Le blog gay de Cavaillon et ses amis prostitués
Jean est grand, brun. Il a les yeux bleu-vert, la quarantaine séduisante.Ci-dessous en famille, rien ne trahit son homosexualité.
Puisque moi-même je vais avec des hommes, je ne me sens pas le droit d’être jaloux. Pourtant, je le suis et ne peux pas m’en cacher.
a été publié le 1 novembre 2015 ...et depuis.... ça continue ?
Jean est grand, brun. Il a les yeux bleu-vert, la quarantaine séduisante. Rien ne trahit son homosexualité. Mais, même si sa femme est au courant et accepte la situation, cela n’empêche pas Jean de redouter, un jour, de perdre sa famille…
« J’ai toujours cru que j’étais malade. Cette attirance pour des copains, alors que les filles me laissaient de marbre, j’ai tenté de la combattre. Je ne m’acceptais pas ainsi. J’avais 15 ans quand, sur le chemin du lycée, un homme d’âge mur m’a fait des avances. Comme s’il avait senti que le terrain était favorable. Plus tard, ça s’est reproduit. J’avais 18 ans, j’étais en fac à Clermont-Ferrand. C’était un type qui fréquentait le même café que nous, les étudiants. J’en ai parlé à mes copains. Ils ne me croyaient pas. Alors, on a monté un plan. L’un de mes amis s’est caché à l’arrière de ma voiture, et j’ai proposé au type de m’accompagner à un match de foot. Quand il s’est montré entreprenant, je l’ai débarqué sur le bord de la route, en riant avec les autres de ce bon tour. Mais, intérieurement, le trouble que cet homme avait semé en moi le disputait à la honte d’avoir ridiculisé mon double. Pourtant, j’ai fait l’amour avec des filles. La première n’avait que 15 ans, j’en avais 16. Au lycée, elle m’offrait trois Nuts par jour. Puis elle a été plus directe. Ça s’est passé sur une couverture, dans le garage de mes parents. Sans plaisir. Je n’ai pas été très gentil.
« Lorsque je promenais notre chien dans le parc près de chez nous, des hommes me draguaient. »
J’ai fait d’autres tentatives. Aussi peu convaincantes. Jusqu’à ce que je rencontre claire. L’amour fou, tout de suite. Elle était belle et, à 19 ans, elle n’avait jamais connu de garçon. Je ne sais toujours pas exactement comment j’en suis tombé amoureux à ce point. Vingt ans plus tard, je le suis encore plus. L’envie de me marier et d’avoir un enfant avec cette jeune femme douce est venue très vite. Nous avons commencé par l’enfant, sinon ma mère ne m’aurait jamais autorisé à quitter la maison. Elle avait beaucoup d’emprise sur moi et je n’étais pas majeur. Mon père vivait à l’étranger depuis leur divorce. Quand j’ai annoncé à ma mère que Claire attendait un bébé, elle a blémi : “Tu es stérile, Jean. L’enfant ne peut pas être de toi.“ Je la savais capable de tout pour me garder auprès d’elle. Mais un tel mensonge ! Je me suis rebellé ; le mariage s’est fait. Marc, notre premier fils, est né. Périodes de vaches maigres : nous étions étudiants et devions trouver des petits boulots. Malgré les difficultés matérielles, l’entente avec Claire était parfaite. Je n’aurais avoué pour rien au monde que, parfois, d’autres désirs, fulgurants, me traversaient. L’accalmie a duré quatre ans. Nous en avions assez de manger des sandwiches, il nous fallait travailler. Je me suis installé à domicile pour réaliser des travaux d’informatique. Claire a trouvé une place d’assistante dentaire. Lorsque je promenais notre chien dans le parc près de chez nous, des hommes me draguaient. Je me blindais : “Pas moi ! Je ne veux pas de ça.“ Mais, de jour en jour, il m’était plus difficile de refuser. Un matin, j’ai cédé. Comme dans un état second. Le plaisir, intense, et l’horreur tout de suite après. Je me suis précipité vers le cabinet où travaillait claire. Il fallait que je lui raconte tout. Elle a seulement dit : “Je m’y attendais.“ Je l’ai souvent questionnée par la suite. Comment avait-elle pu deviner ? Elle ne sait pas. Peut-être parce qu’on est si proches, parce qu’on s’aime tellement.
“Ce n’est pas une tragédie“, assurait Claire. Et moi, je pleurais, je me détestais. Il fallait me soigner d’urgence. Le médecin, consulté le jour même, n’a rien compris : “Mais non, vous n’êtes pas homosexuel. C’est une pulsion… Ça ne se reproduira pas.“ Ça s’est reproduit. Toujours l’attraction irrésistible, et toujours le dégoût ensuite. Malgré l’amour et l’attention de Claire, je suis allé de dépression en dépression. Jusqu’à une tentative de suicide, qui m’a conduit à l’hôpital. Là, un psy a enfin cherché à comprendre et à m’aider. Quatre ans d’analyse avant de me sentir un peu mieux dans ma peau. Mais ce qui m’a transformé, c’est d’avoir pu, un jour, parler à ma mère de mon homosexualité. Plusieurs fois, j’avais essayé d’aborder le sujet. Elle détournait la conversation. C’était à chaque fois comme si elle me rejetait. J’avais pu me confier à ma belle-mère. Pas à elle. Elle l’a su et en a conçu de la jalousie. C’est elle qui, un dimanche, est venu vers moi : “Tu peux tout me dire. Je suis prête.“ Ce fut une délivrance. Puisque ma mère me reconnaissait tel que j’étais, je pouvais me regarder en face. Rasséréné. Presque heureux.
Pour démarrer une nouvelle vie, nous avons déménagé à Lyon. La grande ville, des gens plus ouverts. Nous nous sommes fait de nouveaux amis, avec qui il était plus facile de parler de “ces choses-là“. J’ai noué des relations homosexuelles plus ou moins suivies. Claire l’acceptait. Parallèlement, j’éprouvais le besoin de consolider ma famille. Frédéric et Agnès, nos deux autres enfants, ont été conçus à un an d’intervalle. L’aîné, Marc, allait sur ses 11 ans. Il y a eu encore des hauts et des bas. Il y en a toujours. Parfois, mon désir pour Claire s’estompe. Nous en sommes malheureux tous les deux. Dernièrement, peut-être pour me faire réagir, elle s’est mise à sortir de son côté. Je sais qu’elle plaît et qu’elle peut rencontrer des hommes bien mieux que moi.
Je ne me sens pas le droit d’être jaloux. Pourtant, je le suis et ne peux pas m’en cacher. C’est encore une preuve de mon amour pour elle, mais je redoute que claire se sente bafouée, frustrée, et qu’elle ne me quitte. Moi, je suis sûr de ce que je veux : j’aime ma femme, j’aime ma vie avec elle. J’adore m’occuper de mes enfants. Je suis bien dans mes rôles de mari et père. J’ai besoin d’avoir des relations homosexuelles, mais ma famille est plus précieuse que tout. Je ne pourrais pas tomber amoureux d’un homme au point de vouloir vivre avec lui. Les couples homosexuels me paraissent sans intérêt. En ce moment, j’ai deux amis. Le premier m’a présenté à l’autre. Je les vois à peu près une fois par semaine. Ils téléphonent chez moi, sans que Claire s’en offusque. Je sais que j’ai de la chance de bénéficier, de sa part, d’une telle compréhension. Cela ajoute, sans doute, à mon amour pour elle. Il m’arrive de l’appeler à son travail. Si elle n’est pas disponible, je laisse un message à la secrétaire : “Dites-lui que je l’aime, qu’elle me manque et que j’ai hâte d’être à ce soir pour la retrouver !“
Le silence installe d'inutiles malentendus
Récemment, nous avons parlé à notre fils aîné. Il a presque 20 ans. “Ça ne me choque pas. Si vous êtes heureux comme ça, maman et toi…“, a-t-il simplement conclu. Je ne voulais pas que d’autres lui assènent la vérité d’une manière brutale. Je sais aussi, pour l’avoir vécu avec ma mère, que le silence installe d’inutiles malentendus. Au bout de tant d’années de refoulements, de souffrances, je m’assume enfin. Avec juste cette inquiétude latente : pourvu que claire ne se lasse jamais de moi. »
Propos recueillis par Patricia Gandin.
L’avis de Sylvain Mimoun, andrologue, gynécologue et psychosomaticien.« Jean a des relations homosexuelles, mais le désir continu, c’est avec sa femme qu’il le partage. »
« D’abord, précisons que l’attitude des parents n’est pour rien dans l’homosexualité, même si la mère est castratrice et le père absent. Ensuite, sachons qu’il est banal pour un adolescent – ou une adolescente- d’éprouver une attirance pour une personne du même sexe. La découverte de soi peut comporter cette phase, sans forcément impliquer un passage à l’acte et des tendances homosexuelles. Il ne faut pas s’en inquiéter ni culpabiliser. Jean, lui, se vit comme homosexuel. Cependant, le couple qu’il forme avec Claire a toutes les chances de durer, ca chacun trouve des bénéfices dans cette situation. Jean a des relations homosexuelles, mais le désir continu, c’est avec sa femme qu’il le partage. Il n’a pas envie de former un couple avec un homme. Il veut et il sait cultiver son amour pour Claire. Même lorsqu’il souffrait de ne pas l’accepter, il était mis en confiance par la compréhension de sa femme, qui ne lui a jamais fait défaut. Elle l’aime sans juger. Il est rassuré et peut donc la désirer. De son côté, Claire se sent aimée. Elle n’a pas de rivales. Les aventures de Jean se situent sur une autre planète. Elles n’entrent pas en compétition avec elle. S’il était bisexuel ou s’il restait seulement pour les enfants, ce serait probablement invivable. Ce n’est pas le cas. Peut-être, aussi, le désir entre eux est-il renforcé par l’homosexualité de Jean. Beaucoup d’hommes et de femmes – pourquoi pas Claire ?- nourrissent le fantasme d’assister ou de participer à des scènes homosexuelles. Quant à Jean, l’acceptation par sa femme d’un comportement habituellement interdit peut ajouter à son attirance pour elle. De nombreux couples dits “normaux“ ne sont pas toujours aussi vigilants pour entretenir le désir et l’harmonie ! Quant aux enfants, faut-il leur dire la vérité ? Et à quel âge ? Il n’y a pas de règles. Toutes les informations concernant la sexualité doivent être données quand les enfants posent des questions. L’homosexualité d’un des parents n’est pas un sujet facile à aborder. Peut-être serait-il judicieux de provoquer une discussion sur ce thème à l’occasion d’un film regardé ensemble, par exemple. Mais pas question d’aborder les détails “techniques“. Il faut éviter aussi de l’annoncer au moment de l’adolescence, quand l’enfant est déjà perturbé par son propre corps. En tout cas, Jean a raison de ne pas vouloir que cela ne soit pas révélé par d’autres personnes que lui. »
Écrit par... La Rédaction de Elle