Le blog gay de Cavaillon et ses amis prostitués

 Julien et cédric se prostituent. Et alors ?    

 

Au motif de protéger les femmes prostituées victimes, une loi englobe désormais toutes les formes de prostitution dans une pénalisation de certains rapports sexuels pas exempte d'un moralisme de mauvais aloi.  

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Je me prostitue pour payer mes études et je ne trouve pas ça malsain, sinon, bon comédien d’un point de vue technique, j’ai l’érection facile... -lol-   De l’argent sur une table - Je suis en couple depuis un an avec Cédric. Il galère un peu financièrement, s’est endetté pour devenir propriétaire, et moi je commence à anticiper la fin de mon prêt..        De l'argent sur une table
De l’argent sur une table                  

Récit : Automne 2012. Je suis en couple depuis un an avec Cédric. Il galère un peu financièrement, s’est endetté pour devenir propriétaire, et moi je commence à anticiper la fin de mon prêt étudiant.

Making of

Julien (prénom d'emprunt) a 25 ans, il est étudiant et pratique la prostitution avec son compagnon depuis un an. Au fil des échanges, il nous raconte un petit boulot comme un autre, plus lucratif, qu'il présente comme plutôt agréable.

                                                                                  

 

                "J’ai mis un peu de côté mais je sais que ce ne sera pas suffisant pour couvrir les frais de ma dernière année d’études. 15 000 euros sur trois ans, donc 5 000 euros par an, soit un peu plus de 400 euros par mois. A ce budget mensuel s’ajoutent un peu d’APL et l’aide de mes parents.

A partir de ma troisième année de licence, je dois tirer un trait sur un job étudiant, permanent ou saisonnier.

J’intègre une formation très intense à l’emploi du temps instable, travailler à côté devient impossible. Avec mon copain, on parle de se prostituer en plaisantant.

Tout jeune gay ayant fréquenté de près ou de loin les sites de rencontres a forcément déjà reçu des propositions louches de mecs prêts à les payer.

Avec Cédric, on sait qu’il y a de la demande. On connaît par ailleurs quelques gays qui ont déjà tenté l’escort et ils n’ont pas l’air traumatisés.

Très rapidement, les demandes affluent

Pendant des semaines avec Cédric, on étudie plus ou moins le truc : baiser pas avec le client mais baiser devant lui. Un plan voyeur.

Sur le papier, ça n’est pas foncièrement déplaisant, l’idée éveille en nous un petit fantasme de se faire mater dans nos ébats. Alors si en plus, on est payés pour ça, c’est le jackpot. On se dit que ça ne prendra pas, que personne ne va payer pour regarder deux mecs faire l’amour, mais très rapidement, les demandes affluent. Il faut croire que l’offre est exotique.

Le client-type ressemble à monsieur Tout-le-monde. Entre 40 et 60 ans, marié, une famille et une bonne situation financière. Il n’assume pas (ou peu) son attirance pour les hommes et cherche à assouvir ses fantasmes sans trop se mouiller. Il réclame bien évidemment une discrétion absolue. Certains demandent davantage qu’un plan voyeur – avoir des relations sexuelles avec moi et Cédric. Parfois on autorise, parfois non. On prend toutefois rapidement conscience qu’il est préférable de garder certaines pratiques pour nous, pour notre couple.

Faux noms, fausses études... La seule chose qui n’est pas factice, c’est la tendresse entre moi et mon copain, ainsi que le respect que nous avons pour le client. Un respect réciproque, par ailleurs. On lui sourit, on lui parle, on prend le temps de lui montrer que nous ne sommes pas des bouts de viande.

Homo et hétérosexualité si proches

Je suis sidéré de la proportion d’hommes mariés. Certains se confient et nous parlent de leur femme, de leurs enfants. A les entendre, je m’estime chanceux de vivre à une époque où je peux vivre ma vie et assumer ma sexualité.

Depuis que j’ai commencé l’escort, je découvre que les frontières entre hétérosexualité et homosexualité sont beaucoup plus fines que je ne le pensais. Certains client ont découvert leur attirance pour les hommes assez tard, d’autres l’ont toujours ressentie et camouflée sous un mariage de convenance. Je trouve ça triste, à la fois pour eux, mais aussi pour leur famille.

Pendant une heure, ils sont immergés dans l’intimité d’un couple authentique et se sentent considérés. C’est visiblement une chose rare et précieuse. Nous n’avons jamais eu de problèmes. Nous sommes deux, on peut se défendre si besoin, les clients le savent. Et puis les excités, on les repère de loin sur les réseaux. C’est peut être ce qui prend le plus de temps  : filtrer les e-mails et cibler les clients potentiels.

De la dérision, de l’humour, du respect

Je suis parfois en internat de médecine, parfois étudiant en architecture. C’est un jeu, un déguisement, du théâtre d’improvisation. Ce n’est pas mon corps qu’ils touchent, ce ne sont pas mes lèvres qu’ils embrassent. Dès que je sors de chez eux, j’oublie leur tête et je redeviens moi avec une incroyable facilité. J’enlève le costume et je retrouve mon couple, mes amis, mes ambitions, ma petite vie bien rangée.

J’ai bien conscience que tout le monde n’est pas comme moi ou mon copain. Pour bien vivre sa double vie d’escort, il faut de la dérision, de l’humour, un certain talent d’acteur et du recul, beaucoup de recul. Je le vis un peu comme une expérience sociologique. Le client est peut-être riche et puissant, respecté dans sa vie familiale et professionnelle. Il pourrait être mon patron, le père d’un copain.

C’est peut-être le gros con de service avec ses proches, qui crache sur les immigrés ou le « mariage pour tous ». N’empêche qu’il est là, devant moi, nu comme un ver, et qu’il demande de l’affection.

Au début, on claque un peu à tout-va

Une heure par-ci, par là en soirée, une ou deux fois par semaine au maximum, les horaires sont tout à fait compatibles avec nos emplois du temps. Le rapport investissement/bénéfices est très avantageux, je paye mon loyer en quelques séances.

Au début, on claque un peu à tout-va. Restaurants, petites vacances, bouquins : je découvre le luxe de ne plus visualiser mentalement mon compte en banque à chaque achat. Parfois, j’achète même de la bouffe de marque, comme ça, pour essayer. Après quelques semaines, l’euphorie passe et on commence à se dire qu’on ne se prostitue pas pour vivre comme des bourgeois.

Aujourd’hui, un an plus tard, alors que je n’ai plus l’apport de mon prêt étudiant et officiellement aucune rentrée d’argent (mis à part la petite aide de mes parents), mon compte en banque affiche environ 4 000 euros. C’est simple, depuis que j’ai commencé l’escort, je ne me sers quasiment plus de ma carte bleue. Dans quelques mois, je débarque dans la vie professionnelle, je veux avoir un peu de côté, au cas où.

Une activité qui ne m’affecte en rien

Quand mes parents me demandent si j’ai besoin d’argent, je dis que tout va bien, que je gère mon budget. Ils n’y voient pas d’incohérence. Quand je sors en soirée avec mes amis, je fais attention à ne pas laisser trop de billets dans mon portefeuille.

Il n’y a que quelques proches qui savent, et ils trouvent ça malsain. A leur place, moi aussi je trouverais ça bizarre, j’ai dû attendre d’essayer pour découvrir (à ma grande surprise) que ça ne me dérangeait pas. Mieux, que ça ne m’affectait en rien.

Dans mon entourage, je connais trois mecs qui ont déjà fait de l’escort. Sur les trois, deux ont commencé par nécessité alors qu’ils avaient à peine 18 ans, après s’être fait virer de chez leurs parents. Si l’escort n’est pas réellement un sujet tabou, les raisons qui poussent à s’y mettre le sont, surtout quand elles sont de cet ordre. Beaucoup de jeunes gays se font mettre à la porte après leur coming out, c’est une réalité. Certaines associations comme Le Refuge prennent en charge ces jeunes, mais cela ne suffit pas.

Le risque : ne plus avoir de sexualité à nous

Avec mon mec, on s’est mis d’accord dès le début : dès que l’un d’entre nous se sent mal à l’aise, on arrête. A faire cela trop souvent, le risque est de ne plus avoir de sexualité entre nous.

On a donc fait des pauses, parfois courtes, parfois longues, pour retrouver notre intimité. En ce moment par exemple, il travaille beaucoup et moi aussi. Nous préférons passer nos quelques soirées de libres ensemble plutôt que d’aller courir à droite à gauche et se forcer à coucher ensemble.

De fait, mon « revenu » mensuel est difficile à calculer. A 200 euros le plan (divisé ensuite entre moi et Cédric), nous gagnons chacun au minimum 400 euros par mois. Cet été, nous sommes parfois allés jusqu’à trois plans par semaine, mais nous ne tenons jamais longtemps un rythme aussi soutenu.

La prostitution n’est pas réellement un sujet tabou chez les gays. Il ne faut pas généraliser, mais je trouve que le sujet est abordé plus facilement que dans les milieux hétéros.

Plusieurs sites de rencontres affichent distinctement une catégorie « escort ». En un clic, on passe de l’un à l’autre. Pour beaucoup de gays, les sites de rencontres sont un moyen de rencontrer de potentiels partenaires sexuels. Entre baiser avec un mec mignon et baiser avec un mec moins mignon mais qui te propose de l’argent, le choix peut être vite vu.

Je suis fourmi car l’« hiver vient »

Ce n’est évidemment pas le mode de vie auquel j’aspire. Dans l’idéal, je trouverai un boulot dans ma branche une fois mon diplôme en poche et je n’aurai plus besoin de tout ça. Une personne extérieure pourrait penser qu’à 25 ans, toujours étudiant, je suis une cigale qui profite oisivement de ses dernières jeunes années. En réalité, je suis une fourmi, et j’accumule les vivres pour tenir jusqu’à la fin de l’hiver. Et comme le disent les Stark dans « Game of Thrones », "L'Hiver Vient"

Sinon, plutôt bon comédien d’un point de vue technique, j’ai l’érection facile. "

 

  Marcel030NL/Flickr/CC Automne 2012

 

. NDLR  cavaillon  on est loin d'avoir épuisé ce soir les thèmes abordés par ce texte voir illustrations ci-desssous   

Sam 16 jui 2016 Aucun commentaire