J’ai vécu sept ans avec un homosexuel. Sans le savoir. Ou sans vouloir le voir. C’était entre 1994 et 2000. Je ne vous dirai pas son prénom ni son
nom, il est journaliste à la télévision, tout le monde le reconnaîtrait. Aucun signe de féminité et cependant tous les signes d’appartenance à la communauté gay : un appartement dans le Marais,
une fascination pour Sydney en Australie, une des villes « gay friendly » avec San Francisco. Son film-culte était « Priscilla, folle du désert », une histoire de drag-queens. Il était un fan
absolu de Dalida, dont j’ai appris depuis qu’elle était une icône gay. Et il détestait mon meilleur ami, un homosexuel qui aurait pu le percer à jour.
Je ne grimpais pas aux rideaux
Quand je l’ai connu, j’étais encore étudiante. A notre premier dîner, surprise : il arrive au restaurant avec un ami. Deuxième dîner, même chose,
mais avec un autre garçon. Pour le troisième dîner, je lui demande de venir seul. C’est ce soir-là qu’on a fait l’amour pour la première fois. Il n’était pas du tout sensuel, il faisait ça de
manière mécanique. Je me disais qu’il était un mauvais amant, sans me poser plus de questions. J’avais 24 ans. Lui, huit de plus et, pour être honnête, ce n’est pas ce qui m’intéressait le plus
à l’époque. Je le voyais d’abord comme un guide, un pygmalion. J’aimais qu’il m’apprenne des choses, qu’il m’aide à réfléchir. Nous avions des rapports réguliers. Ce n’est pas que je ne prenais
aucun plaisir, attention, c’était un moment agréable, mais c’est tout, je ne grimpais pas aux rideaux. Après, longtemps après, quand nous nous sommes quittés, je lui ai dit que je n’avais
jamais eu d’orgasme avec lui, il en a été horriblement vexé et furieux.
J’avais gagné
« Il faut que ce soit clair, me dit-il d’emblée, la vie quotidienne, mes caleçons à côté de tes petites culottes, tout ça, je ne supporte pas… »
Il ajoute : « Moi, je ne me marierai jamais ! » J’aimais bien son côté mec, son appartement du Marais, une sorte de caverne pleine de livres du sol au plafond. Moi, j’habitais dans le 7e
arrondissement, lui dans son capharnaüm. Il partait en reportage au Rwanda ou en Bosnie et, en revenant, il me racontait tout. C’était passionnant. Il aimait ma gaieté, ma joie de vivre. Au
bout d’un an, il me dit : « Bon, on va se fiancer. » J’avais gagné. J’ai accepté.
On s’est mariés à l’été 1997. A l’église, tout comme il faut. Je crois que si alors il m’avait dit : « Ecoute Valérie, j’ai un passé homo, mais je
t’ai rencontrée, on s’est mariés devant Dieu, je veux qu’on fasse un bout de chemin ensemble », j’aurais compris. Mais non, il n’a jamais pu m’avouer qu’il était homo ou bi. Et ce qui me
déplaît c’est ça, pas tellement qu’il aime les garçons, mais qu’il me trompe, qu’il me mente, qu’il m’ait menti pendant toutes ces années !
Comme un petit garçon pris en faute
On part en voyage de noces au Zimbabwe. J’emménage dans son appartement. J’étais heureuse. Un jour, je reviens d’un déplacement professionnel, je
trouve un collant noir dans le panier à linge. Moi, je ne porte pas de collants noirs. Ma première idée : « Il me trompe ! » En fait, ça devait être à lui, il devait se travestir en cachette.
Le soir, je lui en parle. Il me répond : « Je ne sais pas ce que c’est. Demande à la femme de ménage, c’est peut-être à elle... » Il me dit ça avec une telle sincérité !
L’été d’après, on était en vacances aux Antilles, je vais chercher de la crème solaire dans la chambre. Son portefeuille tombe de sa veste , tout
ce qu’il contient se répand par terre, dont une photo découpée dans un magazine, un homme sous la douche en train de se donner du plaisir. « Qu’est-ce que c’est que ça ? » « Rien. Je ne sais
pas. Ce n’est pas à moi... » Il était comme un petit garçon pris en faute. « Je te jure ! » Il pouvait être comme ça, infantile et en même temps blasé, très cynique. Moi, je rêvais de bijoux,
il ne m’offrait que des livres. Avant de partir en reportage, il m’en laissait une pile sur la table de nuit : « Lis-les, je t’interrogerai à mon retour ! » Et quand il allait dîner avec ses
copains, il me disait : « Je ne t’invite pas, tu ne comprendrais rien à la conversation. » Il avait vraiment un côté méprisant, cassant.
De plus en plus insupportable
Nous n’arrivions pas à avoir d’enfant. J’avais fait des échographies, des examens sanguins. Je savais que, de mon côté, tout allait bien. Je l’ai
convaincu de faire des analyses. Les résultats arrivent. Son spermogramme n’était pas bon, ça l’a rendu fou. Il est devenu de plus en plus insupportable. Je voyais un psy depuis un an, mais on
n’abordait jamais ce problème d’homosexualité puisque je ne me doutais de rien, puisque je ne comprenais rien. Je lui racontais notre vie, il me conseillait de le quitter. Pour lui, la manière
dont il me parlait, c’était de la maltraitance !
Je suis partie
On a fait trois tentatives d’insémination artificielle. Les trois ont échoué. La troisième fois, c’était en juin 2000, je le vivais mal, je
n’arrêtais pas de pleurer. A ce moment-là, alors que j’avais le plus besoin de lui, il décide une nouvelle fois de partir en voyage. Aux Antilles. Me laissant avec pour seule compagnie mes deux
chats, et ma tristesse, ma solitude. Un soir, je l’appelle à Saint-Domingue. Je lui dis : « Je n’en peux plus. Je te quitte. » Il me répond : « Arrête tes caprices ! » Je raccroche. Le
lendemain, j’ai pris toutes mes affaires et je suis partie. Le jour de son retour, je suis quand même revenue l’accueillir. Il était 6 heures du matin. J‘étais devant l’immeuble. Il sort du
taxi, il me voit. Il avait un regard comme il n’en avait jamais eu, véritablement aimant, comme si la peur que je le quitte soudain le faisait m’aimer. « Je ne veux pas que tu partes », me
dit-il. « Mais je suis déjà partie. » « Je ne peux pas vivre sans toi. Donne-moi une dernière chance ! »
Il est devenu carrément odieux
Je l’ai accompagné jusqu’à l’appartement. Quand il a vu que j’avais pris toutes mes affaires, mes objets, mes vêtements d’été et d’hiver, il a
pété un câble. « Tu n’es plus la femme que j’aimais. Ce mariage a été une erreur. » Les jours, les semaines qui ont suivi, c’est devenu très douloureux. Un soir, je suis revenue chez lui, nous
avons refait l’amour. Il sentait que c’était fini, que nous passions notre dernière nuit ensemble, il me disait qu’il m’aimait, qu’il souffrait.
Ensuite, on a pris chacun un avocat et il est devenu carrément odieux. Il m’a accusée de lui avoir volé des petites cuillères en argent. Il m’a
fait une réputation épouvantable auprès de nos amis. Et puis je suis tombée sur des photos de lui nu, en train de nager aux Antilles avec un autre homme. Il n’y avait plus d’équivoque. Mais
bien sûr, il était gay ! Il s’était bien foutu de moi ! « Tu sais, tout le monde savait qu’il était homo... » me disait-on. Mais alors, pourquoi ne m’avait-on rien dit avant ? Je me sentais la
cruche de service, la naïve, la pauvre fille.
Un homosexuel non déclaré
J’ai rencontré celui qui est actuellement mon mari deux mois après notre séparation. En novembre 2000. Pendant le divorce, il était toujours là,
avec moi. Il me soutenait. Un homme splendide. Grand. Baraqué. Trois ans de moins que moi. Vraiment intelligent, lui. Parce qu’il a l’intelligence du coeur ! Quand tout ça a été fini, il m’a
offert une magnifique bague de fiançailles. Maintenant, il dirige une société de conseil, il a un super salaire, mais, à ce moment-là, il finissait son service militaire, il n’avait vraiment
pas un sou ! On s’est mariés en 2003. A la mairie. J’ai arrêté la pilule. Trois mois après, j’étais enceinte. J’ai eu deux enfants en trois ans. Une fille puis un garçon.
Aujourd’hui, je dirais que mon premier mari était un homosexuel non déclaré avec une réelle volonté de faire sa vie comme un hétéro. Je ne sais
pas ce qu’il est devenu, je n’ai plus de nouvelles de lui. On me dit qu’il est maintenant complètement homo… Moi, j’ai revendu sur eBay la robe blanche que je portais quand je me suis mariée
avec lui. Je me suis débarrassée de toutes ses photos. Professionnellement, je réussis très bien et je peux dire qu’aujourd’hui je suis vraiment heureuse. Cette histoire, mon mari et moi,
maintenant on en rit. Mais je vous assure, ça a été dur. Pendant sept ans, j’ai vraiment porté ma croix.
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