Escort gay, le titre est moins trivial que pute ou gigolo.
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Escort gay. L'intitulé est moins trivial que pute ou gigolo. Et pourtant la profession, ou
plutôt l'activité, relève de la prostitution. Que sait-on de ces jeunes qui mêlent études et escorting, massages ou actes sexuels rémunérés ? Je suis donc parti à la rencontre de quelques
étudiantsdont les journées sont partagées entre les cours le matin, les clients le soir. Souvent gays, mais pas toujours.
aussi
bon qu'un bobo
Jérémy, Alexandre, Medhi et Yoann -les prénoms ont été modifiés- sont beaux, souriants,
soignés. Les raisons, qui les ont poussés à s'inscrire sur un site de rencontres et contacter des clients, sont multiples.
Pour Alexandre, bisexuel de 19 ans qui vit dans la banlieue parisienne, on est d'abord venu à
lui.
« C'est un homme d'une trentaine d'années qui a trouvé mon adresse MSN sur un site de
rencontres gay et qui m'a proposé de me payer contre quelques petites gâteries. En acceptant, j'ai découvert ce milieu. »
Au fur et à mesure de ces « plans », Alexandre a pris goût à l'argent et a voulu en
gagner plus.
« Il y a deux ans, quand j'ai voulu me payer ma première voiture, je me suis dit que
je pouvais augmenter le nombre de mes clients. Je me suis en effet aperçu que je réussirais à gagner en trois ou quatre heures ce qu'un travailleur “normal” gagne en un
mois. »
Les tarifs sont en effet attractifs et cet étudiant semble déjà bien aguerri en matière de
négociation.
« J'ai une technique qui permet d'aller le plus haut possible dans le prix : je
demande à la personne combien elle est prête à payer, et je rajoute 50%. Cela varie donc de 120 euros l'heure à 500 euros la nuit, car je ne fais que des plans soft. »
Des scrupules, de la honte ? Alexandre dit ne pas en ressentir
aujourd'hui.
« Je continue uniquement pour l'argent car au fur et à mesure que je vois des clients,
c'est de plus en plus simple, voire même “normal”.
La première fois s'est bien passée. Je ne regrette pas cette activité, et ne me suis encore
jamais senti sale.
Mais j'avoue avoir quelques inquiètudes par rapports à mon entourage. Je me dis : “
Pourvu qu'ils ne sachent jamais.” »
« Il n'y a pas plus facile que de faire escort »
Medhi, lui, aujourd'hui âgé de 18 ans et étudiant en comptabilité, a commencé beaucoup plus
jeune, au collège.
« A l'époque, lorsque j'avais environ 14 ans, je sortais souvent dans les boîtes gays,
car je faisais plus que mon âge. Mais ça exige que l'on puisse assumer les dépenses.
Même si ce n'est pas exclusivement le milieu de la nuit qui a fait de moi un escort, le
prix que cela me coûtait m'a incité à me tourner vers l'argent facile. Et il n'y a pas plus facile que de faire escort. »
Il a tout de même hésité au début. Mais par naïveté et insouciance, me dit-il, il s'est
lancé.
« Tout à commencé lorsque je suis tombé sur un site d'escort gay. J'ai beaucoup
réfléchi avant de m'inscrire. Puis, j'ai créé mon profil, mis mes coordonnées, mes intérêts et mes tarifs.
J'ai attendu que des clients sérieux (beaucoup ne sont là que pour fantasmer) me
contactent. Puis j'ai enchaîné les rendez-vous chaque semaine jusqu'à aujourd'hui. »
A l'inverse d'Alexandre, Medhi semble vivre cette « double vie » moins
sereinement.
« Ma famille ne le sait pas et ne le saura jamais. Ce n'est pas une honte que
j'éprouve, plutôt un dégoût.
Mais il faut savoir que les clients ont en général plus de mal à faire le premier pas qu'un
escort, et eux parfois montrent qu'ils le vivent très mal. »
« Par amour, il fallait que je me lance »
L'histoire de Jérémy, 22 ans et ancien étudiant à l'Académie internationale de danse à Paris
est plus… romantique.
Sans problème financier, homosexuel assumé, il a passé une enfance paisible sans soucis
particulier. En septembre 2009, il rencontre un jeune Africain dont il tombe amoureux. Les choses se compliquent vite. Le visa de son amant arrive à expiration et l'administration refuse de lui
octroyer le statut de réfugié politique en tant qu'homosexuel :
« Nous avons trouvé un avocat avec une excellente réputation dans son domaine, mais il
fallait débourser au minimum 7 000 euros pour la procédure. »
pulp !
Jérémy jongle entre ses cours à l'Académie et son travail à temps partiel dans une
parfumerie :
« Comment trouver de l'argent en trois mois et 1 000 euros immédiatement ? La
seule solution était que je devienne escort. Je connaissais déjà les sites dédiés à ça. Dans le milieu gay, c'est très connu. »
Deux semaines après s'être inscrit en janvier 2009, Jérémy surfe sur le site
Gayroméo sans répondre aux demandes.
« Je n'osais pas me lancer là-dedans. Mais j'ai repensé à mon copain et aux raisons
qui me poussaient à faire ça. »
Il travaille la danse le matin, vend des parfums l'après midi, et couche (ou discute) avec
des clients le soir. Il enchaîne parfois deux ou trois clients. Ses tarifs : 250 euros l'heure, chez le client ou à l'hôtel ; 800 euros la nuit, ce qui lui permet de réunir 15 000 euros
en trois mois.
Le début a été très dur. Hanté par des questions et des angoisses la plupart du temps, il
parvient à faire le vide pendant ses rendez-vous.
« Pendant mes plans, je ne regarde jamais l'heure, pour faire croire au client que je
passe un bon moment. Au début, je me concentrais encore plus pour montrer que j'étais un professionnel. »
Même si pour lui ses raisons sont nobles, il y a « un avant et un après » la vie
d'escort.
« Durant les deux premiers mois, je rentrais tous les soirs chez moi en pleurant.
J'avais l'impression de perdre un peu mon honneur à chaque rendez-vous. Puis au fil du temps, on s'habitue et on se sent plus à l'aise. »
« Peu de garçons font cette activité par nécessité »
Ne pas penser à ce qu'il fait, telle est sa devise. Les exigences des clients sont parfois
difficiles à satisfaire. Mais il accepte parce qu'il sait qu'un client qui assouvit un fantasme est un « meilleur payeur ». D'autres lui donnent toutefois un peu de répit tout en payant
très cher.
« L'avantage de ce métier c'est que, parfois, j'ai juste à discuter avec mon client
pour être payé. Je suis invité au restaurant, le client me présente comme un ami et il me donne 200 euros à la fin de la soirée.
Un autre, alors que je lui avais expliqué pourquoi j'avais besoin d'argent, m'a viré à
plusieurs reprises 2 000 euros sur mon compte. »
Lors de notre rencontre, je m'étonne de ses phrases sans concession. Jérémy ne se soucie pas
de ses clients, et va jusqu'à admettre qu'il « manipule » les hommes qui payent parce qu'il plaît. Une façon peut-être de se protéger.
« Certains clients pensent pouvoir acheter une amitié. Sauf que je refuse de les
revoir dès qu'ils ne payent plus et ça, ils ne le supportent pas. »
Qui sont ses clients ? Il dresse un portrait plutôt simple après ses dix mois
d'expérience et ses 150 rencontres.
« Il faut savoir que la plupart des gens sont humains et attentifs, mais il veulent
principalement combler leur solitude. Avec l'expérience que j'ai, je dirais qu'il y a trois profils différents :
-
l'homme marié qui a appris tardivement son homosexualité, ou le vieux
qui n'est plus très beau et qui a besoin de parler ;
-
l'homme actif et overbooké qui, quand il est de passage à Paris, veut
tirer un coup rapidement avec un beau mec ;
-
le petit jeune de 25 ans qui a un coup de foudre et qui est prêt à
payer pour passer du temps avec moi. »
La vie d'escort pour lui, c'est tous les jours et toutes les heures. Dans le milieu, dans
certaines boîtes ou bars gays, les gens se mélangent, les fêtards dansent avec les escorts, les clients ne sont pas loin et les regardent.
« Je vais souvent dans un bar gay et le patron qui me connaît très bien, m'envoie des
clients. Il a un appartement exprès à disposition. La seule compensation, c'est que je fasse boire un peu le client avant de m'isoler avec lui dans la chambre.
Mais il y a aussi des inconvénients : quand je viens juste boire un verre avec des
amis, des clients m'abordent. »
Pourquoi se nomme-t-il escort et pas gigolo, prostitué, ou « call boy » ?
Jérémy :
« Parce qu'on n'est pas des putes. Le tarif est beaucoup plus élevé, on a donc le luxe
de choisir nos clients. Et le point commun avec tous les escorts est qu'ils sont tous plus ou moins beaux.
Il faut aussi savoir que peu de garçons font cette activité par nécessité. Soit ils aiment
se faire payer, soit ils choisissent la facilité pour vivre dans le luxe. »
« L'hétérosexuel a des principes qu'il pourra moins transgresser »
Pour lui, cette façon de concevoir les choses, cette « facilité » qu'auraient les
garçons à coucher contre rémunération s'explique par leur homosexualité.
« Je pense vraiment que c'est propre au milieu gay. Déjà parce que le sexe tient une
place fondamental chez les homosexuels.
Ensuite parce que la communauté homosexuelle se rencontre principalement grâce à Internet,
on ne peut donc éviter les propositions de clients sur les sites de rencontres.
Enfin, je pense que l'hétérosexuel a des principes qu'il pourra moins transgresser que le
gay. Pourquoi ? Parce que le gay vit déjà un interdit moral à cause de son homosexualité, il peut donc plus facilement en transgresser un autre et devenir escort. »
Yoann, étudiant en droit de 22 ans et hétérosexuel ne partage pas cet avis.
« Je ne connaissais pas du tout le milieu gay et d'ailleurs je le connais assez peu.
J'ai une copine et je mène une totale double vie.
Mais, quand on a besoin d'argent, on ne réfléchit plus trop. Et c'est beaucoup plus facile
et rentable d'être escort pour les hommes plutôt que pour les femmes. »
Il admet cependant qu'il pourrait se passer de cet argent qui lui « permet de moins
regarder la dépense et d'améliorer un quotidien difficile sans cet appoint ».
adrénaline !
Chaque garçon a une histoire particulière, mais tous les quatre ont une certitude :
c'est qu'ils arrêteront. D'ailleurs, Medhi « n'est plus de ce milieu », depuis qu'il a rencontré quelqu'un. Yoann lui, veut augmenter la cadence avant de tirer un trait
définitif.
« Je suis à quatre clients par mois, j'aimerais bien enchaîner plus. Je pense que
j'arrêterai quand je ne serai plus étudiant, dans deux ou trois ans. J'espère en avoir moins besoin, et puis, je serai moins attractif. »
Alexandre aussi est sûr d'y mettre fin.
« Evidemment, dès que j'ai un travail stable, j'arrête. C'est juste un passage que
j'effacerai de ma tête plus tard, en me disant : “J'ai été con quand même.”
Enfin, Jérémy diminue les rendez-vous avant de tourner la
page, dès qu'il pourra vivre de la danse.
Par David Perrotin -
Publié par Rue89.com
ils ne laissent pas indifférents!