18E SIECLE et avec toutes ces lourdeure st préjugés on va déboucher sur un 19e hyper "curé"
On ose rarement étudier en classe de 1ère ce passage des Confedssions de jj Rousseau , Livre II,
qui permet d’évoquer l’histoire de la perception de l’homosexualité, l’histoire de
l’homophobie, et d’éclairer la personnalité contrariée de Rousseau
*Un arabe lui fait des
avances et se masturbe devant jj Rousseau qui est innocent ou joue l'innocence dans sa biographie :
« Je ne pouvais comprendre ce qu’avait ce malheureux : je le crus
saisi du haut mal, ou de quelque frénésie encore plus terrible, et véritablement je ne sache rien de plus hideux à voir pour quelqu’un de sang-froid que cet obscène et sale
maintien, et ce visage affreux enflammé de la plus brutale concupiscence. Je n’ai jamais vu d’autre homme en pareil état ; mais si nous sommes ainsi dans nos transports
près des femmes, il faut qu’elles aient les yeux bien fascinés pour ne pas nous prendre en horreur.»
|
* arabe : à l'époque on disait "maure"
Authentique : le texte de Rousseau
« Il n’y a point d’âme si vile et de cœur si barbare qui ne soit susceptible de quelque sorte d’attachement. L’un de ces deux bandits qui se
disaient Maures me prit en affection. Il m’accostait volontiers, causait avec moi dans son baragouin franc, me rendait de petits services, me faisait part quelquefois de sa portion à table, et me
donnait surtout de fréquents baisers avec une ardeur qui m’était fort incommode. Quelque effroi que j’eusse naturellement de ce visage de pain d’épice, orné d’une longue balafre, et de ce regard
allumé qui semblait plutôt furieux que tendre, j’endurais ces baisers en me disant en moi-même : le pauvre homme a conçu pour moi une amitié bien vive ; j’aurais tort de le rebuter. Il
passait par degrés à des manières plus libres, et tenait de si singuliers propos, que je croyais quelquefois que la tête lui avait tourné. Un soir, il voulut venir coucher avec moi : je m’y
opposai, disant que mon lit était trop petit. Il me pressa d’aller dans le sien : je le refusai encore ; car ce misérable était si malpropre et puait si fort le tabac mâché, qu’il me
faisait mal au cœur.
Le lendemain, d’assez bon matin, nous étions tous deux seuls dans la salle d’assemblée : il recommença ses caresses, mais avec des mouvements
si violents qu’il en était effrayant. Enfin, il voulut passer par degrés aux privautés les plus malpropres et me forcer, en disposant de ma main, d’en faire autant. Je me dégageai impétueusement
en poussant un cri et faisant un saut en arrière, et, sans marquer ni indignation ni colère, car je n’avais pas la moindre idée de ce dont il s’agissait, j’exprimai ma surprise et mon dégoût avec
tant d’énergie, qu’il me laissa là : mais tandis qu’il achevait de se démener, je vis partir vers la cheminée et tomber à terre je ne sais quoi de gluant et de blanchâtre qui me fit soulever
le cœur. Je m’élançai sur le balcon, plus ému, plus troublé, plus effrayé même que je ne l’avais été de ma vie, et prêt à me trouver mal.
Je ne pouvais comprendre ce qu’avait ce malheureux : je le crus saisi du haut mal, ou de quelque frénésie encore plus terrible, et
véritablement je ne sache rien de plus hideux à voir pour quelqu’un de sang-froid que cet obscène et sale maintien, et ce visage affreux enflammé de la plus brutale concupiscence. Je n’ai jamais
vu d’autre homme en pareil état ; mais si nous sommes ainsi dans nos transports près des femmes, il faut qu’elles aient les yeux bien fascinés pour ne pas nous prendre en horreur.
Je n’eus rien de plus pressé que d’aller conter à tout le monde ce qui venait de m’arriver. Notre vieille intendante me dit de me taire, mais je vis
que cette histoire l’avait fort affectée, et je l’entendais grommeler entre ses dents : Can maledet ! bruta bestia ! Comme je ne comprenais pas pourquoi je devais me
taire, j’allai toujours mon train, malgré la défense, et je bavardai si bien que le lendemain un des administrateurs vint de bon matin m’adresser une assez vive mercuriale, m’accusant de faire
beaucoup de bruit pour peu de mal et de commettre l’honneur d’une maison sainte.
Il prolongea sa censure en m’expliquant beaucoup de choses que j’ignorais, mais qu’il ne croyait pas m’apprendre, persuadé que je m’étais défendu
sachant ce qu’on me voulait, et n’y voulant pas consentir. Il me dit gravement que c’était une œuvre défendue, ainsi que la paillardise, mais dont au reste l’intention n’était pas plus offensante
pour la personne qui en était l’objet, et qu’il n’y avait pas de quoi s’irriter si fort pour avoir été trouvé aimable. Il me dit sans détour que lui-même, dans sa jeunesse, avait eu le même
honneur, et qu’ayant été surpris hors d’état de faire résistance, il n’avait rien trouvé là de si cruel. Il poussa l’impudence jusqu’à se servir des propres termes, et s’imaginant que la cause de
ma résistance était la crainte de la douleur, il m’assura que cette crainte était vaine, et qu’il ne fallait pas s’alarmer de rien.
J’écoutais cet infâme avec un étonnement d’autant plus grand qu’il ne parlait point pour lui-même ; il semblait ne m’instruire que pour mon
bien. Son discours lui paraissait si simple qu’il n’avait pas même cherché le secret du tête-à-tête : et nous avions en tiers un ecclésiastique que tout cela n’effarouchait pas plus que lui.
Cet air naturel m’en imposa tellement, que j’en vins à croire que c’était sans doute un usage admis dans le monde, et dont je n’avais pas eu plus tôt occasion d’être instruit. Cela fit que je
l’écoutai sans colère, mais non sans dégoût. L’image de ce qui m’était arrivé, mais surtout de ce que j’avais vu, restait si fortement empreinte dans ma mémoire, qu’en y pensant, le cœur me
soulevait encore. Sans que j’en susse davantage, l’aversion de la chose s’étendit à l’apologiste, et je ne pus me contraindre assez pour qu’il ne vît pas le mauvais effet de ses leçons. Il me
lança un regard peu caressant, et dès lors il n’épargna rien pour me rendre le séjour de l’hospice désagréable. Il y parvint si bien que, n’apercevant pour en sortir qu’une seule voie, je
m’empressai de la prendre, autant que jusque-là je m’étais efforcé de l’éloigner.
Cette aventure me mit pour l’avenir à couvert des entreprises des Chevaliers de la manchette, et la vue des gens qui passaient pour en être, me
rappelant l’air et les gestes de mon effroyable Maure, m’a toujours inspiré tant d’horreur, que j’avais peine à la cacher. Au contraire, les femmes gagnèrent beaucoup dans mon esprit à cette
comparaison : il me semblait que je leur devais en tendresse de sentiments, en hommage de ma personne, la réparation des offenses de mon sexe, et la plus laide guenon devenait à mes yeux un
objet adorable, par le souvenir de ce faux Africain.
Pour lui, je ne sais ce qu’on put lui dire ; il ne me parut pas que, excepté la dame Lorenza, personne le vît de plus mauvais œil
qu’auparavant. Cependant il ne m’accosta ni ne me parla plus. Huit jours après, il fut baptisé en grande cérémonie, et habillé de blanc de la tête aux pieds, pour représenter la candeur de son
âme régénérée. Le lendemain il sortit de l’hospice et je ne l’ai jamais revu. »
http://www.altersexualite.com/spip.php?article38
Derniers Commentaires