Partager l'article ! PROCTOS' 4. L’examen proctologique est source d’angoisse et de gène pour le patient, il nous semble préférable de pratiquer l’examen en décu ...
respect devant les gens qui souffrent et ceux qui savent les soulager
Louis Jouvet Knock de Jules Romainq
La douleur anorectale est un symptôme fréquemment évoqué en consultation ; la douleur anorectale est un symptôme non spécifique qui peut révéler aussi bien une urgence qu’une maladie chronique, une maladie grave qu’une affection bénigne. Au cours d'une l’année modèle, près de la moitié d’un échantillon représentatif de la population française a eu un symptôme anorectal. Il s’agit donc de manifestations fréquentes. La douleur (49 %) représente une des trois principales plaintes, derrière le prurit anal (53 %), la constipation (50 %) et devant les saignements (47 %) [1]. Cela peut expliquer que, chez les malades consultant un médecin généraliste pour un symptôme proctologique, la douleur devienne la première plainte (48 %), devant les saignements (37 %) et la perception d’une tuméfaction anale (26 %) [2]. Au-delà de son importance en termes de fréquence,
[...] l’association de la douleur à un saignement est souvent anxiogène pour le malade mais représente rarement un critère de gravité en soi. Le but de la consultation d’urgence est d’éliminer tout d’abord les maladies nécessitant un diagnostic et un traitement urgent. Les malades chroniques sont à accueillir d'urgence, voire à mettre en observation Ce sont en premier lieu les suppurations. On les suspecte devant l’existence de signes infectieux et de signes pelviens comme une dysurie ou un blocage du transit, si entre-temps apparaissent des signes de gravité tels que :
[...] La démarche diagnostique va préciser les symptômes :
[...]
se préparer à
’un interrogatoire du praticien qui précisera le ou les symptômes d’appel de la sphère proctologique : chronologie, facteurs déclenchants, traitements entrepris, bilans effectués… qui permettront d’orienter vers les diagnostics appropriés . La recherche de facteurs anecdotiques comme un rapport sexuel anal traumatisant ou l’introduction d’objets est rarement faite au début de la consultation. Il faut savoir compléter l’interrogatoire pendant ou en fin d’examen physique, en fonction des indices trouvés.
L’examen physique débute en décubitus dorsal, de manière à vérifier l’absence de douleur ou de masse à la palpation abdominale, d’adénopathie inguinale. L’examen proctologique étant source d’angoisse et de gène pour le patient, il nous semble préférable de pratiquer l’examen en décubitus latéral plutôt qu’en position genu-pectorale (figures 1 et 2). Il est indispensable d’avoir un bon éclairage de la zone à inspecter (lampe frontale ou source de lumière sur pied orientable). Faire pousser le patient permet d’obtenir un début de relâchement sphinctérien et donc une meilleure visibilité de la marge et de la partie basse du canal anal. L’inspection minutieuse de tout le périnée et de la région péri-anale évalue relief, coloration, intégrité cutanée et recherche un éventuel écoulement. L’examen physique périnéal commence par la palpation du périnée et des fosses ischiorectales à travers la peau de la région péri-anale avec la pulpe de l’index, puis se poursuit par le toucher anal, doux et prudent, parfois possible uniquement avec l’auriculaire. Cet examen apporte des renseignements sur la sensibilité, la chaleur, une éventuelle induration ou une voussure évoquant une suppuration sous-jacente. Si la douleur le permet, il est indispensable d’effectuer une anuscopie, et une rectoscopie rigide (éventuellement appareils de taille pédiatrique). Selon le contexte, il est utile de faire des prélèvements histologiques, bactériens ou viraux.[...]. Un malade hyperalgique intouchable sans diagnostic évident de maladie bénigne doit être examiné dans des conditions optimales, c’est-à-dire sous anesthésie générale.
En cas de douleur, l’examen proctologique doit être adapté et l’interrogatoire est d’autant plus utile
Une suppuration est évoquée devant une douleur pulsatile, continue, insomniante, non rythmée par la défécation. Il ne faut pas attendre la fièvre, rarement présente ou les signes de gravité : blocage fécal, dysurie. On cherchera cicatrices, orifices cutanés, écoulement purulent visible au niveau de l’orifice anal ou au niveau périnéal. [...]
Il est conseillé d’opérer les suppurations périnéales en urgence. Le risque de diffusion générale ou d’apparition d’une gangrène gazeuse doit toujours être présent à l’esprit. Le drainage de l’abcès permet le contrôle de l’infection. Les antibiotiques sont le plus souvent inutiles. Ils ne sont prescrits que si les signes généraux sont présents et/ou en cas de terrain fragile (diabète, immunodépression, grand âge…), ou dans l’attente d’une chirurgie de drainage effectuée dans les meilleurs délais. Le spectre des antibiotiques doit alors être assez large pour couvrir les germes anaérobies et gram négatifs. Lors de ce geste chirurgical initial, il est parfois possible de traiter la cause de l’infection (mise à plat d’une cavité pilonidale, mise à plat d’une fistule basse…). Si l’intervention n’est pas possible rapidement, il est conseillé d’inciser la collection palpée. Ce geste permettra de contrôler provisoirement l’infection et de soulager le malade. L’incision d’un abcès est le plus souvent possible en cabinet en cas de masse palpable sous la peau, sous anesthésie locale. Le geste est précédé si besoin par l’injection superficielle de quelques centimètres cube d’anesthésique local, puis l’abcès est incisé au bistouri à lame froide au sommet de la masse palpée, c’est-à-dire à l’endroit le plus dépressible de la zone (figures 5 et 6). Après l’incision, le patient quitte le cabinet avec une ordonnance de soins locaux (nettoyage biquotidien et après les selles puis application d’une crème cicatrisante ou d’une compresse sèche), d’antalgiques, et de laxatifs si besoin. Un rendez-vous rapide est pris auprès d’un spécialiste pour un traitement chirurgical adapté. Il ne faut pas oublier qu’une simple incision d’un abcès de la marge anale n’est jamais un traitement définitif. La récidive est toujours possible et peut être grave chez un patient qui se croit guéri.
La thrombose se manifeste par une douleur continue associée à la perception d’une boule anale sensible, d’apparition souvent rapide. [...]
Le traitement de première ligne est médical, associant antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, topiques locaux, régularisation du transit si nécessaire, et repos. Le but du traitement est uniquement de soulager la douleur. En effet, une thrombose guérit toujours spontanément, et la disparition du caillot peut prendre quelques jours à quelques semaines. Il peut persister à la place de la thrombose une excroissance cutanée indolore (marisque). En cas d’inefficacité du traitement médical sur la douleur, un geste d’évacuation du caillot sera proposé. La thrombose peut être excisée au cabinet de ville en cas de thrombose externe douloureuse isolée avec un caillot visible ou palpable. Ce geste est déconseillé en cas de poly-thrombose ou d’œdème important, en raison respectivement du risque de plaies chirurgicales multiples et d’une récidive précoce. L’intérêt de l’excision réside dans son caractère salvateur très rapide. Le patient est prévenu du fait que l’injection de l’anesthésique sera douloureuse quelques secondes et qu’il faudra qu’il effectue au décours des soins locaux pendant quatre à sept jours environ. L’incision de l’hémorroïde thrombosée s’effectue après désinfection de la zone péri-anale, anesthésie locale à la base puis au sommet de la thrombose, incision médiane au sommet avec bistouri à lame. Il est possible d’exciser le couvercle de la thrombose pour diminuer le risque de récidive précoce. Toutefois, ce geste expose plus au saignement et à la douleur au réveil de l’anesthésie locale (figures 8 et 9). Il est déconseillé d’effectuer un geste de ce type sur une hémorroïde interne en raison du risque de saignement artériolaire difficile à contrôler en consultation. Nous conseillons au décours de simples toilettes locales associées à des antalgiques, et souvent 48 heures d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. L’efficacité des veinotoniques en phase aiguë est controversée [7]. L’évacuation d’une thrombose hémorroïdaire pourrait diminuer le risque de récidive ultérieur par rapport au simple traitement médical conservateur. Toutefois, il faut prévenir le malade qu’une nouvelle thrombose ne sera pas due à un échec du traitement actuel, mais à l’évolution naturelle de sa maladie.
La poly-thrombose œdémateuse est fréquente lors du troisième trimestre de la grossesse ou en postpartum. Il est parfois possible d’inciser un ou plusieurs caillots, mais le plus souvent l’étendue des lésions et l’importance de l’œdème rendent impossible tout geste local. Le traitement sera alors exclusivement médical avec une pharmacopée limitée par les risques périnataux (une corticothérapie orale brève souvent proposée n’a pas démontré son efficacité, l’application de glace dans un linge peut aider à soulager la douleur). Surtout, le traitement de la constipation souvent associée est essentiel [8].
L’excision est envisagée en cas d’échec du traitement médical et en cas de thrombose externe isolée avec un caillot
l’examen du malade est souvent difficile. Elle se caractérise par un rythme en trois temps avec une brÛlure défécatoire intense, parfois suivie d’une courte accalmie de quelques minutes puis d’une recrudescence durant quelques minutes à plusieurs heures. Elle est accompagnée d’une sensation de contracture anale [...] Le plus souvent, l’examen est douloureux et la fissure est difficile à voir du fait de l’hypertonie anale. De même, le toucher anal et l’anuscopie sont rarement effectués. En pratique, les données de l’interrogatoire sont le plus souvent suffisantes pour poser le diagnostic [...] Le traitement médical doit soulager les symptômes et en particulier la douleur (but symptomatique) et obtenir une cicatrisation durable afin d’éviter surinfection et dysplasie à long terme (but curatif). En première intention, le traitement médical associe antalgiques, souvent anti-inflammatoires non stéroïdiens,
La brÛlure est péri-anale, continue intense, plus ou moins prurigineuse. Les douleurs ou les paresthésies peuvent précéder l’apparition des lésions cutanéomuqueuses. Un syndrome grippal, une dysurie, des brÛlures mictionnelles, une constipation aiguë et une adénopathie inguinale douloureuse sont souvent associés.
Une fois le diagnostic posé, on cherchera un rapport sexuel potentiellement contaminant dans la semaine précédente. La primo-infection est secondaire au contact avec un sujet infectant, le plus souvent porteur de lésions actives [...]
Une brÛlure anopérinéale aiguë associée à syndrome pseudo-grippal doit faire évoquer une primo-infection herpétique.
Les causes peuvent être multiples : plaie par balle ou arme blanche, accident domestique ou de la circulation, traumatisme sexuel lors d’un rapport anal (consenti ou non) ou de l’introduction d’un objet… Le pronostic vital peut être engagé devant le risque hémorragique, les complications infectieuses ou la possibilité de perforation associée d’organes. La prise en charge est parfois complexe, multidisciplinaire, dans un contexte de poly-traumatisme. Un bilan lésionnel précis, urogénital, digestif et neurologique peut s’avérer nécessaire en fonction du type et de l’intensité du traumatisme. Il peut être utile de chercher un corps étranger métallique avec un cliché radiologique sans préparation d’abdomen (et éventuellement une tomodensitométrie) et de penser au fragment de tissu entraîné par l’objet perforant (risque d’abcès à distance de la zone de traumatisme initial et différé parfois de plusieurs semaines). En cas de perforation anale, la recherche d’une plaie de la paroi rectale ou d’une fistule rectovaginale impose un examen minutieux, au mieux sous anesthésie générale. Des prélèvements à la recherche d’infections transmises sexuellement et une recherche d’ADN s’imposent en cas de viol. La réparation chirurgicale sera à discuter soit directement dans un premier temps, soit secondairement sous couvert d’une colostomie réalisée en urgence.
En cas de traumatisme anopérinéal, penser à chercher un fragment du vêtement perforé à distance de la plaie
La douleur est un symptôme fréquemment évoqué lors des consultations de proctologie. Le caractère urgent s’explique par la demande de soulagement et l’inquiétude du malade. La consultation initiale doit éliminer les urgences vitales, et celles nécessitant une prise en charge chirurgicale rapide. L’examen d’un malade douloureux est difficile. La bonne connaissance des caractères cliniques des différentes maladies anorectales est indispensable. L’interrogatoire bien mené fait souvent évoquer le diagnostic et l’examen clinique conforte ce dernier, pouvant déboucher sur une attitude thérapeutique immédiate. Malheureusement, les explorations complémentaires sont souvent peu utiles. En cas de douleur trop intense pour permettre un examen clinique pertinent et/ou d’un terrain fragile, hospitaliser et examiner le malade sous anesthésie générale peuvent s’avérer nécessaires. En l’absence de signe de gravité et après avoir éliminé les causes nécessitant une prise en charge urgente, il convient de rassurer le patient, de lui prescrire un traitement symptomatique et de refaire le point en consultation avec quelques jours de recul. En cas de négativité du bilan et selon les caractéristiques de la douleur, une origine fonctionnelle pourra être évoquée et les explications apportées au patient seront primordiales.
Conflits d’intérêts: aucun.
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