Juste avant d’être rattrapée par la violence et le drame, avec unattentat qui a tué 4 personnes et fait une dizaine de blessés le 8 juin, Tel-Aviv, comme tous les ans depuis presque vingt ans, s’est transformée pendant une semaine en oasis LGBT où l’hédonisme le dispute à l’érotisme. Les corps sont beaux, chauds, et fiers. Pendant une semaine, la fête a battu son plein : aprems gay au parc aquatique, soirées queer extraordinaires, ou encore raout XXL au stade de foot Bloomfield. Le tout culminant bien sûr avec la Pride vendredi dernier, où 200 000 personnes (dont 35 000 étrangers) ont défilé dans la rue — un record.
La ville, entièrement parée aux couleurs du rainbow flag, était déjà à bloc depuis la tenue du premier concours de beauté trans quelques jours plus tôt. La lauréate ? Ta’alin Abu Hanna, une danseuse arabe et chrétienne de Nazareth, désormais chargée de représenter son pays lors de l’élection de Miss Trans Star International, qui se tiendra à Barcelone en septembre prochain.
L’occasion de rappeler qu’en Israël, si le mariage pour tous n’est pas légal (il n’y a pas de mariage civil, seule les autorités religieuses ont le pouvoir de marier deux individus), la communauté LGBT peut néanmoins adopter, servir dans l’armée, et avoir recours à la PMA et la GPA. Difficile de faire plus progressiste dans ce coin du monde, où être homo peut vous envoyer en prison 17 ans en Egypte ou encore 10 ans à Gaza.
Comme on dit en chinois : Ni hao Telaweifu
Pourtant, la Pride 2016 ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices. L’année dernière, une ado de 16 ans a été assassinée par un Juif ultra-orthodoxe récidiviste lors de la marche des fiertés de Jérusalem. Un meurtre qui, couplé à l’Intifada des couteaux de l’hiver dernier, a poussé le ministère du tourisme à investir massivement dans la promotion du tourisme gay. L’idée : faire d’Israël une destination LGBT incontournable, au-delà de la “bulle” libérale Tel-Aviv et de la semaine dédiée à la marche des fiertés.
Au total, 11 millions de shekels (2,5 millions d’euros) ont ainsi servi à une solide campagne de communication. La Pride de Tel-Aviv s’est ainsi offert deux ambassadeurs de choix, les acteurs cultes Alan Cumming (The Good Wife) et Lea DeLaria (Orange Is The New Black), enthousiastes à l’idée de “profiter de la beauté des Israëlien(ne)s”. La municipalité en a aussi profité pour retaper l’hymne de la ville, Ya Habibi Tel Aviv, en version chinoise.
76 % des Israéliens favorables au mariage gay
Histoire d’enfoncer le clou d’une campagne bien ficelée, il était même prévu que le ministère affrète un avion aux couleurs de l’arc-en-ciel pour faire venir les journalistes européens sur la Terre promise. Un beau coup de com rapidement dénoncé par les militants LGBT, dont les subventions, elles, culminent à 3 millions de shekels (700 000 euros). Face à la menace de boycott de la Pride par les assos LGBT, le ministère a rétropédalé et annulé le vol.
Militants, touristes, et fêtards se sont rassemblés dans la rue sans heurt pour célébrer la marche des fiertés. Tout juste quelques balcons affichaient des bannière dénonçant le “pinkwashing” (faire la promotion de la cause gay pour occulter le conflit palestinien et les avancées réelles des droits LGBT). Comme le souligne la journaliste Allison Kaplan Sommer dans les pages d’Haaretz, la Knesset, majoritairement à droite, a voté contre cinq lois en faveur des homosexuels en février dernier. Et ce alors même que la société civile affiche un soutien de plus en plus fort aux homos : selon un sondage paru le 1er juin, les Israéliens sont 76 % à être en faveur du mariage pour tous, contre 64 % l’année dernière.
Sur le terrain, les militants ne faiblissent pas. “Nous continuerons de marcher dans l’espoir que le pluralisme, la tolérance et le libéralisme de Tel-Aviv se répande à travers le pays, le Moyen-Orient et le monde”, a ainsi déclaré le maire de Tel-Aviv, Ron Huldai, membre du parti travailliste israélien. Un message d’amour qui a retentit dans la ville blanche jusqu’aux petites heures du jour, au son d’une electro putassière à souhait. A Tel-Aviv, le plaisir de vivre prime avant tout.
Mathilde Carton les Inrocks
moi qui croyais Israël à la traîne :
Le combat LGBT en Israël en six dates
1975 : Création de l’association LGBT Aguda
1988 : Abrogation de la loi interdisant l’homosexualité
1993 : Loi contre la discrimination des LGBT dans l’armée
1998 : La chanteuse trans Dana International remporte l’Eurovision. Première gay pride à Tel-Aviv.
2005 : Les couples de même sexe peuvent désormais adopter
2012 : Tel-Aviv est sacré meilleure ville gay au monde, selon le site GayCities.com
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