Lundi 2 septembre 1 02 /09 /Sep 00:10

  RECITS FICTIONS 

 

 

Ce texte est le huitième chapitre d'une histoire qui en comporte 9.  Vous
aurez quelques difficultés à vous y retrouver si vous n'avez pas lu le
début!  Vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas été prévenu!

Une fois encore je me plongeai dans mon travail pour éviter de remâcher des idées noires, pour oublier toute cette merde. Je me contentai d'un rapide sandwich vers dix heures puis je bossai jusqu'à une heure du matin. Je pensais qu'ainsi je serais suffisamment épuisé pour dormir au premier contact avec mon oreiller.

Ça n'a pas du tout marché comme je l'avais escompté et j'ai passé une nuit épouvantable.

À mon réveil, j'étais malade, malade d'avoir trop travaillé, malade d'avoir ressenti des émotions trop fortes, malade de peur! Je n'étais plus qu'un tout petit garçon, qui va à l'école pour la première fois, terrorisé. Il fallut que je me fasse une violence terrible pour m'obliger à descendre de mon lit.

Je suis resté une demi-heure sous la douche, ce matin-là, les cinq dernières minutes sous une pluie d'eau glacée, dans l'espoir insensé de retrouver un peu d'énergie. En fait ce n'était peut-être bien que du masochisme! Incapable d'avaler une bouchée, je me suis précipité à l'école aussi vite que possible. Je savais qu'en partant très tôt je ne rencontrerais personne sur le chemin ni à l'école.

Je sais, oui, c'était plutôt puéril, juste une façon de gagner encore deux heures avant d'avoir à affronter les autres en dehors de la sécurité que pouvait offrir une salle de classe.

Je pris ma place habituelle en attendant le début du cours et je m'immergeai dans mon dossier. J'avais toujours l'excuse de mon exposé pour maintenir un mur épais entre le monde extérieur et moi.

Madame Salinger entra et me demanda:

— Mattew, j'ai besoin d'un peu de temps pour finir le cours de la semaine dernière, ça ne t'ennuie pas si je commence et que je te laisse la dernière demi-heure pour ton exposé?

Durant la leçon, je lançai quelques regards furtifs à travers la classe, un ou deux élèves me regardaient bizarrement, mais l'attitude des autres paraissait normale, sans focalisation particulière sur moi. Je pensais que ça ne durerait pas très longtemps comme ça. Le regard de Taylor croisa le mien, j'y vis de la peur, mais surtout une immense tristesse et une douleur évidente.

Madame Salinger s'adressa à moi:

— Mattew, je te cède la place, nous sommes à l'écoute de ton exposé sur "Le combat pour la liberté jusqu'au jour de l'Indépendance, conclut-elle d'un ton mélodramatique, avec une intention humoristique que mon humeur du moment ne me permettait pas vraiment d'apprécier.

Je me lève et me dirige vers le bureau, je prends quelques secondes pour disposer mes documents, puis il faut bien que je lève la tête. Quand je vois tous ces yeux accrochés à moi je blêmis et je me mets à trembler. J'ai besoin du bureau pour garder mon équilibre.

— Ça va Mattew? demande Madame Salinger, avec une pointe d'inquiétude.

— Oui, ça va, juste un peu nerveux!

J'ai du mal à articuler les premiers mots, puis les idées s'enchaînent sans problème. La peur m'empèche de former des pensées claires, mais j'ai tellement travaillé sur le sujet que les idées viennent toutes seules, en pilotage automatique. En fait c'est comme si quelqu'un d'autre parle à ma place, et il se débrouille plutôt bien. D'ailleurs, après ma conclusion, Madame Salinger applaudit avec enthousiasme, suivie par la plupart des élèves.

— Félicitations Mattew, c'est un excellent travail, je n'aurais pas pu faire mieux!

Son compliment ramène un peu de couleur sur mes joues. Je rejoins ma chaise. Je suis sur le point de m'asseoir lorsque je ressens le besoin impérieux de faire quelque chose.

— Excusez-moi Madame Salinger, pourrais-je avoir quelques minutes de plus, j'ai encore quelque chose à dire.

— Bien sûr, c'est à quel sujet?

— C'est... très... personnel... Je sais que ce n'est pas vraiment le lieu pour ça, mais, s'il vous plaît, c'est... très important pour moi.

— Vas-y, comment pourrais-je te refuser quelque chose après une si belle prestation!

Je retourne au bureau. Au début je les regarde tous, puis je fixe un point sur le mur, au fond de la salle, pour parler à tout le monde et personne à la fois.

— Ce que j'ai à vous dire, d'une certaine façon, est en relation avec le sujet de mon exposé.

Mon expression est hésitante, hachée, tant j'ai le souffle court.

— Le combat pour la liberté a donné à chacun d'entre nous des droits, des droits élémentaires, en particulier le droit d'avoir une vie privée, qui ne concerne que soi-même. MON droit à MA vie privée est sur le point d'être... bafoué, il a même commencé à l'être. Alors je suis bien obligé d'y faire face, même si... même si j'aurais préféré garder tout ça pour moi, comme c'était mon droit! J'ai aussi le droit d'être moi-même je crois, et ce droit-là il va en partie dépendre de vous quand vous saurez ce que j'ai à vous dire.

Je prends une profonde inspiration. Maintenant que je suis lancé, la décision prise me donne un peu d'assurance. Oh! Très peu, juste assez pour continuer de parler sans tremblements excessifs!

— Je suis amoureux. Je sais que ça n'a rien d'exceptionnel à 17 ans, mais, je vous en prie, attendez la fin avant de vous mettre à glousser. J'ai fait une bétise, j'ai fait des trucs... avec la personne dont je suis amoureux... dans un endroit... inadapté...

J'entends quelques voix qui demandent: "c'est qui?"

— Je ne vous dirai pas son nom, ça ne servirait à rien. La seule chose que vous devez savoir, et je préfère que vous l'appreniez par moi plutôt que par les bruits de couloir, c'est que cette personne est... un... un garçon. Je ne pense pas que ce soit vos oignons, ni ceux de qui que ce soit d'ailleurs, mais comme quelqu'un l'a découvert et a commencé à le raconter partout, j'aime autant le faire moi-même. Je suis gay, voilà je l'ai dit! J'ai toujours été gay. Je ne peux rien y faire, ce n'est pas quelque chose que j'ai choisi, c'est quelque chose que je suis. Je ne suis pas différent de ce que j'étais hier, la semaine dernière ou l'an dernier. Je suis toujours le même Matt que la plupart d'entre vous connaissent depuis des années! Je ne l'ai jamais dit, en partie parce que j'avais peur d'être rejeté, mais aussi parce que je pensais, je pense toujours, que c'est moi que ça regarde et personne d'autre.

Je n'avais, depuis les années de maternelle, jamais entendu un tel silence régner dans une classe. Pas un gloussement, comme je l'avais craint, ni un murmure, à peine un souffle ici ou là. Ils me regardaient avec des yeux d'une rondeur à coller des complexes à toute une nichée de hiboux. J'avais de plus en plus de difficultés à contrôler la montée de mes émotions. Je m'essuyai les yeux d'un revers de manche rapide.

— Voilà ce que j'avais à vous dire, j'espère que vous pourrez m'accepter pour ce que je suis, j'espère que vous resterez mes amis, j'espère que...

Je m'arrêtai au milieu de ma phrase, la gorge nouée, je n'aurais pu continuer, je n'aurais pu ajouter un mot, sans éclater en sanglots. Je relevai la tête, futile tentative pour masquer mes craintes et me dirigeai vers la porte.

— Comme vous voulez tous le savoir, je vais vous le dire, ce nom!

Le murmure tremblant de la voix de Taylor, quoiqu'à peine audible, claqua, dans la classe silencieuse, comme un coup de tonnerre.

— Fais pas ça Taylor, t'en mêles pas, je t'en prie, plaidai-je dans sa direction.

— Ça suffit Taylor! coupa Madame Salinger la voix frémissante de colère. Mèle-toi de ce qui te regarde!

— Pardonnez-moi Madame Salinger, mais ça me regarde. Ça me regarde parce que ce nom... c'est le mien. Fallait que je le fasse Matt! Je peux pas te laisser affronter ça tout seul, j'ai honte même quand je pense que j'ai failli le faire.

Ses yeux ne me quittaient plus.

De ce moment, le monde s'évanouit, disparut, ils pouvaient me détester, tous autant qu'ils étaient, je m'en foutais éperdument, ça n'avait plus aucune importance, Taylor était là, il était revenu, son amour avait été plus fort que ses craintes et, dieu sait qu'il avait fallu qu'il soit fort pour surmonter ces craintes-là!

La cloche qui sonnait, nous libéra pour la pause du milieu de la matinée. Taylor rassembla ses livres et sortit avec moi. Personne n'avait encore bougé ni prononcé un mot, seule Madame Salinger me gratifia d'un léger sourire.

Devant nos vestiaires, où nous prenions les livres nécessaires à la leçon suivante, nous eûmes le temps d'échanger quelques mots.

— Tu n'étais pas obligé de faire ça tu sais Taylor... Mais je suis vraiment, vraiment heureux que tu l'aies fait, je ne te remercierai jamais assez pour l'aide que ça ma apporté, c'est la chose la plus difficile que j'ai faite de toute ma vie!

— Tu as eu raison. Mais c'était vraiment gonflé de faire ton coming out comme ça, toi même, plutôt que de le laisser faire par d'autres! Au début j'ai cru que t'étais devenu cinglé et puis je me suis dit que c'était LE truc à faire!

— Je n'avais rien préparé, j'ai juste senti qu'il fallait que je fasse quelque chose. Mais s'il y en a un qui est gonflé ici, c'est toi! T'avais pas besoin du tout de le faire ton coming out, toi, rien ne t'y obligeait!

— Rien? Tu crois vraiment ça? Je ne sais pas comment s'est passé ton dernier week-end? Le mien a été une horreur! Je me sentais tellement vide sans toi, tellement lâche de partir comme ça, si minable de te laisser tomber à un moment où tu avais tant besoin d'aide. J'en arrivais à me détester. J'étais malheureux, malheureux, mais incapable de faire face. Quand tu as fait ton petit speech, ce matin, tout s'est éclairci d'un coup. J'avais peur que ma vie ne devienne un enfer, mais l'enfer, c'est quand tu n'es pas dans ma vie. Quand tu es là, à côté de moi c'est toujours le paradis! J'ai besoin de toi Matt, je ne peux pas, je ne veux pas imaginer vivre sans toi! Et puis je me suis rappelé les mots de Lucia: l'amour vaut tous les risques! Elle a raison, absolument, totalement, entièrement, radicalement raison car le plus grand risque, le seul vrai risque, c'est de perdre amour justement! Quand j'ai réalisé que j'hésitais entre mon image et ma relation avec toi, j'ai compris que j'étais en train de me comporter comme un imbécile! Un crétin incapable de faire la différence entre une affiche de pub et un tableau de Gauguin! J'espère juste que tu pourras un jour me pardonner d'avoir été si lâche!

— Que je ne t'entende plus jamais traiter mon petit ami de lâche! Je ne le supporterais pas! J'aimerais qu'on soit ailleurs et je te montrerais que je ne t'en veux pas le moins du monde. J'ai jamais cessé d'être fou amoureux Taylor et aujourd'hui je le suis encore plus qu'hier.

Il sourit, et, pour la première fois depuis une semaine, son sourire était libre de toute crainte, lumineux.

Je vis Lucia à l'autre bout du hall et je l'appelai d'un grand geste, elle vint aussitôt à notre rencontre, lançant à Taylor des regards sans aménité.

— Comment ça s'est passé ce matin, frérot? Pas trop difficile d'affronter l'école entière TOUT SEUL!

Elle prononça sa phrase ne regardant que moi, comme si Taylor avait été absent.

— Je ne suis plus seul Lucia! Ce matin j'ai fait spontanément mon coming out devant toute la classe. Une intuition, comme ça! De toute façon... Mais, le véritable événement du jour, c'est que Taylor m'a accompagné!

Elle resta silencieuse, bouche ouverte. Diverses émotions habillèrent successivement son visage, l'incrédulité d'abord, puis l'étonnement et enfin la confusion.

— Tu as fait ça? Vraiment? Mais... Pourquoi???

— Pourquoi? Je croyais que c'était toi qui avais dit à Matt que "l'amour vaut tous les risques"! Je ne sais pas si je le mérite, mais je sais que je l'aime.

— Pardonne-moi Taylor! le supplia-t-elle, l'enserrant dans ses bras Tu sais, Matt était dans un tel état hier soir, j'étais vraiment fâchée contre toi. Mais là ce que tu as fait c'est... c'est... je ne sais pas comment dire, je suis si heureuse pour vous deux! Et comment ils ont réagi dans la classe?

— Rien encore, ça s'est passé à la fin du cours et la seule réaction remarquable a été le silence le plus épais qu'il m'ait été donné d'entendre!

À la fin de la récréation, nous retournâmes vers nos classes respectives. Autour de nous, ce n'était que chuchotements et regards furtifs. Les nouvelles peuvent circuler très vite dans un lycée, spécialement une grande nouvelle dans un petit lycée. Et pour une grande nouvelle, c'était une grande nouvelle: les deux premiers éléves homosexuels officiellement identifiés!

Les premiers regards que j'interceptai, exprimaient en majorité de l'incrédulité, de la surprise voire de la stupéfaction. Je reçus de la part de quelques garçons, de rares, faibles et discrets sourires (très discrets à vrai dire). Mais je ne vis rien qui, comme je la craignais, pût ressembler à de la haine ou du dégoût. Je pensais donc que, assez vite, tout redeviendrait normal.

J'avais tort.

Les quelques jours qui suivirent furent une période d'attente, on sentait que des règles nouvelles de fonctionnement étaient en train de se construire, pas des règles officielles bien sûr, mais des règles informelles, celles que respecteraient tous les élèves, celles auxquelles on ne peut déroger sans être aussitôt mis à l'index, celles contre lesquelles il est d'autant plus difficile de lutter qu'elles ne sont pas écrites! Aucune règle n'existait jusqu'à ce jour concernant l'attitude à avoir avec des homos, le cas ne s'étant jamais présenté. Nous faisions tous des blagues sur les pédés bien sûr, mais nous ne nous étions jamais posé la question du comportement à adopter face à eux. Jusqu'au mardi soir nous eûmes encore droit à quelques "salut", "au revoir", même quelques poignées de mains. Ensuite l'ambiance ne cessa de se dégrader, les plus intolérants avaient visiblement gagné dans la bataille (si tant est qu'il y en ait eu une ) pour la définition des règles du jeu.

Nous entrâmes en Enfer!

Mercredi matin nous eûmes notre première vraie crise.

Taylor et moi discutions dans le hall d'entrée, quelques minutes avant le début de notre premier cours quand j'entendis une voix très forte:

— Dégage de mon chemin pédé!

Je me retournai, tout en continuant ma conversation avec Taylor, et reculai de quelques pas pour faciliter le passage à Ronald, le capitaine de notre équipe de football (américain), un costaud de plus d'un mètre quatre-vingt-dix.

— Je ne peux pas supporter d'avoir un de ces enculés de pédés en travers de mon chemin, même à portée de vue d'ailleurs, des saloperies pareilles ça ne devrait pas exister alors je vais faire exactement comme si ça n'existait pas!

Je ne prêtai aucune attention à ses insultes. Taylor et moi étions prêts à ce type de situation, nous en avions parlé et décidé d'ignorer toute provocation, quelle qu'elle soit.

— Alors la prochaine fois je ne te préviendrai plus et t'as intérêt à ne pas te trouver au milieu de mon chemin! Et tu pourrais me regarder quand je te parle!

Je me tournai vers lui et le fixai dans les yeux.

— Tu as terminé, je peux reprendre ma conversation maintenant?

— Je veux juste fixer les règles, pour ta propre sécurité!

— J'ai compris, merci.

Il se tourna vers son groupe de copains, six autres membres de l'équipe de foot, y compris Éric (vous vous rappelez... Éric? Celui que ma sœur Lucia n'arrive pas à s'arracher de la tête!)

— Vous voyez le courage qu'ils ont!

Puis, à mon intention:

— Tu me dégoûtes!

— J'avais cru le remarquer déjà, répondis-je.

— Je ne te croyais pas si trouillard! Laisser n'importe qui comme ça, t'insulter, sans réagir, une vraie lopette. Je ne sais pas ce qui me retient de t'écrabouiller là, maintenant, c'est tout ce que tu mérites!

— Écoute-moi Ronald, lui répondis-je, tentant d'adopter un ton calme, en complète contradiction avc ce que je ressentais.

En fait je n'en menais pas large mais j'étais déterminé à n'en rien montrer.

— Tu peux penser et dire ce que tu veux, c'est ton droit absolu. Je ne suis d'accord avec rien de ce que tu viens de dire, rien du tout! Mais je suis sûr que je ne pourrai en rien changer ta façon de voir les choses, car tu n'es pas venu ici pour discuter avec moi, mais juste pour me vomir ton dégoût à la gueule. Je peux te comprendre mais je ne suis pas obligé d'être d'accord avec toi OK? Je crois maintenant qu'on peut déclarer le spectacle terminé non?!

— Tu pourrais au moins te défendre, t'es une vraie gonzesse!

— Oui, c'est ça, nous sommes tous les deux des gonzesses et vous, les mecs, les vrais, vous avez besoin d'être à sept pour venir nous casser la gueule. Ça marchera pas Ronald, nous ne nous laisserons pas entraîner dans une bagarre, sauf si nous ne pouvons rien faire d'autre pour nous défendre. Si je dois me battre je le ferai, bien que j'ai horreur de ça, mais ce n'est pas moi qui donnerai le premier coup!

Je les regardais tous les sept, l'un après l'autre, tout en parlant, certains d'entre eux ne me paraissaient pas parfaitement à l'aise, loin de là!

— Vous pouvez dire ce que vous voulez, utiliser toutes les ressources de votre vocabulaire, je m'en fiche! Mais n'essayez pas de lever la main sur moi, parce que là je me défendrai, et je ne m'en sors pas mal, demandez à Robert si vous voulez des détails. Tu es d'accord Taylor?

— Oui, oui, tout à fait, si je peux éviter les bagarres je les éviterai, si je n'ai pas le choix... Grouillons Matt sinon on va être en retard.

Nous les plantâmes là avant qu'ils n'aient eu le temps de réagir.

— Waoooooo! siffla Taylor alors que nous nous éloignions d'un pas rapide. Pour une gonzesse tu manques pas de couille! La façon dont tu les a épinglés, là, tous les sept, j'avais une de ces trouilles!

— Moi aussi crois-moi! Mais je me suis dit que nous étions à l'école après tout, qu'est-ce qui pouvait bien nous arriver?!?! Ils pouvaient pas nous tuer! Au pire on se prenait quelques baignes. Mais je crois que ça valait le coup, maintenant tout le monde sait que nous resterons debout et ils y réfléchiront à deux fois avant de nous attaquer, physiquement au moins, et verbalement ils peuvent dire ce qu'ils veulent je n'en ai rien à cirer!

— T'es tellement solide Matt, j'aimerais bien être comme ça aussi!

— Et tu crois qu'il est où le mec génial chez qui je puise cette apparente solidité?

Il sourit avec chaleur, c'était tout ce dont j'avais besoin pour oublier un aussi mauvais début de journée.

À mesure que les jours passaient, la régle devenait claire: apartheid!

Plus un mot, plus un signe ne nous était adressé, l'idée même d'une poignée de main était devenu un phantasme des plus exotiques (oui exotique, pas érotique quand même!). Des pestiférés, des lépreux! Pire encore! Si nous avions souffert de l'une de ses maladies au moins aurions-nous eu droit à quelques signes d'amitié, ou de compassion.

Là, c'était comme si nous n'existions plus. Les seules preuves de notre existence "sociale", si j'ose dire, étaient les rares commentaires, insultants, formulés à notre passage, par les plus vindicatifs des homophobes. Encore ces commentaires ne nous étaient-ils jamais adressés directement, ils étaient exprimés en termes généraux, à la cantonnade, juste assez fort pour que nous puissions en profiter!

De temps en temps il m'arrivait, en croisant furtivement (très furtivement) le regard d'un de mes condisciples, de percevoir dans ses yeux quelque chose qui pouvait trahir un malaise, peut-être même de la honte. J'en concluais toujours, dans mon incurable optimisme, que certains de mes anciens amis n'accordaient peut-être pas tant d'importance que ça à notre homosexualité. Mais la pression de l'environnement était très forte, tenter d'y opposer une résistance c'était prendre le risque de se retrouver dans le même état d'isolement que Taylor et moi, de se voir épingler la même étiquette.

Plus personne ne nous adressa de menace physique, nous gardions néanmoins la prudence élémentaire de rester ensemble aussi souvent que le permettaient nos horaires de cours. Nous n'avions plus qu'à subir, régulièrement, quelques petites humiliations, quelques mesquineries qui, en fait, ne nous touchaient plus guère: des plaisanteries salaces ou des blagues, aussi douteuses que vulgaires affichées sur nos vestiaires ou sur les tableaux.

Environ trois semaines plus tard, un lundi matin, nous découvrîmes d'ailleurs nos vestiaires peints en un rose fluo du plus bel effet, sur lequel se dégageaient, en grosses lettres noires des mots délicats tels que: pédés, enculés, suceurs de bites... inutile de vous rappeler toute la richesse de ce vocabulaire, j'imagine qu'il a peu de secrets pour vous!

Cela nous conduisit au bureau du proviseur. Nous étions un peu inquiets, n'ayant aucune idée de la façon dont il allait réagir.

Il nous accueillit d'un air préoccupé.

— Je sais que vous vivez tous les deux une période très difficile, depuis quelques semaines, mais je ne peux pas faire grand chose. Je ne peux obliger personne à vous accepter pour ce que vous êtes. Je regrette qu'ils aient l'esprit aussi étroit, mais jamais un règlement ne pourra changer ça. Tout ce que nous pouvons faire, est d'essayer de leur enseigner la tolérance et l'ouverture d'esprit. Je dois d'ailleurs reconnaître que nous avons échoué dans cette partie de notre tâche. Je ne peux pas vous aider à reconstruire votre relation avec vos pairs, ça ne veut pas dire, pour autant, que je ne peux rien faire du tout! Je veux donc que vous sachiez que je ne tolérerai aucune forme de harcèlement contre qui que ce soit dans cette école, aussi longtemps que j'en serai le directeur. Premièrement, je vais faire nettoyer vos vestiaires, et deuxièmement je vais faire afficher une note dans toute l'école rappelant que toute forme de harcèlement sera punie par une expulsion immédiate pour une durée minimum d'une semaine. Je ne tolérerai ça d'aucun étudiant ni d'aucun professeur. Vous n'êtes pas ici pour que l'on vous juge, mais pour que l'on vous enseigne! La seule chose que nous ayons le droit de juger, ce sont vos résultats scolaires, et, pour ce que j'en sais, les vôtres sont parmi les meilleurs. J'insiste bien, si vous voyez la moindre trace de discrimination dans l'attitude d'un de vos professeurs, je vous demande de venir me voir pour que nous en parlions.

— Nous n'avons constaté aucun changement chez aucun de nos profs, précisa Taylor.

— Je suis heureux de l'entendre, je leur ai rappelé cette règle à tous il y a deux semaines déjà, aussitôt que j'ai appris ce qui vous arrivait, et je voulais que vous soyez au courant. La porte de mon bureau vous est ouverte. Si vous rencontrez un problème que je peux aider à résoudre, n'hésitez pas! C'est clair?

— Oui, très clair, répondîmes-nous de conserve en nous levant pour sortir.

Il se leva également et ajouta:

— Une dernière chose, je n'ai pas à approuver, ni à désapprouver vos préférences sexuelles, ça ne me regarde pas. Je voulais juste vous dire que, dans la façon dont vous gérez la situation actuelle, j'ai vu beaucoup de courage, de force et de dignité. Et j'aimerais que ce qualités soient plus répandues dans notre école.

Nous serrâmes la main qu'il nous tendait en le remerciant chaleureusement.

— Vous n'avez pas à me remercier. L'école est un endroit où chacun doit se sentir en sécurité, et je veillerai personnellement à ce que ce ne soit pas que des mots, mais une réalité, c'est un de vos droits élémentaires. Maintenant retournez en classe et faites ce qu'il faut pour rester dans le haut du tableau.

Dès le début de l'après-midi nos vestiaires avaient retrouvé leur couleur d'origine (un peu terne en fait!) et la note promise tapissait tous les murs de l'école.

Notre sentiment d'insécurité en fut diminué.

Le comportement de nos pairs n'évolua en rien.

Deux semaines plus tard, durant la leçon d'anglais, M. MacCain annonça qu'il allait nous répartir en équipe de deux pour rédiger une nouvelle de 7 à 8 pages, dont le sujet était libre. Il commença à constituer les binômes et associa Taylor à Jonathan qui, dans un passé récent, était plutôt un bon copain. Jonathan blêmit et se mit à marmonner

— Heum... M. Mac... Cain... Un prob... Un problème.

— Tu as un problème Jonathan?

— Oui... Heu... Oui... J'ai...

— Quel genre de problème?

Taylor se leva:

— S'il vous plaît M. MacCain, est-ce que je pourrais vous parler?

— Je t'écoute Taylor.

— Puis-je venir à votre bureau?

Il hésita une seconde puis acquiesça. Taylor s'approcha et se mit à lui parler très bas, personne ne pouvait entendre ce qu'il disait. Après quelques secondes, il me fit signe de les rejoindre:

— Vous connaissez la situation Monsieur, disait-il. Matt et Moi sommes en quarantaine depuis plusieurs semaines. Ce n'est pas une règle officielle bien sûr, mais personne ne s'adresse à nous. Est-ce que vous savez pourquoi?

— Oui, oui, je le sais, et ça m'est complètement égal! Je peux vous dire qu'il n'y aura pas d'ostracisme pendant mes cours!

— Je comprends bien, et je préférerais que ça marche comme ça, mais ce n'est pas le cas! Et si vous obligez Jonathan à travailler avec moi, je suis sûr que ça n'arrangera rien pour nous mais que, par contre, ça pourrait être très dur à vivre pour lui. S'il vous plaît, est-ce que vous accepteriez de modifier les binômes et de m'associer à Matt?

— Je ne sais pas! Ce que vous me demandez là va à l'encontre de toutes mes règles pédagogiques!

— Je sais, Monsieur, mais nous avons besoin de temps, bousculer les choses, ou les gens, ne résoudra pas notre problème!

— Est-ce que je peux ajouter, Monsieur, dis-je, que Jonathan est issu d'une famille très attachée à la religion et que ses parents pourraient très bien lui avoir interdit tout contact avec nous.

— Écoutez, dans ce cas-là il n'y aura pas de binômes, chacun écrira sa propre nouvelle!

— Je vous en prie, ne faîtes pas ça, ça va nous retomber dessus, tout le monde dira que c'est de notre faute!

— C'est vrai... ce ne serait pas juste.

Il poussa un soupir excédé.

— D'accord, vous travaillerez ensemble, mais je déteste ça, je me sens coupable de complicité passive. Retournez à vos places.

Après quelques secondes de silences durant lesquelles il mordilla sa moustache plus sauvagement que jamais, me MacCain s'adressa à la classe.

— J'ai modifié les équipes, Taylor travaillera avec Mattew et Jonathan avec Mike.

Le visage de Jonathan traduisait son soulagement, à tel point qu'il nous adressa un sourire radieux... qu'il effaça très vite dès qu'il se rappela qui nous étions.

— J'ai aussi changé le sujet de votre devoir, reprit Monsieur MacCain. Je vous demande de m'écrire un dialogue entre deux personnages: dont l'un (A) met l'autre (B) au ban de la société. Dans ce dialogue, A doit présenter une argumentation pour justifier de cette mise au ban, et B doit trouver les contre arguments pour démontrer à A qu'il a tort. Cette mise au ban peut avoir la raison initiale que vous voulez: la religion, la race, le sexe, l'âge, la couleur de peau, les opinions politiques ou, si vous êtes assez courageux pour y réfléchir, les orientations sexuelles. Vous me rendrez ça vendredi prochain. C'est tout pour aujourd'hui.

Il replia ses affaires et se dirigea vers la porte. Avant de l'ouvrir il ajouta:

— J'ai toujours été fier de mon métier, fier d'être professeur, toujours, mais pas aujourd'hui! Aujourd'hui je ne suis fier ni de moi ni de vous!

Il quitta la classe sans ajouter un mot.

Cette ambiance délétère aurait pu miner notre relation. Il n'en fut rien. Quand je me retourne sur cette période elle ne m'évoque pas les joies insouciantes de l'adolescence bien sûr, mais j'étais heureux, je veux dire NOUS étions heureux.

C'est vrai que mes amis me manquaient, leurs blagues, les jeux en leur compagnie, les conversations futiles, les débats passionnés. Leur présence me manquait, leurs sourires, leurs éclats de rire, et c'était vraiment dur quand l'attitude ou l'expression du visage de l'un d'entre eux m'envoyait un message qui ressemblait à du dégoût. Mais j'avais Taylor. Notre relation ne fit que s'approfondir, s'embellir, se solidifier. Il aurait pu m'en vouloir d'avoir gâché une année scolaire qui avait eu des débuts si prometteurs, il ne me le montra jamais. Il m'avait pardonné l'incident du cinéma. Son pardon était si sincère qu'il ne le mentionna plus jamais et, chaque fois que j'essayais d'y revenir, il m'interrompait:

— C'est fini Matt, c'est du passé, arrête de t'en faire pour ça! J'ai complétement oublié! En fait non, je n'ai pas oublié, je garde le souvenir très précis de ce que tu m'as fait et du formidable plaisir que j'y ai pris! ajouta-t-il, une lueur coquine dans le regard. Et je voudrais bien... non, j'exige que tu te mettes sur la même longueur d'onde et que tu effaces le reste!

Nous passions chaque heure du jour ensemble (et la plupart de nos nuits durant les week-ends). Nous travaillions ensemble, jouions ensemble, regardions la télé, mangions, marchions ensemble. Nous passions des heures à parler, et, mieux nous nous connaissions, plus notre relation gagnait en force. Nous avions beaucoup de choses en commun, nous apprîmes à partager le reste. Il m'initia aux plaisirs de l'opéra, de la science-fiction et du jogging. Je lui appris à aimer les vieux films, la musique Rap et les échecs. Nous pouvions passer un après-midi entier à discuter de tout et de rien, ou rester ensemble sans rien dire et parfaitement à l'aise.

Côté sexe? Ça marchait très bien merci. Nous ingurgitions des quantités impressionnantes de sperme sans jamais nous en lasser. En public, nous étions très attentifs à éviter tout signe qui aurait pu être interprété comme une provocation, ou qui aurait pu heurter la sensibilité de quelqu'un (encore que je n'arrive toujours pas à comprendre comment un geste d'amour ou de tendresse peut heurter la sensibilité de qui que ce soit!). Nous ne nous embrassions jamais en public, ne nous tenions jamais par la main, nous évitions tout contact physique. Mais notre relation était si forte qu'elle était d'une absolue évidence. Et, bien que notre vie sociale fût des plus rudes, il m'arrivait de rencontrer des regards d'envie.

La seule amie qui nous restait, si je ne tiens pas compte de nos familles proches, était Cathy. Quinze jours aprés notre coming out, elle appela Taylor pour lui dire qu'elle s'était conduite comme une idiote, qu'elle nous acceptait comme nous étions et elle lui demanda de l'excuser ce que Taylor fit immédiatement, bien sûr. Le coup de fil suivant fut pour moi. Elle me dit qu'elle avait, tout d'abord, été très en colère contre moi, contre ce qui lui paraissait avoir été de la malhonnêteté de ma part. Puis elle s'était rendu compte que cette colère était, en fait de la jalousie, une jalousie très égoïste. Elle me présenta aussi des excuses.

L'amitié de Cathy nous fut précieuse à tous, y compris à Lucia qui battait froid à tous ceux qui nous rejetaient, autant dire à toute l'école!

À suivre

Plus qu'un unique et dernier épisode... qui l'emportera dans l'éternel combat qui oppose la haine à l'amour? Qui gagnera, de l'intolérance ou de la générosité??? Roulements de tambours... Le concours de pronostics est ouvert! Les meilleures propositions gagneront un courrier en retour, les autres... aussi!

 

 

Par claudio - Publié dans : LISEZ VISIONNEZ VIDEOS & RECITS FICTIONS FANTASMES - Communauté : Cavaillon communauté gay bi trans lesbienne sur la région
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  • : BLOG ICONOCLASTE ET GENERALISTE Ca ne suffit pas d'afficher des bites et des baises ce blog est gay sasufipaléfotoPORNO_ifo pensé1p Tu vas dire :" claudio tu copies beaucoup". Oui mais en fait je ne mets que de l'intéressant GAY&BI&NOLIMITS ça vous empêche pas de chercher pr votre compte !
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