Le blog gay de Cavaillon et ses amis prostitués

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Difficile à croire, mais il y a eu, avant les applications de rencontre Grindr et Tinder, un temps où on ne pouvait pas disposer instantanément des photos/préférences sexuelles/mensurations/hobbies des rencontres potentielles. Il fallait parler aux gens. Pour les hétéros, ça consistait à utiliser toutes sortes de phrases convenues élégantes.  Pour les homos, c'était plus risqué : on n'est pas toujours sûr de l'orientation sexuelle de la personne convoitée, et si on n’aime pas se prendre des portes, il faut ruser. Des codes ont donc été inventés. 
Selon George Chauncey, spécialiste de l'histoire gay, dès la fin du 19ème siècle à New York, le port d'une cravate rouge était un signe de reconnaissance entre homosexuels. Dans les années 1930, les chaussures en daim marron ou gris. Mais c'était moyennement pratique : il pleut souvent à New York et puis le daim quand il neige c'est bof. 
Il y a donc eu d'autres tentatives : la boucle d'oreille à droite pour monsieur, la chaine de cheville à gauche pour madame,… Mais les risques d'erreur étaient encore trop grands parce que les hétéros ruinaient tout en se trompant de côté. 
Heureusement, les bars gays ont facilité les rencontres, mais encore fallait-il trouver chaussure à son pied. Comment ne pas perdre son temps à offrir des verres à quelqu'un qui n’a pas du tout les mêmes fantasmes que vous ?  
Au tout début des années 70, un journaliste de l'hebdo The Village Voice a trouvé la solution : le "handkerchief code" ou "hanky code", un code à base de bandanas de couleurs, inspiré d'une coutume du 19ème siècle. En ce temps-là, les chercheurs d'or de l'ouest américain s'ennuyaient ferme dans leurs villes dépourvues de femmes. Ils organisaient donc des bals country où ils dansaient entre hommes. Les danseurs connaissant les pas habituellement dansés par les femmes, portaient un bandana rouge pour se distinguer. Simple et efficace. 
Revu à la sauce gay, ça a donné une liste longue comme le bras de couleurs de bandanas qui, portés dans la poche arrière d’un jean, annonçaient la couleur, littéralement : sexe anal, oral, scatophilie, SM, bondage... Tous les fétichismes sexuels ont ainsi eu leur couleur. Au premier coup d'œil (enfin, après avoir vérifié sur sa fiche pour ne pas confondre orange et abricot, mauve et magenta), on sait qui cherche quoi. Précision importante : la poche gauche signifie qu'on est actif, la poche droite qu’on est passif. Quid des ambidextres ? Eh bien ils n’ont qu'à en mettre deux. 
Les années 70 et 80 ont été l'âge d'or du “hanky code”, et depuis, toutes les déclinaisons possibles ont été ajoutées, puisque même un ours en peluche ou un bout de moustiquaires portées dans la poche arrière ont désormais un sens. A quand un code pour le portable dans la poche droite ?

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Attention cependant, il paraît que ces codes ne sont pas universels : la signification des couleurs peut varier suivant les lieux, et surtout, ne sont plus tellement maîtrisés, car on les utilise de moins en moins. Peut-être depuis que le rappeur Lil Wayne s'est mis à arborer un foulard rouge dans sa poche droite. Peut-être aussi parce que les homosexuels ont moins besoin de cacher leurs préférences. Ou alors parce qu’ils ont maintenant une application pour tout.
En tous cas, l'humoriste américain Justin Satyre propose de remettre le code au goût du jour : les couleurs des bandanas pourraient dévoiler les défauts. On saurait ainsi au premier coup d'œil si celui qu'on mate depuis une heure à un problème avec sa mère (foulard bleu layette), avec l'alcool (moutarde), ou n'aime pas les Golden Girls (vert olive). Un nouveau gain de temps en perspective.

 

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Justin Sayre

 

 

 

Mar 8 déc 2015 Aucun commentaire