Jeudi 17 juillet 4 17 /07 /Juil 05:39

 

 Woodkid Mathieu César

Woodkid :"J'ai l'intuition que je vais mourir jeune"

Il a été révélé par son tube Iron et les clips réalisés pour d'autres. Yoann Lemoine alias Woodkid sort en mars un premier album, The Golden Age, orchestré et touffu, qui mêle toutes ses personnalités. Interview.

Quand as-tu inventé le personnage de Woodkid ?

C'est assez flou, je ne sais plus exactement. Je me souviens avoir toujours été hanté par la musique. Gamin, j'achetais beaucoup de bandes originales de films que je n'avais jamais vus. Le soir, avant de m'endormir, je les écoutais et créais mes propres images. C'est là que j'ai commencé à développer aussi bien mon identité de réalisateur que de musicien.

En vidéo ou en musique, tu as toujours eu envie de raconter des histoires ?

J'ai eu pendant très longtemps un vrai problème de mythomanie. J'aimais bien voir à quel point on pouvait raconter n'importe quoi aux gens et à quel point ils pouvaient y croire. Désormais, la réalité a dépassé ça, et je ne raconte plus de bobards. Mais si je faisais un job plus normal, je serais sans doute un sacré margoulin !

Tu t'es fait connaître en réalisant des clips pour des chanteuses comme Katy Perry, Lana Del Rey...

La première fois, je n'ai pas compris. Quand le mail de Katy Perry est arrivé dans ma boîte, j'ai cru à une blague. Puis quand j'ai réalisé qu'elle me voulait vraiment, je me suis senti chanceux et aussi hyper paumé.

Ca t'a fait mûrir plus vite de travailler pour les autres ?

Ca ne m'a pas fait grandir. Je n'ai pas appris artistiquement, mais techniquement. Et surtout, j'ai gagné de l'argent... Ce qui paraît très futile, mais qui est très important pour moi, parce que j'essaie de mettre tout ce que je gagne dans mes propres créations, qui nécessitent des moyens de production importants. C'est sans doute plus sain que de tout claquer dans une bagnole ou de la coke, non ?

D'où te vient cette obsession ?

Peut-être de mon histoire familiale, de ma sexualité. Je suis gay et c'est important pour moi d'y trouver un sens, notamment dans ma musique. Le morceau I love you est destiné à un garçon, c'est explicite. C'est vrai qu'on m'a prêté des liaisons - avec Lana Del Rey par exemple -, mais je n'ai jamais prétendu être avec des filles. S'il y a une chose à propos de laquelle je n'ai jamais menti, c'est bien celle-là. Cela dit, je ne suis pas quelqu'un de très politique, je fais plutôt l'éloge de la modération. Je suis ni un pédé réac ni une folle. Je crois être assez normal.

Il y a de la tristesse dans ton disque, et ce dès le premier morceau qui donne son titre à l'album.

Oui, c'est un disque sur la perte de l'enfance. L'album s'ouvre sur le moment où elle s'est terminée, lorsque j'ai quitté Lyon pour Paris. Je me revois avec ma mère franchir le seuil de notre appartement, à 18 ans. Je me suis retourné et il n'y avait plus rien, j'ai entendu comme un appel et j'ai compris que l'âge d'or venait de se clore.

Dans quel état d'esprit es-tu quand tu composes ?

Au moment d'Iron, j'avais beaucoup de violence en moi à cause de déconvenues personnelles. Après le succès de ce morceau, j'ai été beaucoup plus serein. L'album est plus romantique. Ce qui m'obsédait, c'était de réaliser quelque chose de très émotionnel, d'utiliser un orchestre et de le mélanger avec les partitions identiques jouées par des instruments synthétiques : des fausses cordes, des faux cuivres...

N'as-tu pas eu peur de faire un album trop boursouflé ?

Il y aura forcément des gens qui auront ce sentiment-là, mais j'ai quand même l'impression qu'il y a des chansons assez dénudées. En tout cas, je ne vais pas m'excuser d'avoir voulu faire un objet surpuissant. Mon album est là, il est peut-être dense comme 5 disques, il en est peut-être indigeste, mais au moins je l'aurai réalisé à temps. C'est un pavé de marbre qui raconte tout ce que je suis. J'aime faire des choses démesurées. Ca m'amuse d'appuyer là où ça fait mal.

Pourquoi cette envie de faire des choses démesurées ?

Je l'analyse comme une compensation de ma taille : je suis un petit personnage, assez discret, relativement timide, donc j'aime bien que ce qui émane de moi marque les esprits. Je suis obsédé par ce que je vais transmettre, par le fait que ma présence ne soit pas inutile. Je dois laisser une trace, le faire à tout prix, très vite et très fort, au cas où... J'ai l'intuition que je vais mourir jeune.

 

 

 

 

 

Par nouvel obs - Publié dans : CULTURE GAY & SOCIETES - Communauté : Cavaillon communauté gay bi trans lesbienne sur la région
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