Par Elise Bonnard
Xavier Dolan, jeune prodige du cinéma québécois, fait tomber ses fringues en soie pailletée pour enfiler chandail usé et blouson de cuir. Au
coucher du soleil, il quitte Montréal et s’enfonce en rase campagne.
Dolan n’est plus un enfant. Dans la peau de Tom, il va à la ferme enterrer son premier amour.
La mère de l’amant défunt ne sait rien de la nature de leur relation. Comment ne pas arriver comme un cheveux blond décoloré sur la
soupe ? Délicat d’annoncer de but en blanc : « Votre fils est mort. Il était gay ». Pourtant c’est ce qu’il faudrait faire. « Si tu l’aimais ta mère, tu ne lui mentirais
pas», dit Tom au frère du défunt.
Ça sent l’étable, les chrysanthèmes, les aisselles et la terre mouillée. Ça sent le vieux garçon brutal et frustré. Tabernak, ça pue la mort. Et
pourtant Tom reste. Tom vit son deuil à coup de poings dans sa belle face. Dès le premier jour, il casse ses lunettes. Le chagrin empêche d’y voir clair. Tom s’égare, se laisse séduire et
torturer par le frère qui porte le même parfum et a la même voix que l’amoureux perdu.
« Ça sent l’étable, les chrysanthèmes, les aisselles et la terre mouillée. Tabernak, ça pue la mort »
Comme dans les précédents films du réalisateur (J’ai tué ma mère, Les amours imaginaires, Laurence anyway), les détails sont travaillés,
lookés façon vingtage. C’est l’automne jusque dans la tignasse. L’ambiguité du frère se lit dans son regard : un œil bleu, un œil vert. Le réalisateur aime la littérature. Ses figures de
style fétiches sont l’oxymore et le paradoxe.
Les confidences ne se chuchotent pas, elles se gueulent en dansant le tango. Le fermier se met de la poudre dans le nez alors que le dandy urbain
refuse d’y toucher. Dans le rade du coin, l’entrée n’est pas interdite aux gays, mais au casseur de gays.
« Les confidences ne se chuchotent pas, elles se gueulent en dansant le tango »
Xavier Dolan surprend, émeut, énerve. Difficile de rester indifférent devant son cinéma qui goûte l’érable, l’idylle et le sang. L’adaptation de
la pièce de théâtre de Michel Marc Bouchard flirte avec le thriller psychologique.
La menace plane sévère : musique hitchcockienne, armes de cluedo revisité (fer à repasser, bêche, couteau de cuisine) et bien-sûr relation
mère-fils au bord du précipice.
Vivement l’été et l’insouciance à nouveau. Parce que, crisse le champ de maïs en octobre; c’est comme un champ de couteaux. On pourrait y laisser
sa peau.
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