprécie, mais c’est très récent.
Cela a toujours été plus naturel avec les filles. Oscar dit qu’il bénéficie étrangement de la solidarité féminine depuis la cour de récré.
« Quand je me fais engueuler, il y a toujours dix meufs pour se lever et me défendre. J’ai fait toute ma vie professionnelle sous la protection des femmes et des homos. »
Oscar pense que les hétéros n’arrivent pas à le situer sexuellement et que cela les rend agressifs. Ils sont aussi jaloux de le voir parler aux femmes avec autant de facilité.
« La question des hommes se reposera »
Arthur et Oscar se sont fait tous les deux énormément draguer par des homosexuels. Oscar raconte la violence, le dégoût : des hommes l’ont traité de « petite pute » et lui ont mis des mains aux fesses.
Tous deux ont vécu, plusieurs fois dans leur vie, un même moment gênant : quand un homosexuel te regarde dans les yeux en te disant que tu es des leurs, un refoulé, une honteuse. Alors que tu ne le penses pas.
Tous les deux se sont donc posé la question des centaines de fois (aussi dans le cadre de leur analyse). Le suis-je ?
Oscar dit aujourd’hui que la question est réglée (il est marié), mais pas fermée. Il vivra peut-être un jour une expérience sexuelle avec un homme, mais il ne se voit absolument pas construire une vie avec. Arthur est définitif : le corps nu d’un homme ne le fait pas bander. Mais il dit quand même, et c’est paradoxal :
« La question se reposera peut-être. »
Des amoureux jusqu’à la dépression
Ce sont des hommes intenses qui aiment les femmes avec passion (et quand les histoires se terminent, la question de l’homosexualité se repose).
Oscar raconte qu’il était tellement amoureux d’une fille en primaire, qu’il a été convoqué chez la directrice pour harcèlement. Sa première vraie histoire s’est mal terminée. Il a beaucoup souffert. Après, pour convaincre ses proches et lui de son hétérosexualité, il a essayé de baiser tout Paris.
Quand Arthur tombe amoureux, c’est fort et rapide.
Chacun ont leurs angoisses. Arthur a peur de ne pas jamais trouver la bonne.
« Je ne suis pas tout à fait ce que les femmes attendent. »
Il dit qu’elles le voudraient plus viril, affirmé, déterminé, grande gueule, moins dans le compromis. Il assure que sa virilité s’exprime autrement, au lit déjà, et dans sa façon de protéger les femmes. Mais il a peur que cela ne suffise pas.
Ce n’est pas non plus facile de s’intégrer dans les cercles d’amis des nanas, et de créer une complicité avec leurs pères.
La grosse bague moche de Tony Soprano
Dans son livre « L’énigme sexuelle d’Henri III », le psychiatre Gilbert Robin décrit ainsi l'effeminé :
« L’efféminé a le plus souvent une sexualité normale. Il n’est pas bi-sexuel, il est bi-psychique. L’efféminé est moins un arbre qu’un arbuste et son écorce est de soie, de mousseline. [...] Il a des antipathies et des adorations. [...] Il plaisait aux femmes hier plus qu’aujourd’hui [...]. Elles le trouvent encore charmant, mais leur attachement ne va pas plus loin. »
Oscar, lui, est heureux en couple. Mais il a d’autres inquiètudes. A cause de ce qu’il dégage, il a parfois besoin « de mettre ses couilles sur la table ». Au boulot, cela donne l’impression qu’il souffre d’un grand complexe de supériorité. Le mépris n’est jamais loin.
Oscar porte une grosse bague avec une pierre noire, de patron justement. « Un truc moche et vulgaire à la Tony Soprano ».
« Les femmes que j’aime me verront toujours comme un hétérosexuel, parce que je dégage quelque chose de différent avec elles. Ceux qui ont des normes dans la tête me verront toujours comme un pédé. La bague, c’est pour que tous les autres continuent de se poser des questions. »
Comme le chante Michel Polnareff : le mieux quand on se pose la question, c’est d’essayer.
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