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La Tétralogie de Luchino Visconti

À la fin des années 60 Visconti élabora le projet d'une tétralogie allemande s'inspirant des thématiques mythologiques et décadentes de Wagner et Thomas Mann Sur les quatre titres prévus, il n'en réalisa que trois.

La Caduta degli Dei (Les Damnés)

Les Damnés, 1969, est le premier film de la Tétralogie. Il s'agit de l'ascension et de la chute des membres de l'une des familles propriétaires des plus importantes aciéries allemandes pendant la montée du nazisme. Luchino Visconti, lorsqu'il réalisa Les Damnés, voulait utiliser la musique de Gustav Mahler comme fond sonore, ce qui lui fut poliment refusé, compte tenu que Maurice Jarre avait déjà composé des thèmes pour le film (et une musique excellente, d'ailleurs).Ce film marquait la première apparition à l'écran de Helmut Berger, égérie et dernier amant de Visconti.

Morte a Venezia (Mort à Venise)

Le deuxième fut Morte a Venezia  (Mort à Venise), ( 1971)tiré de la nouvelle éponyme deThomas Mann, fresque sublime explorant le thème de l'inéluctabilité de la vieillesse et de la mort, associé à la quête de la beauté idéale et inaccessible, dans une Venise merveilleuse, progressivement enlaidie, abîmée par les mesures sanitaires dictées par le service de santé, lorsque se répand dans la ville une épidémie de choléra.

 Un compositeur vieillissant, Gustav von Aschenbach, s’installe en villégiature dans le luxueux hôtel du Lido à Venise. Il découvre l’idéal de beauté qu’il a recherché toute sa vie en la personne de Tadzio, un adolescent qui passe ses vacances avec sa famille à la plage. Le compositeur est littéralement fasciné par le jeune homme….

 Dirk Bogarde à dr et  Bjorn Andresen

Et c'est en admirant Tadzio sur la plage, se chamaillant avec un de ses congénères, que Von Aschenbach trépasse, du choléra.

Sublimement mis en scène, interprété à la perfection par un Dirk Bogarde impérial et douloureux et par Bjorn Andresen, tout en retenue dans un rôle muet, "Mort A Venise" est également célèbre pour sa musique.  Pour Mort A Venise, Visconti a utilisé les troisième et cinquième symphonies de ce compositeur méconnu (qui connu un regain de gloire post-mortem suite au succès du film). Il faut bien le dire, cette musique, remarquable, sert admirablement bien le film.

 Mort A Venise est incroyablement pessimiste, situé dans une Venise putride (excepté les plages et hotels du Lido, suintants de luxe). Le film parle quand même d'un amour impossible et sans aucun doute unilatéral. Logique : Von Aschenbach aime littéralement Tadzio, mais Tadzio ne comprend pas vraiment, et n'aime pas cet homme qu'il ne connait absolument pas.

Il faut ici, pour finir, mettre les choses au clair : Mort A Venise n'est en rien une histoire de pédophilie. Il s'agit tout au plus d'une histoire de pédérastie, ce qui, bien entendu, n'a rien à voir.  Mais ne cherchez pas de la pédophilie dans ce film admirable et triste, aussi puissant et beau (visuellement parlant, c'est le plus beau de Visconti) que cruel et dramatique. Et pessimiste. Et putride, aussi, même si le choléra n'est que secondaire dans le film, n'apparaissant verbalement que dans la dernière demi-heure. UNchef d'oeuvre. Que dire de plus ?

Ludwig (Ludwig, le crépuscule des dieux)

Le troisième et dernier volet fut Ludwig (1972-73)  où Helmut Berger interpréta le rôle du jeune roi de Bavière, l'un des films les plus longs de l'histoire du cinéma (d'une durée de près de cinq heures dans sa version originale, plus précisément, d'après une version sortie en France en 1987, le film raconte l'histoire du roi LouisII de Bavière, la lente déchéance du jeune monarque idéaliste, visionnaire, qui préférait la rêverie, l'art, la beauté, l'amitié et l'amour aux charges du pouvoir, que nombre de ceux qu'il aimait trahirent, que son peuple trahit également, et qui finit par être interné ; il se noya, ainsi que son médecin, dans le lac de Starnberg, dans des circonstances mystérieuses.

La Tétralogie aurait dû se terminer avec une nouvelle adaptation cinématographique d'une œuvre de Thomas Mann (La Montagne magique). Durant le tournage de Ludwig, Visconti fut victime d'un  accident vasculaire cérébral qui le laissa à moitié paralysé.