Le blog gay de Cavaillon et ses amis prostitués
ouiiii mais alors, les limites ? ben c'est la confiance entre le soumis et le maître...
tant que je ne dis pas arrête !
mais le jeu, ce n'est pas de (se)laisser croire que ça pourrait ne pas s'arrêter ?
25 octobre 2015
« Gala Strip », de Gala Fur
« Je lui ai dit : “Maintenant, je vais vous fouetter, et quand vous en aurez assez, vous crierez ‘pitié.’” Mais il n’a pas crié “pitié”, parce qu’il en avait jamais assez. »
Autour d’un verre de jus de pomme, Gala Fur revient sur une séance d’initiation qu’elle a aussi racontée dans « Gala Strip », son dernier livre.
L’écrivaine et réalisatrice de courts métrages BDSM est élégante, sa voix douce, son débit tranquille :
« Je me suis arrêtée à un moment, parce que je me suis dit : “Je ne vais pas l’ensanglanter.” Il y a un moment où il n’y a plus de place pour taper. Et puis je n’allais pas non plus passer à un instrument très lourd. »
Quand les soumis sont insatiablesContrairement à un cliché qui voudrait qu’en SM, la personne dominante soit celle qui ne sache pas s’arrêter, Gala fait remarquer :
« Il y a plein de soumis pour qui on se demande où est la limite. C’est épuisant pour la personne qui les domine. »
« On les appelle aussi des “souminateurs” », raconte Isa. Il y a six ans, elle a lancé un forum d’informations et de prévention « BDSM ou abus » :
« Certains soumis sont insatiables. Un peu comme un gourmand qu’on aurait lâché dans une pâtisserie. »
Quelle solution alors ? Avoir de l’intuition et savoir quand s’arrêter, deux qualités sans lesquelles « il ne sert à rien de pratiquer du SM », dit Gala. Toute la difficulté repose dans la variabilité de la souffrance, d’une personne à l’autre.
« J’ai connu des gens qui, avec un petit martinet gentil, sursautaient violemment, mais j’ai aussi connu une soumise belge à qui il fallait tous les jours une ration énorme de coups de fouets. »
Comprendre le profil psy de son partenairePour comprendre les limites dans le SM, il faut comprendre le SM en soi-même. Cette pratique sexuelle a beau être jugée violente par beaucoup, elle nécessite énormément de finesse.
Loin de ce que Gala Fur appelle du « fouetti fouetta », des soirées folkloriques dites SM, il y a des relations à deux. Avant de passer à l’acte, les partenaires se rencontrent. Au calme, ils entament une discussion qui permet de poser les limites de chacun. A entendre Gala raconter ces entretiens, on comprend qu’il faut être un peu psy sur les bords pour faire du SM :
« Il faut voir et comprendre pourquoi la personne en face de soi veut avoir ce genre de relations. Quelqu’un qui raconte sortir d’une rupture, par exemple, ça alerte.
Moi, je veux bien que quelqu’un qui vient de se séparer, qui s’est fait larguer, se jette dans le SM. Mais après, est-ce que c’est juste pour se punir ou est-ce qu’il y a une recherche d’une véritable relation ? »
« Pas de marques, maîtresse, je suis un homme marié »C’est pendant cette discussion que tout se fixe. Des godes ou pas de gode ? Travailler les tétons avec des pinces ou pas ? Marquer la personne à la cravache ou pas ? Dans « Osez tout savoir sur le SM », Gala raconte :
« Infliger des marques à la cravache n’est possible que dans le cadre d’un accord préalable. Un de mes clients prévient les dominatrices : “Pas de marques s’il vous plaît, maîtresse, je suis un homme marié.” »
Ce balisage comporte quelques subtilités. Tous les jeux du SM reposent sur les limites que l’on repousse :
« Une personne qui dit “je n’aime pas trop les jeux de gode”, on peut toujours essayer un petit. Parce que “je n’aime pas trop”, ça ne veut pas dire “je ne veux pas”, donc il faut aussi essayer de décrypter. »
Autre cas de figure : le « non » qui veut dire son contraire.
« Quelqu’un qui, dans les discussion au préalable, vous dit : “Je n’aime pas trop l’uro [urophilie, apprécier de jouer avec son urine pendant des jeux sexuels, ndlr]”, on se demande parfois si, de par la nature du SM, ça ne veut pas dire que justement ce serait bien. »
Le « safe word », mot magique pour tout arrêterGravure de John Willie, 1946-1959 - Wikimedia Commons/CC
C’est aussi à cette occasion que les partenaires décident d’un mot de passe, d’un « safe word ». Un mot magique qui mettra fin au jeu s’il va trop loin. Gala :
« Le mot de passe, c’est un vrai mot d’arrêt. A partir du moment où le mot est lancé, on s’arrête. C’est une règle, une loi qu’il n’est pas question d’outrepasser. »
Et quand la personne soumise est bâillonnée ? « Il y a toujours un code », répond Gala. Le mot de passe est ici remplacé par un système de mimes. Les mains parlent :
« Sur un “face-sitting” [l’un des deux partenaires assoit ses fesses sur le visage de l’autre, ndlr], il y a un code qui est, pour la personne couchée, de presser les fesses ou les cuisses. Si elle presse les mains deux fois, ça veut dire arrêt immédiat. »
Sans son accord, « il a utilisé un nerf de bœuf »Mais, comme dans toute relation, il peut arriver que l’un des partenaires ne soit pas attentif à l’autre. Gala raconte la « mésaventure » arrivée à l’une de ses amies avec un dominateur :
« Elle est allée chez lui. Ils n’avaient pas du tout parlé au téléphone, lui en a profité. Il a utilisé un nerf de bœuf pour la fouetter. Elle fait de la photo et elle a été très marquée.
D’autre part, il n’a pas mis de préservatif. Evidemment, elle est très angoissée.
Qu’un homme ne mette pas de préservatif contre le gré de sa ou de son partenaire, c’est très rare. Par contre, fouetter trop ou trop fort, de la part d’un homme, ça arrive. »
C’est pour lutter contre ce genre de dérapages et faire de la prévention qu’Isa a voulu ouvrir son forum. A l’époque, elle avait rencontré, incrédule, une soumise dans « un état psychologique pitoyable » :
« C’est une fille qui n’avait pas de travail. Son “dom” la prêtait à ses amis. C’était du viol organisé. Il utilisait l’étiquette du BDSM pour faire n’importe quoi. Et elle m’avait dit : “La seule façon que je m’en sorte, c’est que je meure.” »
Isa sait que ces cas sont marginaux. Elle dit que ce qui est le plus fréquent, ce sont surtout des maladresses, mais elle souhaitait un espace de parole, sortir du « on lave notre linge sale en famille. »
Qu’importe qu’au lancement du forum, certains du milieu l’aient jugée avec « le mépris qu’on peut accorder à des provinciaux qui ne savent pas de quoi ils parlent » :
« Chaque année, on nous répertorie une dizaine de cas de personnes qui veulent brûler les étapes. Ce n’est pas grand-chose, mais ce sont eux qui ternissent ensuite l’image du SM. »
A « O » : « vous ne fermerez jamais les lèvres »Isa raconte les histoires de dominateurs qui jouent le chantage amoureux. « Si tu dis le “safe word”, c’est fini entre nous. »
Elle veut lutter contre l’ignorance qui mène parfois les néophytes à penser le légendaire « Histoire d’O “ de Pauline Réage, publié en 1954, comme un modèle normal, voire unique.
Or, dans ce livre fantasmatique que l’écrivaine Dominique Aury a écrit sous pseudo pour séduire Jean Paulhan, O est devenue une soumise totale. Elle s’est livrée à l’homme qu’elle aime et à ses amis sans retour en arrière possible. Ils lui ont dit :
‘Devant nous, vous ne fermerez jamais tout à fait les lèvres, ni ne croiserez les jambes, ni ne serrerez les genoux.’
Isa rappelle un principe fort du SM : la personne soumise ne l’est que parce qu’elle a accepté de l’être.
‘Ce qu’on aime à dire, c’est que la personne dominante donne et que celle qui est dominée prend. Le dominant est lui même soumis à ce qui a été défini au départ.’