un clavier où il y a déjà actif (top) passif (bottom) le rêve à portée de bouton !
La pratique du sexe via internet reste limitée, seul 8% des Français auraient tenté l'expérience (MARTTILA/LEHTIKUVA OY/SIPA)
La nouvelle révolution sexuelle se veut expéditive
La révolution sexuelle "première vague", celle des années 1960-1970, reposait aussi sur des technologies nouvelles et des avancées scientifiques :
par exemple, l’accessibilité de masse aux moyens contraceptifs. Politique, elle s’inscrivait toutefois dans le sillage de mouvements sociaux, tels que celui des femmes et celui des gays, et
d’une contre-culture se promettant de changer le monde : "Faites l’amour, pas la guerre." La libération à la fois des corps et des esprits était son leitmotiv.
Comme je le suggère dans mon récent ouvrage "La sexualité spectacle", la logique de la nouvelle révolution sexuelle serait plus expéditive : "Tout
voir, tout montrer, si possible en gros plans et tout de suite."
Sur la vaste scène du web, la sexualité n’est plus un acte politique, mais un divertissement continu. Pour les plus enthousiastes, c’est un sport extrême, qui exige endurance et entraînement. L’idéal de la transparence de soi véhiculé par les réseaux sociaux ajoute
une exigence : qui ne se livre pas corps et âme serait inauthentique.
Un jeu qui peut tourner au cauchemar
L’import-export d’images et de fantasmes de nature intime ou sexuelle est l’une des activités les plus pratiquées sur le web. Survenant après
l’apparition du sida, le phénomène paraît sans risque puisque sans contact physique.
Or, l’autoroute de l’information n’est pas moins dangereuse que l’autoroute automobile. Un jeune pour qui se dévêtir devant sa webcam semble être
une imparable façon de se faire aimer ou désirer se méprend. Le plus confidentiel de soi pouvant en un clic être dévoilé à la planète, où tout le monde ne vous veut pas que du bien, ce qui
était un jeu peut tourner au cauchemar.
Pour dire les choses telles qu’elles sont, les échanges de grivoiseries, de photos ou de vidéos explicites ressemblent souvent davantage à des
séances de masturbation, chacun de son côté, qu’à de véritables rapports intimes. L’internet et ses nouvelles technologies donnent l’impression d’un rapprochement mais maintiennent physiquement
à distance.
Si on donne tout à voir, que reste-t-il à désirer ?
Bien qu’il fût à la source de toute la littérature amoureuse et érotique, le mystère de l’Autre n’a plus la cote. La logique du "tout voir, tout
montrer, tout de suite" fait en sorte que la séduction peut même apparaître comme une perte de temps. Aussi bien aller à l’essentiel ou du moins à ce qu’on croit l’être : l’excitation
sexuelle.
Alors que les échanges coquins de photos ou de vidéos peuvent enrichir une relation établie, ils peuvent saper une relation naissante, en
abandonnant aux orties le jardin secret indispensable à tout nouvel amour (quand c’est l’objectif recherché).
Notre rapport aux autres et à la sexualité, sinon nos scénarios sexuels sont en train d’évoluer. Faire l’amour avec/devant/via des machines ouvre
de nouvelles perspectives. Caresser son ou sa partenaire à distance n’est plus une utopie : des petits appareils placés aux endroits appropriés permettent même de se toucher.
La révolution techno-sexuelle vise non pas tant à libérer les corps qu’à nous libérer des limites de nos corps. Toutefois, aujourd’hui comme hier,
la sexualité est appelée non seulement à titiller nos sens mais à faire du sens. Ce surplus d’intensité, il nous appartient de le cultiver.
Il est dans la nature même du désir de jouer sur l’anticipation, donc sur la virtualité. Or, le plus grand paradoxe du sexe 2.0 c’est qu’il donne
tout à voir ou à consommer et, par conséquent, peu à désirer. Que restera-il demain à cacher, à suggérer ou à montrer pour encore séduire ?
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