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CULTURE GAY INDIGNEZ VOUS
Bien sûr, me direz-vous, c’est d’abord aux parents d’aborder ces sujets, en fonction de leurs principes, croyances, et orientations. Vraiment ? Le parent doit-il tout connaître de la vie sexuelle de son enfant ? Tous les parents sont-ils vraiment à l’aise pour aborder ces questions ? Tous les enfants sont-ils demandeurs de ce type de discussion avec leurs parents ? Et surtout, les parents sont-ils vraiment conscients de la nature des connaissances, des questions et des pratiques sexuelles de leurs enfants ? Prêts à le savoir ? A cette question pendant mes animations, la réponse des ados est sans appel : non. Le mythe de la cabane avec de la paille « Non, on ne veut pas en parler avec nos parents. Mais alors, où cherchez-vous des réponses à vos questions sur ces thèmes ? Sur Youporn ! » Réponse systématique de mes petits collégiens de douze ans, l’air réjoui. Le mythe du frais et naïf adolescent qui découvre, ébahi et enchanté, le sexe dans les bras d’une tendre amie aussi innocente que lui, sur la paille délicate de la cabane, c’est bucolique, mais en 2014, c’est irréaliste. Irréaliste et dangereux, parce que « laisser faire la nature », laisser les choses en l’état, c’est laisser un jeune de 11 ans construire son imaginaire et sa sexualité future entre « 2 girls 1 cup » (ils l’ont tous vu), trashsexe.com et Titeuf. |
16/02/2014 à 09h30 (Rue69)
Education sexuelle : je suis payée pour pervertir la jeunesse française
On entend beaucoup d’experts théoriser à rallonge sur les études de genre, ce qui devrait être fait, ce que ça entraînerait ou pas sur le psychisme et la construction sociale des enfants, invoquer Freud, Dolto, Jésus ou même John Gray, mais de professionnels de terrain, rien.
Figurez-vous que l’éducation à la sexualité en milieu scolaire n’a pas attendu l’arrivée au pouvoir du socialisme et son lot de perversions, puisque la loi du 4 juillet 2001 précise qu’« une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âges homogènes ».
Making of
Au terme de cette semaine au cours de laquelle des dirigeants de l’UMP ont fait semblant de croire que des livres pour enfants risquaient de pervertir notre société, la blogueuse G Stevens a eu envie de nous raconter son travail : conseillère conjugale et familiale, elle assure des séances d’éducation sexuelle dans des collèges. Précision : « toutes les citations introduites dans ce texte viennent de questions de jeunes de 4e et 3e, et sont représentatives de la majorité des propos échangés dans les collèges où je suis intervenue ».
Elle précise également qu’une « information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité. »
Ces séances sont encadrées :
soit par des enseignants formés à ces questions ;
soit, le plus souvent, par des professionnels salariés d’associations agréées par le ministère de l’Education nationale pour intervenir en milieu scolaire.
C’est mon cas. Je fais partie de ces professionnels qui pervertissent la jeunesse française, et je suis payée pour ça, qui plus est.
Le parent doit-il tout savoir ? Non.
Dans la pratique, la loi est mal appliquée, et les collégiens les plus chanceux bénéficieront généralement d’une séance de deux heures en classe de 4e ou 3e, dans laquelle il faudra donc rattraper tout le retard concernant :
la contraception ;
la sexualité ;
la puberté ;
le sexisme ;
l’homosexualité ;
la pornographie ;
le respect ;
la violence ;
l’amour ;
le couple ;
la famille ;
la grossesse ;
l’accouchement...
Et le résultat est catastrophique. Catastrophique, parce qu’on a beau s’émerveiller des compétences de ces "petits poucets" , il n’en reste pas moins que l’imagination se nourrit de ce qu’on lui donne à voir, et les fantasmes que se construisent ces enfants-là leurs promettent une sexualité épouvantable.
leur permettre d’y réfléchir un instant. Les aider à penser par eux-mêmes |
Tout ça sous la responsabilité des adultes qui :
soit « ne savent même pas utiliser Internet » ;
soit donnent leur bénédiction – « c’est mon père qui m’a montré les vidéos, pour que j’apprenne, parce que c’est la nature ».
Des filles pour qui la réussite s’appelle Zahia
La pornographie n’est qu’un exemple de tous les supports qui influencent en profondeur leur construction. Les médias se font le relais de toute une série de stéréotypes, qui eux-mêmes trouvent un écho dans la vie courante, et dans les rapports sociaux de sexe.
Quel est le problème, me direz-vous ? N’est-il pas bon pour un individu de s’inscrire dans un groupe genré, de construire son identité en accord avec la société dans laquelle il évolue ?
Certes, mais n’est-il pas bon également de lui permettre d’identifier ces mécanismes, et de distinguer, ou du moins de s’interroger, sur ce qui le meut au quotidien ?
Autrement dit, pour les collégiens : est-ce que je suis obligé de regarder du porno parce que je suis un garçon ? Est-ce que toutes les filles sont condamnées à se faire violer ?
Parce que quand nous avons face à nous des jeunes filles pour qui la réussite ultime s’appelle Zahia, la question des stéréotypes de genre prend tout son sens.
« Elle n’avait qu’à pas coucher »
Notre boulot dans tout ça ? Pour les établissements scolaires qui font appel à nous, c’est avant tout éviter les grossesses précoces. Certains nous appellent après coup, quand une élève de 4e est enceinte et qu’on craint que son exemple ne soit suivi par d’autres. Délicate manœuvre, qui risque souvent de stigmatiser encore plus l’ado en question, laquelle n’a vraiment pas besoin de nous pour ça !
Parce qu’être ado aujourd’hui, c’est vivre 24h sur 24 la vie d’un personnage de télé réalité. Tout se sait, tout.
Parce qu’ils mettent tout sur Internet, ou que les autres le font. Sur Facebook, sur Snapchat, chacun risque de se voir démolir pour un détail, une tenue trop voyante, une phrase malheureuse, une confession amicale... Preuves à l’appui, ils sont soumis au jugement populaire, et celui qui est mis au pilori n’a aucune excuse : « Il n’avait qu’à pas s’habiller comme ça », « Elle n’avait qu’à pas coucher ». Il faut maîtriser perpétuellement son image, et assumer pleinement tous ses faux pas.
Leur seule option ? « Etre invisible », « neutre », « porter un masque ». Le garçon se doit d’être impassible, fort, insensible, un vrai bonhomme. La fille, vierge. Et décente, parce que même une vierge peut être une pute, si elle porte une jupe au dessus du genou, des décolletés, se maquille mal, parle de sexe ou est sortie avec trop de garçons (plus d’un, c’est trop).
« Les pédés, faudrait les brûler »
Le premier réflexe est l’effarement, le jugement, le désespoir face à une jeunesse foutue. Mais en creusant, derrière les excès, on s’aperçoit vite qu’il ne s’agit en réalité que de la répétition de la société adulte, la répétition obéissante et minutieuse de ce qu’on leur martèle à longueur de temps.
Les enfants obéissent aux injonctions mieux que personne ! Et c’est bien là notre boulot : identifier ces injonctions et leur permettre d’y réfléchir un instant. Les aider à penser par eux-mêmes. Parce qu’ils en sont capables, avec une rapidité, une finesse et surtout une honnêteté que beaucoup d’adultes n’ont plus.
Pendant les manifs antimariage gay, ils me disaient :
« les pédés, faudrait les brûler sur la place publique » ;
« moi quand j’en croise un, je le traite » ;
« moi quand j’en vois, je les défonce ».
Mais en creusant, en s’extrayant des peurs (« Si j’ai un pote homo, il risque de rendre homo aussi ! », « Il va me violer ! »), on avance vite :
« M’dame, imaginez un enfant avec des parents homos, il va souffrir à l’école.
Ouais c’est ça surtout le problème des parents gays ! Leur gamin, tout le monde va se moquer de lui !
Donc ?
Ah, bah c’est vrai qu’il suffirait d’arrêter de les juger et ça règlerait le problème.
Ah ouais... »
Voilà.
Etre une fille c’est « avoir mal »
Les garçons endossent avec plaisir le rôle du caïd, du « fouteur de merde », puisque c’est ce qu’on attend d’eux. Sortir de ce rôle et adopter des comportements moins « virils », donc forcément féminins, fait d’eux des « tapettes », crainte majeure des parents. Que craignent-ils ? Une épidémie d’homosexualité chez les petits garçons qui joueraient à la dinette ?
Mais quand on autorise les garçons à parler (ce qu’ils ne sont pas censés faire), on réalise combien ils sont conscients des stéréotypes, et souvent bien plus révoltés par le sort de certaines filles que les filles elles-mêmes.
Evidemment, qui les blâmerait d’en profiter un peu ? On peut coucher avec une fille, tout raconter aux copains, photos à l’appui parfois, la larguer quand on veut, et lui coller une réputation si elle fait trop d’histoires.
Le groupe des filles se chargera de la diffusion de la rumeur, de l’exécution de la sentence. Parce qu’elles ont parfaitement intégré elles aussi les injonctions complexes qui les dirigent : être une fille,c’est « avoir mal » (grossesse, règles, rapports sexuels), c’est n’être « pas libre de sortir », « de s’habiller comme on veut », c’est « avoir peur » du viol, c’est « devoir être belle ». En bref, c’est n’être pas maîtresse de son corps. Le corps de la fille, c’est le groupe qui le régit. Celle qui trébuche est coupable, celle qui couche, de toute façon « ne se respecte pas, alors pas de raison de la respecter ».
Mais ils ne sont pas dupes pour autant. Pas dupes, et prêts à l’empathie. Il suffirait de les y encourager. De les y autoriser.
Notre travail doit se faire sans jugement, sans posture de mère la morale, qui iraient tirer les oreilles de ces jeunes dévergondés en les rappelant à l’ordre, comme on voudrait nous le voir faire parfois.
« S’ils en parlent à la télé, c’est que c’est vrai »
Pourquoi ne pas donner notre avis ? Ne pas faire de vrais cours de morale ? Parce que c’est justement à ça qu’ils sont soumis sans arrêt, et contre ça qu’il faudrait se battre : à la télé, sur le Net, au collège, des messages qu’ils reçoivent sans aucun tri, accordant du crédit à la dernière injonction entendue, sans vérification des sources, sans hiérarchisation.
Si je leur dis « on ne peut pas être enceinte en allant à la piscine », ils peuvent me répondre
« Mais non m’dame, c’est pas vrai, sur Internet ils disent qu’une mère est tombée enceinte en prenant un bain après son fils qui avait spermé dans l’eau.
Meuh arrête c’est pas vrai ce qu’il y a sur Internet. Par contre, l’autre jour à la télé aux infos ils ont parlé d’une fille tombée enceinte dans un jacuzzi.
Mais non c’était pas aux infos, c’était dans “Tellement vrai !”
Ouais enfin c’est pareil, s’ils en parlent à la télé c’est que c’est vrai. »
Ce qu’on leur dit aura valeur de vérité, jusqu’à ce qu’une autre info plus fraîche, et surtout plus spectaculaire, ne vienne prendre la place.
« Mais qu’est-ce que tu fais avec ce crétin ? »
Alors, à cette jeune fille de 12 ans heureuse comme tout de se croire enceinte, je donne des informations. A ce garçon de 14 ans qui demande un test de virginité pour sa petite copine parce que le bruit court que c’est une pute, j’explique que les certificats de virginité sont interdits par l’ordre des médecins, parce que c’est une violation de l’intimité, et que non, l’hymen ne prouve pas la virginité, tout en rêvant de secouer sa petite copine en lui demandant : « Mais qu’est-ce que tu fais avec ce crétin ? »
A ce garçon de 13 ans qui me dit « Le plaisir ? Rien à foutre. Ma meuf je la prends, je la retourne, je la reprends, et basta », je parle respect, pornographie, réalité, empathie.
Est-ce vraiment si dangereux d’interroger ces stéréotypes, de permettre aux filles de se demander si elles sont nées pour être belles, faire la cuisine, trouver un mari et « se faire prendre » (même quand elles n’ont pas envie, la notion de viol conjugal étant totalement incompréhensible pour certaines), aux garçons d’échanger sur la nécessité ou non de se battre pour être respecté, de dire (ne serait-ce que dire) leur peur « d’être une chochotte » ? Va-t-on vraiment faire vaciller la société avec ça ?
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