Partager l'article ! RENTREE AU LYCEE 4 suite Maman j'ai toujours été comme ça.: Est-ce vrai que les gays ont un 6e sens pour se ...
Est-ce vrai que les gays ont un 6e sens pour se renconter ?
Taylor s'approcha. Un sourire ironique écartait ses lèvres. Il se mit à rire, doucement d'abord puis de plus en plus fort.
Je n'arrivais pas à y croire. À la douleur si profonde que j'éprouvais il fallait qu'il ajoute la moquerie. Je ne méritais pas ça. Il essaya de dire quelque chose mais il riait tant que les mots sortaient hachés, brouillés:
— Id... es con... stup... stop...
Une fois encore la colère vint m'aider à surmonter mon désespoir.
— Je suis peut-être un pédé mais je ne resterai pas ici à me faire insulter! Ce coup-ci je m'en vais! hurlai-je presque.
Je fis un mouvement pour me relever. Il posa sa main sur mon épaule, je me dégageai. Aussitôt il se jeta sur moi et me plaqua au sol. J'essayai de lui échapper mais sa prise était trop forte et ses jambes, mélées aux miennes, m'empèchaient de trouver un point d'appui.
— Je t'en prie Taylor, lache-moi, laisse-moi partir.
— Non! Je ne te laisserai pas partir, j'ai aussi quelque chose à te dire!
— C'était pas assez de me traiter de con et d'idiot?
— Tu m'as mal compris, reprit-il avec difficulté, tant le rire l'essouflait encore. Je n'ai pas dit que tu étais con, mais que NOUS étions cons!
— Pourquoi?
— Parce que tu craignais ma réaction une fois que tu m'aurais dit que tu étais gay?
— T'es vraiment très perspicace!
Il ignora mon sarcasme.
— J'étais terrorisé pour la même raison, je suis gay aussi Matt!
— Tu crois peut-être que je vais avaler ça? Même dans les histoires à l'eau de rose de Gai-Éros, même dans la collection Harlequin, on n'oserait pas la faire celle-là. T'es encore en train de te foutre de moi! lui répondis-je avec un reste d'agressivité.
Il me regarda dans les yeux. Son visage n'était plus qu'à 10 centimètres du mien. Je sentais la douce chaleur de son haleine. Ses lèvres effleurèrent les miennes. Je crus que j'allais m'évanouir. Il se recula.
— Tu as fait ça... juste pour me prouver que tu es gay? demandai-je. Ou alors tu...
Il ne me laissa pas le temps de finir ma phrase. Ses lèvres se mêlèrent à nouveau aux miennes, avec fièvre cette fois. Je les sentis s'écarter et sa langue vint buter contre mes dents, cherchant un espace que je lui offris timidement. Elle envahit ma bouche à la poursuite de ma propre langue. Leur rencontre me fit perdre pied, rompit le lien ténu qui me reliait encore à la réalité. Je n'étais plus dans sa chambre, plus sur la moquette, je volais, je voyageais à travers les étoiles, je glissais sur des toboggans de lumière, je jouais de la guitare avec Jimmy Hendrix, je chantais avec Ella Fitzgerald, je...
Je me sens incapable de vous décrire ce que j'ai ressenti à ce moment. Le goût de sa salive, ses lèvres, la chaleur de son souffle, la douceur de ses soupirs, le velouté de ses pommettes contre les miennes, les tendres caresses de sa main gauche dans mon cou, son poids sur moi... un extraordinaire cocktail de sensations, d'émotions. J'aurais voulu que cet instant dure pour l'éternité. J'aurais pu mourir, heureux d'avoir vécu pour ce seul baiser.
J'ignore combien de temps dura ce baiser.
— Taylor, est-ce que je rêve?
— Je ne sais pas Matt, mais il est 4 heures du matin alors c'est bien possible.
Il me picora les lèvres.
— Tu as l'air si vrai que je commence à y croire!
— Moi aussi.
Nous étions allongés sur le sol, face à face, je caressais ses cheveux et sa joue droite. Mes doigts passèrent sur ses lèvres et il les mordit avec un sourire.
— Aïe... alors c'est vrai, c'est pas un rêve... Merci mon Dieu de m'avoir envoyé un ange, l'ange de mes rêves, celui auquel je n'osais pas croire.
Taylor laissa rouler une larme le long de son nez.
— Je suis si heureux Matt! Je pourrais rester des heures comme ça, dans tesbras.
— J'aimerais aussi mais rappelle-toi que je suis un peu plus vieux et donc plus attaché à mon confort, je suggère donc que nous retournions au lit.. Seulement si tu viens dans le mien!
Nous nous glissâmes sous ses couvertures. Toujours enlacés nous nous regardions en silence et échangions sourires et baisers légers. Je vis Taylor s'enfoncer doucement dans le sommeil. Ses yeux se fermèrent et sa respiration prit un rythme régulier. Je murmurai alors à son oreille:
— Je t'aime Taylor.
— Hum... Il entrouvrit un œil. Qu'est-ce que tu dis?
— Rien... répondis-je en rougissant, rendors-toi.
— Non, je sais que tu m'as dit quelque chose... je voudrais que tu le répètes.
Ce que je vis au fond de ses yeux effaça les derniers doutes que je pouvais avoir.
— Je t'aime Taylor.
Il resta silencieux, un sourire angélique flottait sur son visage, comme s'il savourait ma déclaration.
— Je t'aime aussi Matt, depuis la première seconde où je t'ai vu! Je t'aime.
Un instant plus tard nous dormions, épuisés.
L'image suivante qui revient à ma mémoire est celle de sa mère, debout au milieu de la pièce. Elle venait de tirer les rideaux pour nous réveiller car il était déjà 11 heures. Quand elle réalisa que nous étions dans le même lit:
— Oh! excusez-moi, je suis désolée! Je n'aurais jamais dû entrer! Et elle sortit. (Ça pourrait faire une fin de chapitre intéressante! Non?)
Taylor dormait toujours, je le secoue vigoureusement.
— Quoi? bafouille-t-il.
Puis il se lève d'un coup.
— Excuse-moi, une urgence!
Il court jusqu'à la salle de bain et me rejoint au lit deux minutes plus tard.
— Qu'est-ce qu'il y a Matt? On dirait que tu as vu un fantôme? Tu regrettes ce qui s'est passé cette nuit? demande-t-il avec une expression d'inquiétude.
— Non, rien de rien! Le début de la nuit a été le pire moment que j'aie jamais connu, mais la fin, hummm la fin... je t'aime Taylor! (ma voix tremble) Cette nuit je te l'ai dit a moitié endormi, cette fois je suis 100% réveillé et j'ai envie de le répéter, de le crier, je t'aime Taylor!
Il a un air de bonheur absolu... Premier baiser matinal... Vous voulez savoir comment c'était? Retournez quelques lignes plus haut, c'était la même chose, peut-être mieux encore, comme les choses qui s'améliorent avec le temps, comme si le souvenir de nos baisers précédents nous indiquait quoi prendre de l'autre, et quoi lui apporter. Ce baiser dura un long moment et nos mains devenaient plus audacieuses, plus pressantes. Soudain je m'éloignai de lui:
— Ta mère Taylor!
— Quoi ma mère? Ne crie pas comme ça sinon elle pourrait venir et ce serait plutôt embarrassant, tu ne crois pas?
— Elle l'a déjà fait!
— Fait quoi?
— Entrer!
— Ici? Tu veux dire dans ma chambre?
— Oui, c'est exactement ça!
— Mais quand? Je ne l'ai même pas vue!
— Tu dormais encore. Elle est entrée pour nous demander de venir prendre le petit-déjeuner, il était déjà 11 heures. Elle a ouvert les rideaux et c'est là que j'ai vu qu'elle nous avait vus, là, dans ton lit!
— Ah Merde! Merde! Merde! Elle a dit quelque chose?
— Un truc comme: excusez-moi... J'aurais jamais dû entrer... Qu'est-ce qu'on va faire?
— Je ne peux plus reculer maintenant, faut que je lui parle! De toute façon ça fait longtemps que j'aurais dû le faire et que je repousse sans arrêt! Je ne savais pas comment m'y prendre... Mais maintenant que je sais que tu es avec moi, ça va être plus facile, je me sens plus fort!
— Tu crois que ça va être difficile?
— J'en sais rien, répondit-il en se mordant la lèvre inférieure. Je sais qu'elle m'aime, je n'ai aucun doute la dessus, donc je ne crois pas qu'elle puisse me rejeter. Mais je ne sais pas du tout si ce sera facile à avaler pour elle, un fils homo, son fils unique. C'est un sujet que nous n'avons jamais abordé. En fait je suis plus inquiet pour elle que pour moi... Faut que j'y aille maintenant.
— Tu veux que je vienne ou tu préfères la voir seul?
— À côté de toi, je pourrais affronter n'importe quelle situation! Mais je ne veux pas non plus t'ennuyer avec mes problèmes familiaux!
— Ce ne sont plus tes problèmes mais... les nôtres! Je viens!
Nous nous habillâmes et descendîmes rapidement. Martha, dans la cuisine, assise, les coudes posés sur la table, buvait à petites gorgées une tasse de café fumante. La radio diffusait les nouvelles du jour en fond sonore. Côte à côte, nous nous arrêtâmes de l'autre côté de la table. Nous restions silencieux, incapables de trouver les mots dont nous avions besoin.
Le silence dure, épais, l'inconfort s'installe. Les yeux de Martha passent rapidement sur nous, elle paraît incapable de nous fixer, elle est terriblement mal à l'aise et ça se voit. À deux reprise elle est sur le point de dire quelque chose, les deux fois elle se reprend et trouve refuge dans sa tasse de café.
Taylor n'y tient plus, ses deux mains sont accrochées au plateau de la table de cuisine qu'elles serrent avec une force désespérée. Il lève à peine les yeux pour dire
— Maman, il faut que je te dise quelque chose!
Sa voix est glacée, animée d'un léger tremblement, elle trahit les émotions que son visage baissé ne veut pas montrer.
— Pardonne-moi, j'aurais dû le faire plus tôt et ne pas te laisser découvrir les choses comme ça. Voilà... je suis homo, je sais...
Elle lui coupe la parole sèchement, avec une autorité agressive:
— Tais-toi Taylor, ne dis pas des trucs pareils!
Puis elle tourne son regard sur moi, un regard sombre, je ne sais s'il est chargé de haine, de colère, de mépris ou de désespoir, mais il ne communique rien d'aimable.
— Et toi tu oses encore rester là, debout devant moi après ce que tu as fait à mon fils!
Je reste interdit devant l'accusation, incapable de répondre, et d'ailleurs quoi lui répondre? Que son fils est pédé, comme moi, qu'il m'a ensorcelé à la minute où il a jeté les yeux sur moi? Me battre avec elle? Me laisser aller à lui dire des choses qui peut-être un jour pourraient venir se mettre entre Taylor et moi? Je ne peux pas décider alors je reste silencieux et je me sens presque coupable... de ce dont elle m'accuse implicitement.
— Tu ferais mieux de partir, ajoute-t-elle. Ta présence dans cette maison m'est insupportable, tu... tu es...
— Arrête maman, arrête ça, je vais le raccompagner.
Je me tourne vers Taylor, des larmes brillent dans ses yeux. Une main posée sur l'épaule, il me guide hors de la cuisine. Une fois à l'écart des oreilles maternelles il me regarde:
— Pardonne-moi, c'était une très mauvaise idée de t'associer à ça, je ne m'attendais pas du tout à cette réaction. Je crois qu'il vaut mieux que je lui parle seul.
Il me serre dans ses bras et dans cette embrassade, je perçois toute la tristessse et la frayeur qui l'habitent.
— Et nous...? lui demandé-je.
Il a un faible sourire qui trahit la fragilité de ses 17 ans.
— Nous... Rien ne pourra me faire renoncer à toi... rien!
Qui suis-je pour lui demander plus?
— Tu m'appelles dès que tu peux?
— Promis!
Je sors et referme la porte derrière moi.
Taylor retourne dans la cuisine. Martha est assise à la même place, sa tasse de café, vide maintenant, est posée devant elle. En entendant les pas de son fils elle relève la tête, un regard presque vide tente de lire le visage de Taylor, puis soudain elle s'ébroue, comme un chien le ferait au sortir d'une rivière. Que cherche-t-elle à évacuer ainsi, cette torpeur qui semblait la figer jusqu'alors? Le dégoût qu'elle pourrait ressentir à l'idée de ce qui s'est probablement passé dans la chambre de cet enfant qu'elle a porté en elle il y a 17 ans déjà? Il y a de la colère contenue dans ses paroles.
— Tu as compris son manège maintenant j'espère, tu sais pourquoi il avait l'air si gentil, pourquoi il tournait autour de toi tout le temps!
Sa voix monte, tandis que sa main se crispe sur la tasse dont elle renverse les dernières gouttes sur la table. Taylor la fixe incrédule:
— Quel salaud! Sous mon toit, penser qu'un pareil perv...
— Stooooop!
Le cri, aigü l'a bloquée net. Elle est interloquée, jamais Taylor ne s'était laissé aller à élever la voix contre elle. Lui, les mains serrées sur ses oreilles ne semble pas conscient d'avoir hurlé, même pas conscient qu'elle s'est arrêtée. C'est presque un murmure lorsqu'il reprend la parole.
— Stop maman, stop s'il te plait. Je t'en supplie, fais attention à ce que tu vas dire de Matt, parce que... je suis comme lui. Tout ce que tu vas dire de lui, c'est de moi que tu le diras... alors... avant de dire quelque chose de définitif, quelque chose qui fasse vraiment mal...
Il ne peut retenir les larmes qui accompagnent ses derniers mots. Elle le fixe une fois encore, elle aussi elle pleure, sans bouger, comme incapable, pour une fois, la première peut-être, de franchir la distance qui la sépare de cet enfant qui n'en est plus tout à fait un, qui fait ses choix sans elle, contre elle? Alors c'est lui qui fait la démarche, qui s'approche, qui la prend dans ses bras, qui lui relève le menton, qui plonge désespérément dans ses yeux.
— Tu ne m'aimes plus? Maman?
Ce n'est pas une question, c'est une plainte, un gémissement, une douleur qui glisse de ses lèvres. Elle sanglote et s'accroche à lui. Aujourd'hui c'est lui la terre ferme, c'est elle qui part à la dérive.
— Mais pourquoi? gémit-elle. Qu'est-ce que j'ai raté?
Il accuse le coup sous l'agressivité involontaire de la question.
— J'étais si contente, comment peut-on être aveugle à ce point!
Il serre les dents, ne pas réagir aux mots, ils font mal, c'est vrai, mais ce n'est pas leur vrai sens, ce n'est pas ce qu'elle veut dire.
— C'est si dur, il fallait que je sois ta mère, que je sois ton père aussi... J'ai pas réussi, oh pardonne moi Taylor, pardon!
Sa souffrance est évidente.
— Maman, arrête, y'a rien à pardonner, rien, je t'aime et je suis moi, juste moi... c'est tout. Tu n'y es pour rien, moi non plus... Matt non plus. Je suis comme ça et aussi loin que je peux remonter en arrière... j'ai toujours été comme ça.
Elle a cessé de pleurer, elle se laisse bercer par son fils, comme si cette inversion des rôles était naturelle en cet instant. C'est elle l'enfant, c'est elle qui a besoin d'apprendre.
— Excuse moi Taylor, j'ai été... nulle sur ce coup là. Je t'aime tu sais! ajoute-t-elle avec un sourire hésitant. Et tu as raison, j'ai dit trop de bêtises, il vaut mieux que je réfléchisse un peu avant d'en dire d'autres.
Elle le regarde attentivement, elle choisit ses mots, elle en a peur maintenant.
— Tu te rappelles cette grande balade au bord d'un lac dont je t'ai parlé l'autre jour? Je crois que je vais aller la faire, là, maintenant et que je resterai dormir au chalet d'accueil, pour réfléchir un peu et on reparlera de tout ça demain.
Son visage est apaisé maintenant et Taylor se contente d'approuver d'un hochement de tête. Elle se dirige vers sa chambre. Quand elle revient, quelques minutes plus tard, elle presse rapidement sa joue contre celle de Taylor.
— Je t'aime Taylor.
— Je sais maman, je t'aime aussi.
— Ça va Matt? m'accueillit ma mère.
— Oui, répondis-je de façon lapidaire
— Vous avez fait des choses intéressantes? Sa mère est sympa?
— Oh, on a juste discuté un peu avec elle hier soir, ensuite on a fait plein de jeux vidéo, mais on avait commencé par trois heures de maths!
Elle sourit. À table nous n'étions que trois, Lucia était au MacDo avec quelques amis. Vers deux heures le téléphone sonna, c'était Taylor. Je courus à ma chambre, pris mon combiné et attendis que ma mère raccroche.
— Salut Taylor, ça va?
— Tu me manques Matt, tu me manques déjà!
— Tu me manques aussi! Comment ça s'est passé avec ta mère?
— Plutôt dur, tu t'en doutes... mais je crois qu'elle a fini par comprendre, je crois que c'est surtout la surprise qui l'a déstabilisée, il aurait fallu que ça se passe autrement. Elle est partie pour le week-end... réfléchir. J'ai envie de t'embrasser!
— Alors qu'est-ce que tu attends pour venir ici m'expliquer tout ça de façon un peu plus concrète? Tu pourrais en profiter pour me rapporter les trucs que j'ai laissés chez toi.
— L'idée est tout à fait séduisante, je saute dans mes rollers et je suis là avant même que tu aies le temps de raccrocher.
— Je lance le chrono.
Quatre minutes trente-deux secondes plus tard il était à ma porte, haletant. Il retira ses rollers et m'accompagna à la cuisine pour y prendre un verre. Mes parents étaient là.
— P'pa, M'man, je vous présente Taylor.
— Salut! dit mon père. Bienvenue chez nous.
— Bonjour, reprit ma mère.
— Bonjour madame, bonjour monsieur.
— Pas de ça ici, l'interrompit mon père, tu as l'air d'être devenu un des meilleurs amis de Matt, je suppose donc que nous te verrons souvent alors pas de cérémonial, moi c'est Don et ma femme répond au tendre prénom de Mouna !
— Merci mons... euh merci Don!
— Qu'est-ce que vous faites cet après-midi? Du patin? ajouta-t-il, voyant les rollers dans les mains de Taylor.
— Peut-être, répondis-je, mais je veux d'abord lui montrer ma chambre. Tu viens Taylor?
La porte à peine refermée, il était sur moi ! Son baiser, de tendre devint très vite furieux, sauvage. Mes mains pétrissaient son dos des épaules jusqu'aux fesses, si fermes, si rondes. Je passai sous la barrière de la chemise. C'était magique. Je tremblais tellement que mes mains semblaient mues par leur propre volonté. Chaque mouvement était un terrible dilemme: rester au même chaud, tendre, doux endroit? Ou en chercher un autre peut-être plus chaud, plus tendre, plus doux encore? J'aurais voulu pouvoir le toucher partout à la fois. J'aurais pu rester ainsi, à le caresser, à l'embrasser pendant des heures. Ça a peut-être bien duré des heures d'ailleurs! Le temps n'avait plus de signification. Quand il lâcha mes lèvres, je fouillai ses yeux: ils débordaient de joie, de bonheur... de désir aussi.
— Je t'aime Taylor. Je suis si heureux de t'avoir là, à moi! Tu ne peux pas savoir ce que ça signifie pour moi. Ça fait si longtemps que j'attends ce moment! J'avais fini par croire que ça n'arriverait jamais. J'étais tellement jaloux des autres lorsqu'ils étaient en couple, alors que je me sentais si désespérément seul ! Et si certain de le rester pour toujours ! Je pensais que la vie n'était vraiment pas juste, et maintenant tu es là, et je me dis que toute cette détresse, toute cette solitude, toute cette souffrance ont servi à quelque chose puisqu'elles m'ont conduit vers toi.
Du bout de la langue j'attrapai la larme qui perlait à sa paupière.
— Matt, je crois que je comprends parfaitement ce que tu me dis parce que je suis passé par le même chemin. Moi aussi je refoule mes désirs depuis toujours. Moi aussi je me suis caché. Aujourd'hui, j'ai chaud, comme si je laissais la lumière du soleil entrer jusqu'au plus profond de moi pour la première fois, parce que pour la première fois j'ai envie que quelqu'un voie tout de moi. Lors de notre première rencontre j'ai cru que le hasard me taquinait encore, mais j'étais sûr de rester maître de moi! Mais à mesure que le temps passait, je comprenais que mes sentiments pour toi n'avaient rien avoir avec l'attirance, parfois violente, mais en général peu durable, que j'avais ressentie pour d'autres garçons. Je sentais l'amour m'envahir peu à peu. Je savais que c'était lui. J'avais peur. Il balayait toute ma vie, et je refusais de croire que ce serait pour le meilleur. Je t'aime Matt, je t'aime comme un fou.
Je ne pus empêcher l'émotion de me brouiller les yeux. Il prit ma tête entre ses mains et planta un gros baiser humide et retentissant sur mes lèvres.
— On est assez mélo là, tu crois pas? Je ne sais pas si notre dialogue serait une bonne base de scénario pour une série télé, ou à publier sur le net, mais en être l'acteur avec toi... c'est vraiment génial!
Il éclata de rire. Quelqu'un frappa à ma porte. Je l'ouvris, laissant entrer Lucia.
— Salut! dit-elle. Qu'est-ce qu'il y a de si drôle?
— Oh, rien de particulier, une blague entre... initiés, dis-je.
— Entre initiés ou entre intimes? demanda-t-elle en souriant.
Je vis Taylor passer par différentes teintes de rouge avant de se stabiliser sur quelque chose compris entre le pourpre et le cramoisi. Lucia fit comme si elle n'avait rien remarqué, mais je la connais assez pour savoir qu'elle n'était pas du genre à laisser passer un détail de ce type!
— J'allais partir patiner quand M'man m'a dit que Taylor était là avec ses rollers, j'ai pensé que nous pourrions aller tous les trois rejoindre Cathy et quelques autres copains qui m'attendent. Qu'est-ce que vous en pensez?
Je me tournai vers Taylor qui approuva d'un hochement de tête.
— Bonne idée! dis-je. Ce sera un bon moyen pour toi de mieux connaître la ville. Mais toi, Lucia, tu vas peut-être avoir un peu de mal à suivre notre rythme!
— Cause toujours frérot, on verra bien à la fin de la balade qui sera à la traîne!
Cinq minutes plus tard nous roulions de front, à bonne vitesse, jusque chez Cathy. Ils étaient cinq ou six à nous attendre. Comme à l'habitude elle m'accueillit avec une chaleur un peu excessive et je détectai, dans le regard de Taylor, une lueur d'embarras. Je m'approchai de lui pour lui murmurer:
— Ne t'inquiète pas, il n'y a rien entre Cathy et moi...
— Je ne suis pas inquiet, j'ai confiance en toi. De plus je sais qu'il n'y a rien entre toi et elle, elle me l'a dit. Elle m'a dit aussi combien elle aimerait qu'il en soit autrement ! Alors je ne m'inquiète pas mais je me sens un peu coupable, parce que je suis là depuis deux semaines à peine et tu es à moi déjà, alors qu'elle attend depuis des années. Coupable parce que tu es à moi et que je n'ai pas du tout l'intention de te partager. Je veux te garder pour moi tout seul!
— Monsieur est très possessif à ce que je vois, et bien mon bonhomme, avant de pouvoir me garder va falloir m'attraper !
Et sur la dernière syllabe je partis à toute vitesse. Le temps qu'il réalise et j'avais trente mètres d'avance quand il se lança à ma poursuite. Les autres crièrent:
— Où allez-vous?
N'obtenant aucune réponse ils chassèrent à leur tour. Rien n'est plus drôle, lorsque l'on patine en ville, que de terroriser les piétons et les conducteurs. Nous nous en donnâmes à cœur joie. Il nous fallut à peine un quart d'heure pour rejoindre le parc, à près de cinq kilomètres, quand même! Un bonne maîtrise technique, additionnée de pas mal de chance, nous permit d'éviter tout accident.
— Vous avez vu cette pauvre vieille avec son petit chien? demanda Dick. Il avait tellement peur qu'il a tourné trois fois autour d'elle. Elle était saucissonnée par la laisse, un indien n'aurait pas fait mieux! Quand je suis passé à côté d'elle je lui ai dit: "bouge pas squaw ! je reviens chercher ton scalp!"
Nous éclatâmes tous de rire. C'était presque douloureux de rire aussi fort, essoufflés comme nous l'étions. Nous nous allongeâmes sur l'herbe et discutâmes de tout et de rien pendant une heure. Le soleil était encore chaud, mais une brise légère aidait à nous rafraîchir. Le moment était très agréable. Bien sûr j'aurais préféré être seul avec Taylor, mais, de le savoir là, à mon côté, de savoir qu'il m'aimait, qu'il était mon petit ami, suffisait à mon bonheur. Je pense d'ailleurs que notre bonheur était contagieux car il explosait en chacun de nous.
Nous reprîmes la balade, plus tranquille cette fois, pour un tour complet de la ville. Taylor put ainsi découvrir le centre commercial, de l'extérieur seulement car les rollers y étaient interdits, le cinéma, le théatre, le stade, le gymnase... et même le musée! Taylor n'ignorait plus rien des hauts lieux de notre petite ville, y compris les bars, les Mac-Do et les meilleures pizzerias.
Il était près de 6 heures quand nous nous séparâmes. Lucia, Taylor et moi rentrions lentement chez moi. Devant la porte Lucia se tourna vers Taylor:
— Au revoir, j'ai passé un excellent après-midi.
Oh non! Pensais-je, ça ne peut pas se finir comme ça.
— Taylor? Et si tu restais dormir ici ce soir?
— Ce serait super, mais tu ne crois pas qu'il est un peu tard pour demander à ta mère?
— La tienne serait d'accord?
— Elle est pas là ce soir, mais moi je serais d'accord!
— Alors c'est comme si c'était fait!
— Mais je n'ai pas de vêtements de rechange!
— Je t'en prêterai!
— Pas de pyjama!
— Tu n'en auras pas... Je me rappelai à temps que Lucia était là. Je t'en prêterai un aussi et du savon, du shampoing, et même une brosse à dents si tu veux!
— D'accord, je me rends!
Lorsque nous entrâmes Lucia me glissa à l'oreille:
— Tu es un vrai conquistador!
Je ne répondis rien, me contentant d'approuver d'un mouvement des sourcils.
Une douche rapide, prise séparément, nous ne voulions pas éveiller les soupçons, nous rendit une apparence acceptable pour la table du dîner.
La conversation fut légère, chacun parla de sa journée et Taylor dut répondre aux inévitables questions que tous les parents posent aux nouveaux amis de leurs enfants: que font tes parents, quelles sont tes matières favorites à l'école, quel sport pratiques-tu... L'interrogatoire classique... mais sans la torture. Taylor s'en sortit très bien, il répondit à toutes les questions, sans jamais se lasser, avec simplicité et beaucoup d'humour. À la fin du repas il était devenu un vieil ami de la famille, pas mal en une heure! Nous aidâmes mes parents à débarrasser la table avant de nous isoler.
Il était neuf heures lorsque je refermai la porte de ma chambre derrière nous. Il se tourna vers moi avec un sourire espiègle.
— On pourrait peut-être faire un jeu vidéo? À moins que tu n'aies autre chose en tête
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