Bareback : malaise du discours social [et controverse]
Quand on parle de bareback, on parle de quoi?
Oui, je sais, de sexe non-protégé. Mais est-ce que tout sexe non-protégé est nécessairement du bareback?
Entre revendiquer d'avoir du sexe no-kpote comme vous dites en France ou ne pas mettre de condom pour X raisons sans être conscient des risques que l'on prend, il me semble qu'il y a une différence. Et on pourrait ajouter ici la question du Relapse, autre terme apparu dans les dernières années.
Au Québec, j'ai l'impression que la question du bareback est moins publique qu'en France. Le terme est utilisé, mais nous n'avons pas eu de Rémès ou de Dustan pour porter le discours dans l'espace public. Il y a des gens qui baisent sans condom, c'est clair. Certains profils d'individus sur internet indiquent leur préférence pour ce genre de sexe. Mais ça demeure underground et non un mouvement de revendication affiché, voir discuter. Je crois que les médias font davantage de propagandes en décriant le "phénomène" et en l'expliquant tout croche, diabolisant des gens dont on ignore tout, sans possibilité de réplique.
Quoique, avec Dustan et Rémès, c'est trop facile de leur crier des noms pour tous les autres qui ne se protégent pas, comme s'ils étaient les meneurs d'une gang d'individus faisant de la propagande, comme si anéantir leur parole allait détruire le problème. J'admire leur courage pour avoir réussi à publier.
Il me semble qu'entre les gens qui baisent bareback en toute connaissance de cause, prennant tout de même des précautions telles que la séro-adaptation ou le séro-triage (malgré les faiblesses que ces méthodes peuvent avoir), et les gens qui par manque d'information ne se protègent pas, oublient de se protéger, ne pensent pas à se protéger, il y a une marge. Je ne suis pas sûr que les premiers soient davantage responsables de la transmission du virus que les seconds.
Un ami qui travaille sur le sujet me disait que le bareback est une construction sociale. Derrière l'idéologie, se cache une multitude de réalités qui n'ont rien à voir avec le cadre théorique du mot bareback, objet-concept universitaire semblable en cela à "Harsah" qui n'est qu'un terme épidémiologique limitatif issu de l'incapacité à concevoir le monde par la modélisation binaire de notre société.
Sans faire l'apologie du bareback, je trouve qu'il est dommage qu'au nom des mesures de prévention, l'on empêche les gens de parler de ce qu'ils vivent et du pourquoi ils en sont là.
Le milieu communautaire m'a appris qu'il fallait viser l'empowerment individuel et le respect des dynamiques spécifiques à chaque groupe. Imposer le condom pour tout le monde n'est peut-être pas la solution qui convient à tous. Il faut adapter notre vocabulaire. (ok, je suis pro réduction des méfaits).
Personnellement, je sais que je n'abandonnerai pas le condom de sitôt. J'ai des amis qui vont dans les backrooms montréalaises et qui ne se protègent pas. C'est probablement idiot de ma part, mais j'ai peur de céder à leurs avances par crainte d'une part de ne pouvoir établir mes limites avec eux sur la question du sécurisexe, d'autre part de chopper d'autres itss.
Est-ce une crainte stupide? Ça fait un peu con de parler de ça après avoir passé un billet entier à dire que dans le fond, c'est leur choix et qu'on devrait pas juger. C'est ma façon à moi de réfléchir aux questions des limites et de la prise de risques. Je préfère encore en parler et réfléchir après sur mes propres pratiques que de me cacher derrière des semblants de morale "pour le bien public". (j'ai vraiment de la misère ces temps-ci avec les tenants radicaux de la prévention, faut dire.
Derniers Commentaires