Mardi 6 juin 2 06 /06 /Juin 00:59

dans une des maisons closes de Barcelone qu'il a tort de penser espagnole car la Catalogne est autonome  

  le Lady's Dallas,un bordel de La Jonquera                     

Wassim* et ses amis posent devant le Lady's Dallas. La Jonquera.
  •   mai 2016. ©Leonora Baumann/Hans Lucas pour NEON par 30 janvier 2017 
  •  A Perpignan, on va aux putes comme on va au fast-food. Les maisons closes de La Jonquera, situées à quelques Km juste après la frontière espagnole, bouleversent la façon de considérer la sexualité par les jeunes adultes. Pour ceux qui y vont, comme pour les autres.

 BIEN VU !

 

La voiture, immatriculée 13, déboule en trombe sur le parking du Lady’s Dallas, l’un des bordels de La Jonquera. Dans ce no man’s land, situé le long de l’A9 à sept kilomètres du Perthus, s’accumulent les hypermarchés, les parkings à camions, et une dizaine de «prostibulos». Des clubs de prostitution, que la Catalogne espagnole a légalisés en 2002. Le paysage est glauque: les (trop) jeunes prostituées hantent également les ronds-points et les enseignes des sex-shops clignotent comme des phares dans la nuit. Chaque week-end, la petite ville est visitée par des centaines de jeunes Français, venus faire le plein de clopes, de jéroboams de Ricard, et «décharger» tranquille, comme ils le disent eux-mêmes.

La Jonquera, mai 2016. ©Leonora Baumann/Hans Lucas pour NEON

La Jonquera, mai 2016.
©Leonora Baumann/Hans Lucas pour NEON

Ce n’est pas la première virée qu’organisent Wassim* et Medhi*, tous les deux 19 ans, de ce côté de la frontière où tout semble permis. Le sourire aux lèvres, les deux Niçois dévorent leur kebab comme si leur vie en dépendait. Les garçons sont déjà «passés» au Paradise, le plus gros bordel d’Europe situé à quelques encablures de là. Ils sont stones, euphorisés par le shit qu’ils ont fumé, et repus. «Les filles, elles sont douées. On a pris un p’tit hôtel en ville, on va en profiter tout le week-end», lâche Medhi entre deux gorgées de Coca. Leurs deux copains, celui qu’on surnomme le Marseillais, 25 ans, et Jérémie*, 17 ans, sortent du Lady’s Dallas en jogging, les doigts en «V» de la victoire. «Ici tu entres où tu veux quand tu veux, que tu sois mineur ou pas, c’est toi le roi», explique Jérémie, tout fiérot. «J’ai dit à mes parents que je passais le week-end à Fréjus mais je suis au paradis…» Rien d’étonnant, encore moins de honteux, pour ces garçons bien élevés, à «aller aux putes». «A la Castellane tout le monde y va, moi j’ai un pote qui y est allé à 14 ans», raconte le Marseillais.

"A l’intérieur du club, les mauvais cocktails (mojitos) passent de main en main sous les écrans géants qui diffusent des épisodes de New York, unité spéciale sans le son. Il y a plus de femmes (ici on dit «filles» ou «putes») que d’hommes: c’est la fin du mois, les poches sont vides. Dans un coin du fumoir, une bande de "gamins", 18 ans au garrot, en petits polos bien repassés, est assaillie par des créatures à hauts talons et aux regards embués par la drogue. Ils choisissent celle avec laquelle ils "monteront" plus tard. Jean*, 40 ans, les reluque pensivement: «C’est peut-être bizarre, oui, d’être si jeune et de commencer comme ça. Ici c’est l’abattoir: les filles nous prennent pour de la bidoche et ne pensent qu’à nous tirer le plus d’argent possible.»

Consternée, je quitte les lieux où je ne suis évidemment pas la bienvenue. Dehors, nos quatre compères partent comme ils sont venus, zigzaguant dans leur kif. Le lendemain, les mêmes agapes suivront. En plus, l’OM joue contre le PSG. Il faudra fêter cela, ou le pleurer, comme il se doit."

Un passage obligé pour les garçons, une concurrence avec les prostituées pour les filles

"Des loustics de ce style, le lieutenant Sébastien Mauro, du peloton d’autoroute de Pollestres, en voit tous les week-ends. «Ils veulent arriver très vite le vendredi soir, donc on les arrête régulièrement avec des excès de vitesse de plus de 50 kilomètres/heure, et ils reviennent souvent sous l’influence de l’alcool ou de stupéfiants. Ou dans des états de fatigue qui n’autorisent pas la prise du volant.» Qu’ils viennent de Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux ou Perpignan, ils sont jeunes: «Des vingtenaires ou des trentenaires, parfois des couples, ils descendent en Espagne dans un cadre qui, pour eux, est festif.» Mais que se passe-t-il quand ils retournent à la maison? Dans leur ville? Si les bordels sont entrés dans les mœurs en Espagne, ils sont entrés dans les têtes de l’autre côté de la frontière. «C’est un truc que font les garçons, entre eux. Genre tous mes potes, quand j’avais 23-24 ans, ils faisaient ça, c’est un peu un passage obligé.»

Elie* a 27 ans. Elle on la rencontre à une terrasse de café, place de la République à Perpignan, avec sa copine Marine, 28 ans. Pour elles aussi, La Jonquera, c’est presque banal. Marine assure: «Nous, c’est pour les clopes pas chères. Les mecs, c’est pour les soirées. Chacun son deal.» Perpignan est une cité catalane française à mi-chemin entre Le Cap d’Agde et les bordels de La Jonquera. Le long de la route vers Narbonne, quelques prostituées font le tapin, et en roulant vers Le Perthus des panneaux annoncent de façon détournée les clubs espagnols : 

Club Paradise, La Jonquera. ©Leonora Baumann/Hans Lucas pour NEON

Club Paradise, La Jonquera.©Leonora Baumann/Hans Lucas pour NEON

 Françoise Birkui, a beaucoup travaillé sur l’influence de l’industrie sexuelle sur les populations. Elle m’explique : «Ici, pour fêter un contrat avec des clients, on va au bordel. Pour les enterrements de vie de garçon, on va au bordel. Pour nous faire “dégrossir”, papy nous amène au bordel. Et juste pour faire la fête entre hommes, on y va aussi.»

La militante féministe veut qu'on ouvre les yeux sur les conséquences désastreuses qu’ont les clubs sur la sexualité des jeunes et leurs rapports aux genres. «Pour les garçons, il y a une sorte de contrat de virilité à respecter. Et pour les filles, un inconfort sourd à être femme. Les filles sont inconsciemment dressées à être disponibles pour ne pas être en concurrence avec les prostituées. Elles s’épilent trop, elles répondent sans vraiment y réfléchir au formatage sexuel du scénario “fellation/pénétration vaginale/pénétration anale/éjaculation faciale”(1). Ou alors, au contraire, elles marquent d’autant plus violemment leur différence avec les prostituées.»

Célia*, étudiante de 21 ans, confirme: «Au bahut, quand une fille avait une mauvaise réputation, on lui disait “va travailler à La Jonquera”. Mais c’était de la blague, ça veut rien dire.» Ou si, peut-être? Françoise Birkui en est convaincue, «cette promiscuité avec l’industrie prostitutionnelle, c’est de l’intimidation[de l'intoxe], ni plus ni moins».

[BON, BON, BON !!! ] Les enfants savent parfois dès l’école ce qui se passe à La Jonquera*

[MIEUX QU'EN FRANCE NON ? ]

Cette réalité territoriale a fait l’objet d’une grande étude en 2012:  Aude Harlé et Sophie Avarguez, sociologues à l’université de Perpignan, ont interrogé les 20-30 ans de la région durant de longs mois. Une classe d’âge qui est la cible marketing des clubs, eux qui n’ont pas hésité à diffuser des pubs sur les radios locales ou à distribuer des tracts à la sortie des rencontres de rugby.

Pour les sociologues, le constat est sans appel: «faire la fête en Espagne» n’obéit pas aux mêmes codes moraux ou légaux qu’en France. «La prostitution de La Jonquera fait partie intégrante de la vie des jeunes que nous avons rencontrés.» Les enfants savent parfois dès l’école élémentaire ce qui se passe de l’autre côté, connaissent les noms des clubs, le prix des passes, si c’est sécure ou non et combien coûte le «kit d’hygiène» (les draps et les préservatifs distribués à «l’achat» de la passe). Pourquoi? Parce que les adultes en parlent ouvertement. A sa sortie en 2009, le tube du groupe local Al Chemist, Le Dallas – «pour 50 euros t’es le roi» –, tournait à la radio, en kermesse, en fête de famille. La musique, c’est aussi une des raisons qui a attiré notre «Marseillais», Wassim*,  dans ces lieux interlopes: «Mon frère, c’est le rappeur Lacrim, il a tourné son clip au Lady’s Dallas, ça s’appelle Espagna. La meuf du clip avec le tatouage “la vida loca”, c’est celle que je me suis faite ce soir.»

 Moi, pour mes 18 ans mes potes m’ont emmené en Belgique, hein, pareil !!!.

Sur la plage de Canet-en-Roussillon, Laurent, Jean-Luc, Yaya et Eva* discutent, des bières calées dans le sable. Il ne suffit que de quelques secondes de discussion pour que ce groupe de «non-consommateurs» évoque les noms des clubs. «Moi, elles me font de la peine les minettes», soupire Eva en tirant sur son long rasta. «Je trouve ça triste d’envisager sa soirée en se disant: je me tape tant [de drogue, ndlr] puis je me tape une telle pour tant de thunes», répond Laurent. Yaya*, 23 ans, conclut le tour de table: «C’est malheureux à dire mais ici c’est comme ça. Moi je suis Lillois et pour mes 18 ans mes potes m’ont emmené en Belgique, hein, pareil.»* les prénoms ont été changés

* si on croit encore que c'est mieux  de maintenir les enfants dans l'ignorance ? ndlr

  * Matout' explique, tout fier, tout joyeux : “fellation/pénétration vaginale/pénétration anale/éjaculation faciale”. tout y est passé !!! 


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Par NEON - Publié dans : ESCORTS-PROSTITUES-ACTEURS X pour le fric - Communauté : Cavaillon communauté gay bi trans lesbienne sur la région
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