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se posent aussi les droits de visite pour les mariés de même sexe

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Treize mois d'attente pour un permis de visite

 © Grégoire Korganow, CGLPL© Grégoire Korganow, CGLPL

 

 

Treize mois d'attente pour un permis de visite

Incarcéré au centre pénitentiaire de Longuenesse depuis le 17 mars 2015, Jérémy a dû attendre plus d’un an avant que sa compagne Emilie n’obtienne l’autorisation de lui rendre visite. Après sept refus essuyés sans motif, elle a saisi le Tribunal administratif de Lille qui, le 25 mars, a enjoint au directeur de la prison de réexaminer sa demande. Le 9 avril, ils se retrouvaient enfin au parloir.
       

Homos en prison

La double-peine          (Illustration : Choi Xooang)             

Par Anne Chereul, de la coordination Nord et Ouest de la section française de l'OIP

            © Grégoire Korganow, CGLPL
« Enquête préfectorale défavorable. » C’est la seule et unique réponse qu’aura obtenue Emilie auprès du service des parloirs durant six mois, à chacune de ses sept demandes de permis. Pourtant, la loi pénitentiaire de 2009 oblige l’administration pénitentiaire  à motiver un refus de permis de visite. Vis-à-vis des membres de la famille d’un condamné, « l’autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite » que « pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions » (art. 35). Etant précisé que la notion de famille doit s’entendre largement et englobe tant les « conjoints pacsés ou mariés » et « concubins » que « les personnes ne justifiant pas d’un tel lien mais attestant d’un projet familial commun avec la personne détenue » (1).

 

Le 27 août 2015, ne comprenant pas ce qui pouvait lui être reproché, Emilie a sollicité par écrit auprès de la préfecture et de la direction de la prison la communication du contenu de l’enquête la concernant. Contactée le jour-même par l’OIP, la préfecture a confirmé le caractère défavorable de l’enquête mais n’a pas été en mesure d’en préciser les raisons, ajoutant que « le contenu des enquêtes n’est jamais communiqué à l’établissement pénitentiaire qui ne reçoit, après un “passage fichier” auprès des services de police, qu’un avis “favorable” ou “défavorable” ». La préfecture ne transmettra jamais l’enquête à Emilie. Dans un courrier du 31 août 2015, le directeur se contentera de son côté de répondre que « l’enquête préfectorale est revenue défavorable » pour des raisons non communicables et que « cette position s’impose à [lui] », alors qu’il ne s’agit que d’un avis consultatif. Ainsi, bien qu’autorité décisionnaire, le directeur ne disposait pas des éléments de cette enquête pour éclairer sa décision.

Les contacts d’Emilie avec Jérémy étaient très limités : illettré, il ne pouvait lui écrire que par le biais d’autres détenus et, ne disposant que de très peu d’argent, il ne pouvait payer de communications téléphoniques. La douleur de la séparation et l’incompréhension face au mutisme de l’administration ont engendré crises d’angoisse, troubles du sommeil et de l’appétit chez Emilie, au point que son médecin, diagnostiquant en
septembre « un syndrome anxiodépressif depuis trois mois », lui a prescrit un traitement médicamenteux anxiolytique. Un état directement en lien avec l’éloignement et l’absence de visite, comme en attestait un certificat médical.

Avec l’aide de l’OIP, Emilie dépose, le 5 octobre 2015, un recours pour excès de pouvoir doublé d’un référé suspension devant le tribunal administratif de Lille. Mais sa demande pour que la décision de refus de l’AP soit suspendue est rejetée, le juge estimant que « si la requérante se prévaut de la relation de concubinage qu’elle entretiendrait avec Jérémy P. depuis le mois de septembre 2014, elle n’établit pas l’ancienneté ni la stabilité de cette relation ». Le 3 mars 2016, Emilie dépose donc un nouveau recours, en prenant soin d’apporter cette fois de nombreuses preuves (photos, témoignages de proches, courriers officiels, échanges épistolaires) attestant de la réalité de sa relation amoureuse avec Jérémy depuis le mois de septembre 2014 et de leur vie commune depuis le mois de mars 2015.

Lors de cette dernière audience, le juge des référés a tenté de comprendre ce qui pouvait bien être reproché à cette jeune femme au casier judiciaire vierge qui puisse justifier que l’AP refuse ce permis. N’ayant obtenu aucune réponse à ses demandes de communication de l’enquête
préfectorale, Emilie n’était pas en mesure de fournir au juge une réponse. Elle a néanmoins pu faire valoir un souvenir qui lui apparaissait pouvant figurer dans un fichier de police : le fait qu’elle avait été entendue dans le cadre d’une audition libre par les services de police menant une enquête sur un trafic de stupéfiant dans lequel serait impliqué un jeune homme rencontré dans une boîte de nuit. C’était la seule chose dans son passé et dans son entourage, qui selon elle, aurait pu expliquer la décision prise à son encontre, alors qu’elle n’a été ni poursuivie, ni condamnée pour les faits en cause et qu’elle démontre par des analyses toxicologiques qu’elle ne consomme pas de stupéfiant.

Dans son ordonnance du 25 avril 2016, le juge a finalement estimé qu’« une telle hypothèse, si elle était avérée, ferait apparaître qu’aucune considération sérieuse liée à la sécurité publique ou à celle des personnes ne serait de nature à justifier la décision contestée, privant l’intéressée, âgée de 23 ans, de rendre visite à son compagnon dont elle a fait la connaissance en septembre 2014 et avec lequel elle a un projet de vie ». Il a ainsi jugé qu’il existait un doute sérieux quant à la légalité de la décision, cette dernière n’étant « pas motivée », que « l’auteur de cette décision a considéré à tort qu’il était lié par l’avis émis par les services de la préfecture » et enfin, que le droit au respect de la vie familiale du couple protégé par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme avait été méconnu. En parallèle, il a admis que la requérante justifiait bien d’une situation d’urgence, la communication du couple par d’autres voies que le parloir étant très difficile. Il a donc enjoint au directeur du centre de détention de Longuenesse de « procéder au réexamen de la demande » et de « prendre une décision dans un délai de sept jours ».
Une injonction suivie par l’administration pénitentiaire, qui a délivré rapidement un permis de visite à Emilie, enfin autorisée à voir son compagnon après plus d’un an d’incarcération et de batailles juridiques. Elle lui rend désormais visite toutes les semaines.

(1) Circulaire du 20 février 2012 relative au maintien des liens familiaux avec l’extérieur.

Cet article est issu du n°92 de la revue trimestrielle Dedans-Dehors, éditée par l'Observatoire intertional des prisons. Pour le citer : Pour le citer : Observatoire international des prisons, "Quartiers et prison : un destin collectif", Dedans-Dehors, n°92, juillet 2016, pp.42-43.         

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Le cauchemar des trans emprisonné(e)s

 

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