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retour au lac

et retour à Yagg

L’inconnu du lac est un film unique dans sa représentation des rapports sexuels entre hommes. Les scènes de baise, crues, et très belles sont le moteur de l’intrigue et de la montée du suspense. La capote, ou plutôt l’absence de capote, compte parmi les enjeux de l’histoire.

Les quelques scènes qui parlent de capotes ne font pas de L’inconnu du lac un film sur la prévention ou le manque de prévention chez les gays. Pour autant, un tel film va induire des représentations d’autant plus remarquables qu’elles sont rares, voire exceptionnelles, dans le cinéma français. C’est pour cela que j’ai voulu les analyser. Ces représentations posent problème et méritent débat. Guiraudie se réjouit que son film puisse le lancer.1

L'Inconnu du lac

Ce qui m’a amené à faire cette analyse, c’est la lecture d’une interview du réalisateur dans les Cahiers du cinéma. J’ai ensuite lu d’autres entretiens du réalisateur, et je distingue bien le discours que porte le film de son analyse par son réalisateur.

Il n’est pas question de juger le film de Guiraudie à l’aune des exigences qu’on peut avoir vis-à-vis d’un spot de prévention, mais bien de démêler les liens entre L’inconnu du lac et les débats sur la prévention chez les gays de ces 15 dernières années, comment il s’en nourrit, comment il y participe. De même, s’il ne s’agit pas d’exiger du réalisateur un discours militant sur la prévention, il est essentiel d’analyser ce qu’il dit de cet aspect de son film, et de lui demander des explications sur ce qui pose problème. Dans cette première partie, c’est ce discours que je décortiquerai. Je reviendrai sur le film proprement dit dans le second billet.

Une métaphore du bareback ?

Dans les Cahiers du cinéma de juin 2013, le critique Jean-Sébastien Chauvin évoque en ces termes une lecture possible du film : « Il n’est pas interdit non plus de penser le film au regard du sida, à l’aune aussi des pratiques bareback et du frisson qu’elles font planer sur la sexualité et le désir. Guiraudie probablement ne l’ignore pas »2. S’« il n’est pas interdit » de penser le film ainsi, on aurait bien aimé que le critique développe et indique comment, lui, lit L’inconnu du lac « à l’aune des pratiques bareback », pratiques qu’il ne définit pas, mais qu’il associe au « frisson » lié au risque. Or le journaliste ne poursuit pas son analyse, et rappelle immédiatement après à quel point le film chercherait à s’abstraire de l’actualité : « Mais L’inconnu du lac s’élève au dessus de toute caractérisation de l’époque pour atteindre la dimension du mythe. »

Si Jean-Sébastien Chauvin ne développe pas cette analyse, c’est peut-être parce qu’il la reprend dans son entretien avec Guiraudie3 et qu’il estime que la réponse du réalisateur est suffisante. Sa question est la suivante : « Toutes ces scènes sont à la fois lumineuses, érotiques, et en même temps porteuses de danger, avec ce côté mante religieuse. Certains pourraient y voir aussi une métaphore du bareback… ». Le bareback n’y est pas plus défini, mais est associé, comme dans la critique, au danger et à la plus-value que le risque pourrait apporter au désir et au plaisir. Or, il s’agit là d’une composante mineure des discours bareback, par rapport à la revendication d’une sexualité soi-disant plus « naturelle » ou d’un plaisir plus intense qui serait liée à la baise sans capote. Bien au contraire, le risque est souvent relativisé ou nié – les barebackers se présentent souvent comme des personnes qui ont connaissance de leur statut sérologique et n’entendent baiser qu’avec leurs pairs, balayant, pour ceux qui se savent séropos, le risque d’une surcontamination à une forme mutée du VIH, ou d’une co-contamination à une autre IST, ou , pour les autres confiants dans les vertus du sérotriage pour les protéger d’une contamination.

La discussion sur les représentations de la prévention dans le film est donc lancée par une question floue, le bareback n’a pas été défini précisément et sa présentation biaisée.

La réponse du réalisateur, que je cite intégralement en note4, évacue l’objet principal de la question, la métaphore du bareback. Guiraudie ne reprend pas du tout l’idée de métaphore. On comprend mal en effet, au vu de sa filmographie, et de L’inconnu du lac en particulier, pourquoi le metteur en scène aurait besoin de « métaphore » pour évoquer un discours sur des pratiques sexuelles, fût-il bareback.

Le terme même de bareback lui apparaît trop fort pour caractériser les scènes concernées et le cinéaste invoque deux raisons : parce qu’on ne l’emploierait pas de façon spontanée, « dans le feu de l’action » ; et parce que son film n’est pas militant. Guiraudie rappelle ainsi que le bareback n’englobe pas toutes les pratiques sexuelles non protégées, et qu’il est un discours prosélyte de valorisation de la baise sans capote.

A ce titre, le cinéaste se défend d’être « pro-bareback », justifie les discours d’incitation à la capote au nom de la santé publique et de la lutte contre le sida, prend acte cependant de la réalité du bareback et des relations non protégées, et revendique le droit, légitime, de les représenter dans ses films. Concernant L’inconnu du lac, il a ressenti la nécessité de faire parler les personnages de prévention, contrairement à ses films précédents. Il est à noter que le discours que peut tenir Guiraudie ailleurs est légèrement différent, les différences tenant certainement au fait que la question de départ ne parle pas de bareback5.

Prévention et transgression

Mais, si on s’en tient à sa réponse dans les Cahiers du Cinéma, plusieurs éléments viennent brouiller le discours de Guiraudie. Après s’être défendu d’être « pro-bareback » et avoir pris acte de la réalité de ce discours, il indique : « Je ne suis pas moi-même un ayatollah de la capote ». Or, cette expression est celle qui a été utilisée par des barebackers, notamment Dustan ou Rémès, pour dénigrer le discours d’Act Up-Paris. Il est paradoxal de s’approprier ainsi un terme forgé pour invalider celles et ceux qui font valoir des enjeux de santé, alors même que Guiraudie affirme en comprendre la nécessité. Le terme semble d’autant plus virulent, et incompréhensible, qu’il est déséquilibré par rapport à « pro-bareback », que le cinéaste utilise dans la même réponse et qui reste, lui, neutre : Guiraudie aurait pu parler d’ « ayatollah de la propagation de l’épidémie », par exemple. Ce déséquilibre est assez surprenant.

L’ayatollah représenterait l’imprécation, le refus du dialogue, la menace, et surtout le pouvoir de la mettre à exécution via la répression – il resterait à expliquer pourquoi les barebackers en France, suivis ensuite par celles et ceux qui ont voulu invalider le discours d’Act Up, ont ressenti le besoin de recourir à l’Islam pour y trouver une figure de l’intolérance. Et il faudrait aussi que Guiraudie explique pourquoi ce type de métaphore ne lui pose aucun problème.

À l’ayatollah s’oppose dans la réponse du réalisateur la notion de « transgression », composante de la grande tradition romantique qui s’incarnerait dans le personnage de Franck et à laquelle Garaudie reste attaché, même s’il affirme que le sida lui a mis un sacré coup.

Le metteur en scène esquisse donc une série d’opposition entre le discours de prévention et la baise sans capote : règles de santé (dont la défense confinerait à l’intolérance) versus la transgression de ces régles, hygiénisme contre romantisme, santé publique contre amour et désir. Or, que Guiraudie en soit conscient ou non, et quelles que soient les précautions qu’il prend pour la présenter, cette série d’oppositions est au cœur des discours bareback.

Surtout, ces oppositions binaires sont plus que contestables. Il est bien sûr possible de poser la capote comme transgression d’une contrainte, et à ce titre expression d’une forme de liberté. Mais il est aussi possible, souhaitable et nécessaire de poser les faits suivants :

  1. 1/ Les barebackers se sont présentés à peu de frais comme des transgressifs. Dustan ou Rémès n’ont commencé leur petite provocation qu’à la fin des années 1990, quand les trithérapies étaient disponibles en France. En matière de transgression, chanter les louanges de la baise sans capote quelques années plus tôt, alors que le sida décimait les gays, qu’il n’y avait aucune campagne massive de prévention ciblée vers les homos, tout cela aurait eu un peu plus de gueule. Mais, pour se forger une petite réputation de provocateurs et dénoncer les vilains ‘ayatollahs de la prévention’, les barebackers ont attendu que l’activisme d’Act Up-Paris, et de bien d’autres associations, porte ses fruits, et permette de sauver des vies, de changer le visage de l’épidémie, au moins dans les pays riches et d’obtenir, enfin, quelques campagnes télévisées mettant en scène des pédés. Et puis, passer régulièrement chez le monarchiste Ardisson, roi des soirées du service public du week-end à cette époque, se faire éditer par le même éditeur d’extrême-droite que Soral, disposer de chroniques dans des gratuits homos massivement diffusés : tout cela relève tellement de la transgression !

  2. 2/ Depuis que la transmission dite « volontaire » du VIH s’est judiciarisée, au début des années 2000 en France, et donne lieu à des procès suivis de condamnations à des peines de prison, il n’y a eu que certaines associations, Act Up-Paris et Aides en France, pour soutenir le principe que la justice, et les peines qu’elle allait prononcer, étaient une mauvaise idée pour résoudre ces situations. Après avoir capitalisé sur les fantasmes du séropo meurtrier, les barebackers n’ont jamais assumé les conséquences de leur discours sur les représentations de l’épidémie dans la société. Pour le dire autrement, ce sont les « ayatollahs de la capote », et non les barebackers, qui ont réellement travaillé contre la répression judiciaire exercée contre celles et ceux qui avaient baisé sans capotes.

  3. 3/ Le bareback est devenu dominant dans la production du porno : faire passer le sexe sans capote pour de la transgression s’apparente à une véritable blague quand on sait à quel point il rapporte dans cette branche économique, et qu’il est un argument de vente. Et il n’y a pas besoin de mener une thèse en sociologie pour montrer que les pratiques professionnelles du porno bareback sont bien loin d’un idéal de liberté, et ont tout à voir avec le pire des pratiques patronales en matière de contrôle social. Si « transgression » il y a, c’est avant tout celle du droit du travail : test de dépistage obligatoire, coup de pied au cul vers la sortie s’il est positif, sans aucune garantie de couverture médicale pour les soins, etc. Dans la mesure où Guiraudie a tenu à ce que son film présente des scènes porno, cette mise au point semble nécessaire.

Bref, poser la baise sans capote comme transgressif ne va pas de soi. Et pour reprendre l’autre versant des oppositions esquissées par Guiraudie, il ne va pas de soi non plus de mettre la défense de la prévention dans le camp de l’intolérance et du pouvoir répressif :

  1. 4/ A l’échelle mondiale, où les financements des Etats-Unis via le Fonds mondial ou le programme bilatéral US PEPFAR pour la lutte contre le sida sont prépondérants, les lobby religieux – précisons au passage que l’Islam des « ayatollahs » n’y joue aucun rôle, alors que les pasteurs, curés et pape, si – ont imposé que l’abstinence et la fidélité soient avant tout promus, le préservatif ne devant arriver qu’en troisième position des actions financées : ce sont les programmes A, B, C (Abstinence, Being faithful, Condoms). Dans de nombreux pays, faire de la simple distribution de capotes est un acte de désobéissance civile.

  2. 5/ En France, il suffit d’observer, encore aujourd’hui, les résistances à l’installation de distributeurs de préservatifs dans bon nombre de lycées – et ne parlons même pas des collèges – pour remettre en cause l’idée que le discours de prévention serait un discours qui a le vent en poupe, et les acteurs/actrices de prévention des dicateur/rices potentiel-les.

  3. 6/ Toujours en France, Guiraudie sait-il qu’il suffit aux forces de l’ordre de trouver plusieurs préservatifs dans un sac à main pour arrêter une personne pour « racolage passif » ? De quel côté se trouve la répression et l’ordre moral ici ? Du côté de la prévention et des supposés « ayatollahs » ? On peut aisément imaginer les conséquences, depuis plus de dix ans que la loi qui permet ce type de pratiques policières existe, en matière de répression, mais aussi et surtout en matière de prévention entre les travailleur-ses du sexe et leurs client-es.

  4. 7/ Et pour limiter les exemples pourtant très nombreux, et n’en citer qu’un dernier, plus proche du cadre de L’inconnu du lac, que l’on songe aux difficultés à faire accepter par les pouvoirs publics, y compris les administrations censées défendre les impératifs de santé publique, les actions de prévention dans les lieux de drague extérieurs hier comme aujourd'hui.

Tradition de l’amour, tradition de la capote

On pourrait rétorquer que Guiraudie ne parle pas ici de transgression au sens politique, mais dans le sens de ce qu’il nomme la ‘vraie tradition romantique’ : «  Je ne suis pas pour autant dans un discours pro-bareback. Pour moi, le personnage de Franck s’incarne dans une vraie tradition romantique de l’amour, qui veut aller jusqu’au bout avec l’autre, y compris dans le risque et la transgression, pour vivre à fond son désir. » (c’est moi qui ai souligné). Cette notion de « vraie » tradition romantique de l’amour est très obscure. Le souci de soi et de l’autre, les égards qu’on prend pour lui ou elle – égards dont témoigne aujourd’hui très simplement l’usage du préservatif – sont des thèmes romantiques aussi présents dans la littérature et le cinéma que les risques que l’amour peut nous faire prendre ou les règles qu’il nous amène à transgresser. Guiraudie a le droit de ne pas y adhérer, mais il ne peut les disqualifier comme étant une « fausse » tradition romantique de l’amour.

Transgression des règles de la société, de l’honneur, risque pour soi-même et pour sauver l’être aimé, risques assumés ensemble face à la société ou à la famille : bien évidemment, ce que dit Guiraudie peut faire tilt. Romeo et Juliette s’opposent à leurs famille respective et en perdent la vie. Rodrigue et Chimène choisissent publiquement l’honneur, au péril de leur vie, et choisissent en privé l’amour, au péril de leur réputation. Bonnie et Clyde meurent ensemble. Quasimodo aime Esmeralda et leur union ne se fera que dans la mort. Etc, etc. Mais quand on parle du VIH ?

Dans Les nuits fauves, le personnage incarné par Cyril Collard, qui se sait séropositif, baise sans capote avec sa copine, jouée par Rohmane Bohringer. Il est persuadé que son amour va empêcher la transmission du virus. Parallèlement, il impose la capote à un de ses partenaires masculins. On est bien là dans une certaine idée du romantisme et de la transgression, mais où la question du risque réel est niée. Il est assez étonnant que, faisant appel à la « vraie » tradition de l’amour dans le cadre des années sida, Guiraudie ne parle pas de ce film.

La capote à l’écran

Pour le réalisateur, les fictions actuelles semblent saturées de mecs qui se protègent. Dans le dossier de presse, il affirme : « Je vois souvent que ça coule de source au cinéma, les mecs mettent un préservatif, comme s’il y avait un accord tacite qui régnait dans la société à ce sujet. » mais il ne cite aucun exemple. Dans l’interview aux Cahiers du cinéma, il oppose deux catégories de films : « Soit on met une capote automatiquement, comme une évidence, dans Drôle de Félix de Ducastel et Martineau, par exemple, où on voit ressortir des taillis Sami Boajila et Philippe Garziano avec une capote pleine de sperme à la main, soit comme on dans mes films précédents, on n’en met pas mais on n’en parle pas. »

Le film de Ducastel et Martineau, anciens militants d’Act Up-Paris, est le seul exemple que donne Guiraudie. Pourtant, dans la scène de Drôle de Félix que pointe le réalisateur, il n’est pas question d’un amour fou et romantique, mais bien d’une baise entre deux personnes qui ne se connaissent pas, qui ne resteront pas ensemble ensuite et dont l’un sait et dit qu’il est séropo. Certes, le film met en scène l’évidence et la légéreté d’une relation protégée, et on a le droit de la trouver utopique ou agaçante – on a aussi le droit de s’identifier à elle ; mais ce qui fait son importance, c’est précisément que ce type de scène est rare dans la fiction. Et s’ils ont voulu jouer là-dessus d’une façon légère – l’enjeu de la capote n’est pas une longue négociation pour la mettre ou pas, mais ce qu’il faut en faire après usage pour respecter l’environnement – c’est bien pour compenser l’absence de représentations sur la question.

En dehors de cette scène très rare, et construite ouvertement comme une critique du manque d’image sur les questions de prévention, sur quoi s’appuie Guiraudie pour dire que la prévention entre mecs, « ça coule de source au cinéma », « comme s’il y avait un accord tacite dans la société» pour faire de la prévention une évidence entre mecs ? Sur quelles images précises du cinéma français ou mondial ? Sur Les nuits fauves? Sur Jeffrey, film américain à partir d’une comédie musicale, où toute l’histoire repose sur l’angoisse qui empêche un mec séronégatif de coucher, même avec capote, avec l’homme de ses rêves qu’il sait séropo ? Sur Philadelphia, où la question de la prévention n’est pas abordée ? Sur Jeanne et le garçon formidable, de Ducastel et Martineau, où la question de la capote entre mecs n’est pas abordée, mais où elle fait l’objet d’un dialogue entre Olivier et Jeanne à qui le garçon formidable vient d’annoncer qu’il était séropo ;  la réponse immédiate de cette dernière est « c’est pas grave, on a mis la capote », avant qu’elle se rende compte de l’énormité de ce qu’elle vient de dire ? Et si on va au-delà du cinéma, si on prend les séries télé : Queer as folk, ça présente le safe sex comme une évidence ? Le frère cadet de Six feet under qui se fait baiser sans capote par un prostitué à Las Vegas, « ça coule de source » ? Elles sont où, ces images si omniprésentes où on verrait des mecs baiser avec capotes sans problèmes ?

Les propos que tient Guiraudie sur son film, dès lors qu’il concerne la prévention du VIH et ses représentations, reprennent, consciemment ou non, une grande partie de l’argumentaire bareback, argumentaire qui ne tient pas la route quand on le soumet à la réalité de terrain, notamment quand on essaie de faire passer la baise sans capote comme de la transgression, ou de l’expression d’une forme de liberté. D’autre part, Guiraudie affirme vouloir compenser un déséquilibre des représentations incarnées selon lui par une représentation majoritaire de comportements safe sur le grand écran : demeure une grande question « dans quels films ? ».

    Il y a un billet n° 2 pour ceux qui voudraient cehercher sur le net

Les photos sont tirées du dossier du film 

1 « Et si cela créée un débat, tant mieux. » dit le réalisateur dans « Jusqu’au bout du désir », entretien avec Alain Guiraudie, Jean-Sébastien Chauvin, Cahiers du cinéma n°690, juin 2013, page 53.

2« La compagnie des hommes », Jean-Sébastien Chauvin, Cahiers du cinéma n°690, juin 2013, page 49

3« Jusqu’au bout du désir », entretien avec Alain Guiraudie, Jean-Sébastien Chauvin, Cahiers du cinéma n°690, juin 2013, page 53

4« Quand on a fait le sous-titre, le traducteur avait traduit la phrase : ‘ Ça te dérange de le faire sans capote ? ‘ par : ‘ Do you mind if we do it bareback ? ‘. C’était trop fort. Je lui ai demandé de changer pour : ‘ Do you mind if we do it without condom ? ‘ non seulement parce qu’en français on ne dirait pas « le faire bareback » dans le feu de l’action, mais aussi parce qu’il n’y a rien de militant dans le film. Le bareback est une réalité, et je ne suis pas moi-même un ayatollah de la capote. Pour des raisons de santé publique, je comprends parfaitement qu’on préconise l’usage des préservatifs, mais ça ne rentre quand même pas dans la grande tradition romantique de l’amour. L’hyper-hygénisme dans lequel on est entré me soûle un peu. Soit on met une capote automatiquement, comme une évidence, dans Drôle de Félix de Ducastel et Martineau, par exemple, où on voit ressortir des taillis Sami Boajila et Philippe Garziano avec une capote pleine de sperme à la main, soit comme on dans mes films précédents, on n’en met pas mais on n’en parle pas. Dans L’inconnu du lac, il me semblait important qu’on en cause. Il ne faut pas se voiler la face. Et si cela créée un débat, tant mieux. Je ne suis pas pour autant dans un discours pro-bareback. Pour moi, le personnage de Franck s’incarne dans une vraie tradition romantique de l’amour, qui veut aller jusqu’au bout avec l’autre, y compris dans le risque et la transgression, pour vivre à fond son désir . Malheureusement, le sida a mis un sacré coup dans cette tradition romantique à laquelle je reste très attaché. »

5Je m’en tiendrai pour l’essentiel aux propos de Guiraudie dans Les Cahiers du cinéma. Je reviendrai cependant sur ses propos dans le dossier de presse, où il est interrogé sur la question de la prévention dans des termes différents de celui du barbeback, et où sa réponse est aussi différente. Pour information, voici l’échange du dossier de presse : « (Question) : Le sida est l’un des dangers qui traversent le film avant qu’on en arrive au meurtre, et le film pose la question de se protéger ou pas. (Réponse) Et je trouve important qu’elle se pose. Je vois souvent que ça coule de source au cinéma, les mecs mettent un préservatif, comme s’il y avait un accord tacite qui régnait dans la société à ce sujet. J’avais moi aussi tendance à évacuer cette question alors que dans la réalité, elle se pose souvent. Il n’y a pas tant d’évidence. On trouve des hommes très hygiénistes, d’autres très laxistes. Le sida a beaucoup rapproché la mort de l’amour. Il a plané et plane encore sur nos rapports amoureux. Il les a même considérablement modifiés, même s’il ne représente plus le même danger qu’avant. Quelque chose (et pas rien) s’est perdu dans la façon de faire l’amour, dans l’idée de s’abandonner totalement à l’autre. Franck se situe dans cette tradition « romantique », il va jusqu’au bout de l’expérience. Il vit son envie sur le moment, sans penser à rien d’autre qu’à prendre son pied avec l’autre. Peu importe où ça le mène. S’il prend le temps d’y réfléchir, ce n’est certainement pas dans les moments forts de sexe. Dans ce projet, ça s’imposait, c’est tellement « l’amour à mort ».

Publiédans yagg par Jérôme Martin Ancien militant d' Act Up-Paris,

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  Le Garçon du lac » de Stéphane Berrry, est un remake X gay du film d'Alain ...Afficher l'image d'origine  « Le Garçon du lac » de Stéphane Berrry, est un remake X gay du film d’Alain Guiraudie, « L’Inconnu du Lac », qui a notamment reçu la Queer Palm au Festival de Cannes 2013. Tourné en extérieur sur un vrai lieu de drague, « Le Garçon du Lac » reprend la trame du film original qu’elle pimente de scènes X. On y suit les rencontres de Dylan Donovan, jeune homme peu farouche, qui aime passer ses après-midis sur un lieu de drague. Passion et corps à corps torrides mais aussi mystère et meurtres seront au rendez-vous !

 

 

 

 

 

 

Sam 30 jan 2016 Aucun commentaire