Le blog gay de Cavaillon et ses amis prostitués
Fais ton acte de contrition mon fils !
LE FIANCÉ DU DIABLE
JALOUX ET TROUVANT INJUSTE que les amours ardentes soient souvent dévolues aux hétéros, j'ai réécrit ce récit en montrant que deux homos peuvent vivre une histoire d'amour à plus forte raison s'il s'agit d'un prêtre.
" Joyeux anniversaire, Fabien ! "
ouais, ça aurait pu...
Deux années s'étaient écoulées et j'étais à peine remis. Nul autre amour n'avait remplacé le premier. Jusqu'à… cette chimère. Tomber amoureux, non
pas d'un futur prêtre, mais d'un prêtre ! … Qu'était-ce donc que ce destin qui semblait me poursuivre ? A l'époque, je ne trouvai pas d'explication.
La question de l'abbé : " Alors, Fabien ? Et la philosophie ? … " résonna longtemps sous les voûtes de l'église. Une admirable église romane du XIII° siècle à l'acoustique parfaite. Elle
résonna aussi longtemps dans mon esprit. Elle était pour moi la preuve d'un intérêt authentique. L'abbé Yann Le Kerimel s'intéressait à moi et mon cœur chaviré par sa présence, si proche, seul à
seul, bascula dans la passion diabolique. Et ce parfum entêtant, grisant, du vétiver ! … Dans un élan, à la fois angélique et satanique, je vins me blottir contre lui, l'entourer de mes bras et
lui déclarer d'une voix enflammée que je ne pus retenir :
- Monsieur l'abbé, je vous aime ! … Je vous aime ! …
Ma poitrine vint s'appliquer contre sa poitrine, provoquant, je m'en souviens très bien, un frisson qui ébranla tout son corps. Levant les yeux vers son visage, le regard
enfiévré, je lui tendis mes lèvres.
- Embrassez-moi ! … Embrassez-moi ! … Je vous aime ! … Je vous aime ! …
Un miracle alors se produisit. Il entoura brusquement mon cou - où coulaient mes longs cheveux noirs - de ses bras et de ses mains puissantes et me dit d'une voix à peine couverte :
- Fabien ! C'est interdit, mais… je t'aime ! … Je t'aime ! …
Son visage s'approcha du mien et je vis sa bouche s'entrouvrir. Ses lèvres alors prirent les miennes dans le baiser le plus profond - et le plus long - jamais connu alors. Je me suis longtemps
demandé pourquoi, ce jour-là, à cet instant-là, je devins une lionne déchaînée, exaltée, furieuse, excessive. Une amoureuse folle d'un homme par principe intouchable et parfait. Ses lèvres, sa
langue, sa bouche avaient le goût savoureux d'une aventure condamnable, certes, mais d'une telle ferveur !
Le vitrail représentant l'archange Saint Michel terrassant le démon sembla s'inverser. Un instant, je crus voir le démon terrassant un garçon. Tout tournait autour de moi. Un vent de folie
s'emparait de mon esprit enfiévré, peut-être égaré. Je me pris à crier presque - et ma voix résonna sous les voûtes :
- Je vous aime ! Je vous aime ! Monsieur l'abbé ! Monsieur l'abbé, s'il vous plaît, prenez-moi ! Prenez-moi ! Ici ! … Tout de suite ! Prenez-moi ! … Prenez-moi ! … Je suis à vous… Je vous aime
tellement ! …
C'est ce jour-là, à cet instant-là que ma croyance en Dieu s'estompa, laissant place à celle du diable qui - sans doute sous des traits différents, et pour des motifs différents - s'empara de moi
et du prêtre. Il me serra intensément dans ses bras et je sentis ses lèvres délicates déposer partout des baisers ardents. Mes joues, mes bras nus en furent couverts alors que je sentais monter
en moi une irrésistible envie d'amour. C'est le démon qui me souffla la suite. De quelques gestes secs, j'avais ouvert ma chemise pour m'offrir à lui. Oh ! Délicieuses caresses !
Savoureuses cajoleries ! Ses doigts saisirent mes tétons et les câlinèrent avec ferveur ! Je crus un instant que la vague de plaisir qui montait allait exploser.
- Un instant, Fabien, chuchota-t-il, je vais fermer la grande porte à clé.
Sage précaution…
Lors de ces premiers égarements, nous nous tenions encore derrière l'autel, dans un endroit mal éclairé, couvert de dalles froides et sombres. C'est moi qui eus l'idée de changer de place.
Prenant l'abbé par la main, je l'entraînai devant l'autel dont le sol était recouvert d'un épais tapis rouge. Lançant à mon amant un regard enflammé, je lui ai juste chuchoté :
- Ici, c'est mieux… Je vois ton beau visage et tes beaux yeux… Oh ! Comme je t'aime ! …
Mon bien-aimé - j'en étais sûr maintenant - était éperdument amoureux de moi et me pressa de nouveau contre lui, continuant ses envoûtantes tendresses . Mon désir ne fit que s'enflammer,
s'emballer.
Desserrant l'étreinte de ses bras, je m'écartai légèrement et, arrachai mes vêtements plutôt que je ne les quittai. Un éclair fulgurant. Nu. J'étais nu devant lui et j'étais heureux. Je savais
qu'il allait m'emmener pour un voyage fantastique. Je ne pus retenir mes paroles qui résonnèrent en écho dans la nef.
Maintenant bien éclairés, je distinguais mieux ses traits. Une lueur diabolique passa dans ses yeux. Sa soutane fut arrachée en un tourne-main. Le reste de ses vêtements aussi. Nu, comme il était
beau ! Beau comme un dieu ! La lumière des projecteurs mettait même en relief ses muscles puissants. Son épée se dressait, rougeoyante, raide et fabuleusement longue. Vigoureuse et
frémissante.
Mon cavalier me reprit dans ses bras, contre lui. Je sentis son épée chaude contre mes cuisses, mon prpre sexe, dressé lui aussi caressait son ventre. Il n'y eut pa d'autres prémisses. Un
gémissement monta vers les voûtes.
Ses bras puissants me cueillirent, m'emportèrent et je devins d'une incroyable légèreté, ne touchant plus le sol. Il se produisit alors des événements extraordinaires, une sorte de liturgie.
Toujours aussi léger dans ses bras tendus, il se tourna vers le maître-autel et commença une sorte de prière.
- Seigneur, le voici l'agneau si doux, un si bel ange que vous avez créé. Acceptez cette offrande pure et sainte.
C'était sacrilège, mais il n'avait pas terminé. Il se retourna vers la grande nef, là où se tiennent les fidèles et s'adressa à une foule invisible assemblée.
- Le Seigneur m'a donné cette tâche : partir à la recherche de la brebis perdue. La voici, cette brebis qui s'est réfugiée contre moi. Faut-il la renvoyer ? (et ses paroles résonnèrent tellement
sa voix était forte) Ou l'accueillir ? … Lui donner tout l'amour qu'elle mérite ? … Oui, mes frères, elle mérite tout mon amour. Et vous armée des anges du ciel, nuées des archanges nus et roses,
vous serez témoins de cet amour immense. Vous, Seigneur, fermez les yeux, voilez-vous la face…
Surpris d'une telle homélie, je me suis un instant demandé qui la lui avait soufflée. Ou même si son esprit n'était pas embué par les violentes vapeurs de l'amour… Mais, moi aussi, j'avais
quelque peu perdu toute raison. Je ne fus même pas scandalisé de voir ce prêtre nu, le phallus long et vibrant se tourner vers une foule invisible pour prononcer son incroyable prêche. Je crois
même que l'écho de ses paroles, amplifié par la résonance de l'église, m'excitait davantage. C'était une grand-messe solennelle qui commençait.
Ensuite, il se retourna vers l'autel, m'y déposa - quel sacrilège ! - et m'examina enfin, de la pointe des cheveux jusqu'à celle des pieds. Lorsque ses regards arrivèrent au bas de ventre, il
parut surpris - agréablement, je crois - et me demanda :
- C'est bon Fabien, je peux ? …
- Ohhhhhhh oui ! chuchoté-je…
En effet, à cette époque, j'adorais mon jardin secret réservé à un Prince Charmant espéré et je ne supportais pas de le voir caché par cette toison noire qui poussait si vite. Lorsque je
m'admirais - oui, je n'ai pas honte de le dire, même s'il s'agit d'un brin de narcissisme… - chaque jour dans une glace en pied - et je prenais plaisir à contempler ma fleur rose, dégagée de tout
feuillage. Je prenais ainsi un soin infini à l'entretien de ces fruits lisses et défendus, persuadé même que mon futur prince l'apprécierait dans sa plus simple nudité. C'était ainsi. Même si sa
vue pouvait paraître… indécente en soi. Personne ne pouvait le savoir. Personne n'était dans la confidence ce qui donnait tout son prix à la scène de ma possession.
Mon seigneur déposa alors quelques baisers sur mes lèvres pendant que sa main effleurait seulement les pétales de ma rose secrète et découverte. Offerte pour lui. Il me reprit alors dans ses bras
et me déposa en haut des marches rouges, m'allongea, me prodiguant encore mille caresses et vint s'étendre près de moi.
Ses doigts et ses mains alors s'affolèrent. L'une effleurait mes seins, l'autre descendait vers ma verge , se posait sur ma porte d'amour, écartait doucement les lobes et cherchait le
tour de ma rose qu'il trouva aisément et choya tendrement.
- Oh ! Mon amour ! Mon bel amour ! Comme c'est bon ! … Quelle merveille ! … Encore ! … Encore ! …
Et la tempête se leva. J'en avais donné le signal.
Ses mains et ses lèvres coururent alors sur tout mon corps, affolées, tendres et violentes à la fois, faisant monter mon plaisir avec une incroyable frénésie. Je voulais tout. Je le voulais lui,
mon tendre amoureux, au cœur de mon ventre, je voulais qu'il m'emmène vers un ciel que je devinais, mais qui me paraissait encore inconnu. Un huitième, neuvième ou dixième ciel. Le septième ne me
suffisait plus. J'étais enivré d'un gigantesque désir de plaisir avec mon beau prince nu. Puissant dieu de l'amour qui me prodiguait de surprenantes caresses.
Mais, je n'en pouvais plus. Je ne pouvais plus attendre. Je voulais mon prince en moi maintenant. Je voulais qu'il m'appartienne et me donner à lui.
- Prince ! Mon beau prince ! J'ai envie de vous ! Envie d'amour et de plaisir… Venez en moi ! Oui, venez en moi ! Pénétrez ma fleur ! Caressez ma rose ! Plongez
dans ma corolle qui attend ! Oui ! Ne tardez plus ! Venez ! Oui, venez en moi ! Partons sur cet océan des plaisirs ! Pénétrez-moi, mon prince ! Oh ! … Vite ! Je vous aime tant ! Je vous désire
tant.
Ses yeux brûlants s'attachèrent aux miens et je vis briller les flammes (de l'enfer ? …) de son violent désir armé de douceur.
Lorsque les prémices du réveil arrivèrent, je rêvais. C'était notre mariage. Dans une gigantesque cathédrale vide, mon prince vêtu de l'habit rouge
de cardinal me donnait le bras. J'étais nu, seulement suivi d'une interminable traîne blanche. Des nuées d'anges nus, des deux sexes, chantaient de glorieux " Alléluias ". Seul, perché dans la
tribune, un ange noir aux ailes démesurées proclamait : " C'est la fiancée du diable ! C'est la fiancée du diable ! … " Alors, les cloches carillonnèrent à toute volée.
C'est ce carillon qui me réveilla complètement. Un carillon bien réel. C'était celui de l'angélus de sept heures du matin... La lumière jaillissait déjà des vitraux flamboyants… Et la clenche du
grand portail qui s'agitait... Sans doute une femme dévote qui arrivait une demi-heure avant la première messe… Mon Dieu !! … Mon Dieu !! …
Quelques minutes plus tard, empruntant une porte dérobée de la sacristie, nous sortîmes sur le jardin du presbytère, derrière un bosquet, veillant avec une infinie prudence que personne ne nous
aperçoive. Avant de nous séparer, nous échangeâmes quand même un furtif baiser d'adieu.
A toi qui lis ces pages de mes amours, je peux le dire, ce matin-là nous avons eu très peur. Peut-être même la peur de notre vie… Si quelqu'un nous avait découverts sur les marches de l'autel ! …
Quel incroyable scandale ! Aurait-on même cru celui qui l'aurait rapporté ? Rien n'était moins sûr. Et cette porte dérobée qui ne fermait même pas à clef ! …
Après, la vie devint compliquée. D'abord, il fallut nous séparer en juillet. Yann dirigeait une colonie de vacances en montagne. Il était trop
tard, donc trop risqué, pour que je l'accompagne comme moniteur. Tout était déjà organisé. Sous un prétexte de mémoire de philosophie à commencer, je quittai mon village et regagnai la ville
universitaire où m'attendait ma chambre de bonne au quatrième étage. Une chambre douillette et confortable, récemment aménagée et rénovée que j'avais décorée de grandes affiches de cinéma. Ainsi,
libre et nullement surveillé, je pouvais recevoir les lettres enflammées de Yann et lui écrire en toute liberté. Tous les jours. Comme c'est lui qui réceptionnait le courrier, personne ne put
s'apercevoir que le prêtre qui dirigeait la colonie recevait une correspondance assidue.
Ah, ces lettres ardentes ! Je passais une partie de la journée à couvrir des pages. Des pages de mots d'amour. Des pages d'espoir d'un retour attendu avec quelle impatience !
Il revint au début du mois d'août et mit au point une habile stratégie - que de mensonges, monsieur l'abbé ! … - pour me rendre visite sans éveiller de soupçons.
Nous étions éloignés de cinquante kilomètres qu'il commença à parcourir allègrement. Il partait à la nuit tombée et arrivait chez moi à onze heures. Chaque soir, alors, devint une fête selon une
liturgie que nous avions l'un et l'autre adoptée. Les premiers jours, je le recevais dans un simple peignoir de bain mais… c'était trop de tentations immédiates. J'attendais mon prince vêtu
d'un jeanset d'un tee-shirt blanc. Lui, arrêtait chaque soir sa 2cv, à mi-distance dans un bosquet et troquait sa soutane contre un pantalon beige et un blazer bleu marine. Dès qu'il franchissait
ma porte, je croyais à l'arrivée d'un acteur sorti des studios d'Hollywood. Comme il était beau et séduisant ! Quelle puissante stature ! Et cette chevelure d'ébène tombant sur son cou ! Ce teint
basané qui faisait songer à un méditerranéen ! La porte à peine fermée, j'étais déjà dans ses bras, blotti contre lui. Blotti contre mon amour.
Après les premières effusions, nous passions à table. Mon prince ne dînait pas au presbytère - la bonne était en vacances - et il se régalait de ma cuisine préparée avec tendresse. Pour le
dessert, nous passions dans le coin salon, il s'asseyait près de moi, m'enlaçait et nous commencions d'interminables discussions sur tout : l'art, la musique, la philosophie et… l'amour.
Discussions douloureuses aussi sur notre avenir. Moi, mon avenir immédiat, je le voyais seulement dans ses bras et je me refusais à toute autre question. Yann, heureusement, gardait la tête
froide et songeait à l'avenir qui se présentait, pour lui, sous la forme de deux chemins à prendre : soit il restait prêtre et me renvoyait ; soit il me gardait et renonçait à son sacerdoce.
Choix impossible ! Martyre insoutenable. Il aurait pu garder les deux sans que rien ne change dans sa fonction. Les princes de l'Eglise en avaient décidé autrement. Quant à m'obliger à mener une
vie d'amant cachée, il mettait cette solution hors de propos. Il me respectait trop - et m'aimait tellement - pour songer à m'imposer une telle vie.
Après des semaines de réflexion et de rudes combats, il me déclara un soir :
- Fabien, mon ange, mon amour, j'ai choisi mon chemin… Je te garde et seulement toi. Je trouverai un autre métier…
Ce soir-là, j'ai beaucoup pleuré. Lui aussi. Et nous avons passé plus d'une heure, sans bouger, dans les bras l'un de l'autre.
Chaque soir, notre cérémonie se poursuivait sur mon grand lit. Nus comme des statues grecques, ivres d'amour, nos ballets passionnés, tendres et violents, s'embellissaient et
se prolongeaient jusqu'à des heures très avancées. Comme c'était la période des vacances, nous étions seuls à cet étage et pouvions laisser jaillir nos puissantes mélodies d'amour. Nos hymnes
triomphants, nos mélopées de plaisir ; d'un plaisir dont - nous en étions certains - l'intensité augmentait chaque soir. Chaque nuit. Ah ! Ces chaudes nuits d'ivresse ! Yann ! Mon amour ! Ces
chants aux paroles simples qui montaient de nos corps enlacés, enchevêtrés, unis, l'un dans l'autre et qui se mêlaient dans notre plaisir d'amour. Nous entendions alors, sans fin, ces
incantations :
- Oui !!!! Oh !!!! C'est bon !!!!! Encooooore !!! Huuuuuuuummm !!!!!!!! Mon amour !!! Mon amour !!! Mon amour !!! Aaaahhhhhhhh !!!!!!!! … Je t'aime !!! Je t'aime !!! Je t'aime !!! Aaaahhhhhhhh
!!!!!!!! …
Des psaumes aux paroles si simples, mais tellement chargées de notre intense plaisir et qui jaillissaient de nos lèvres avides, fiévreuses.
Dès que mon prince était en moi, mon plaisir était intense. Lui en moi, sa chair dans ma chair, lui sur moi, me dominant de sa puissante stature. Je me donnais à lui sans réserve et j'étais
heureux, immensément heureux de cette domination dans le plaisir. Mais je voulais aussi le garder. C'est ainsi que je découvris un autre jeu amoureux. Lors de sa bacchanale, à chaque retrait, je
me mis à vouloir le garder. J'imaginai alors de resserrer ma corolle à chacun de ses pas de danse. Pensant sans fin : " Yann, mon amour ! Reste en moi ! Tu es à moi ! Ne pars pas ! Ne pars pas !
… Tu es à moi ! Mon unique amour ! Mon prince éternel ! Et ma jouissance s'en trouvait accrue toutes les nuits.
Yann était d'une ponctualité exemplaire. Il arrivait toujours à onze heures précises. Le sourire enjôleur et amoureux au coin des lèvres. Pourtant,
le vendredi 25 août il se fit attendre. Sans doute un imprévu ? J'attendis avec impatience. Onze heures un quart, onze heures et demie… Minuit… Et toujours personne… Y avait-il eu un décès ? …
Nous n'avions alors aucun moyen de nous avertir rapidement. A une heure du matin, guettant sans fin l'étroite ruelle de mon immeuble, je commençai à prendre peur. Pourtant, j'étais certain que
rien ne pouvait arriver à mon beau seigneur. Rien. Rien, mais une sorte de pressentiment d'anormalité commença à me tarauder, à m'envahir.
J'attendis toute la nuit, sans dormir et je ne vis personne. Je devins alors certain d'un drame. Avait-on découvert son stratagème ? Etait-il resté cloîtré dans son presbytère ? Le lendemain, en
milieu de matinée, je décidai - j'avais trouvé un faux prétexte - de rentrer chez mes parents. En arrivant, comme je traversais en voiture la place de l'église, je fus intriguée par des
attroupements insolites, des visages glacés. Un drame ! Un drame s'était abattu sur le village ! Stationnant rapidement ma 2cv, je m'approchai, les jambes tremblantes. Des larmes coulaient aux
coins des yeux, des sanglots s'étouffaient.
- Que se passe-t-il ? … Que se passe-t-il ? …
- Ma pauvre… C'est monsieur l'abbé… Cette nuit, sur la grand-route… Un camion fou a percuté sa voiture… Mort sur le coup… Quelle tristesse ! Un si bon prêtre ! …
Impensable ! Impossible ! Incroyable ! Mon prince était invincible !
Je me demande encore comment j'ai retenu mes cris de désespoir et de révolte. Comment j'ai réussi à rester sur mes jambes.
L'irréparable était commis. Mais POURQUOI ??? … POURQUOI ??? …
Profitant de l'inattention générale, je me suis réfugié dans l'église. Le berceau de nos premières amours. Je me suis jeté sur un prie-Dieu, j'ai laissé éclater mon immense chagrin et je suis
resté prostré jusqu'au soir. Jusqu'à la nuit tombée.
Sûr alors que l'église était vide, je me suis avancé jusqu'à l'autel et j'en ai gravi les marches. Me mettant en tenue de fête, j'ai laissé déborder l'insurrection de mon âme en colère. Face à
une assistance imaginaire, mais que je croyais apercevoir.
- Dieu ! … Pourquoi ? … Pourquoi as-tu laissé commettre ce crime ? Oui, ce crime ! Tu n'avais pas le droit ! Non ! … Pourquoi ton bras n'est-il pas intervenu ? Oh ! Un simple geste pour redresser
ce volant… Dieu !! pourquoi ne pas avoir protégé l'un de tes meilleurs serviteurs ? … A cause de sa faute ? … Mais, quelle faute ? … Tu as voulu le punir ? Le punir d'avoir intensément aimé ? …
Toi, un Dieu d'amour ! … Et vous, princes de l'Eglise ! Avec vos lois inhumaines et hypocrites ! Pourquoi encore empêcher vos serviteurs de vivre une vraie vie ? … Lois désuètes !
Périmées ! Obsolètes ! Surannées ! Vous leur préférez une vie hypocrite ? Oui, vous prélats patelins, onctueux, benoîts, quand proposerez-vous des lois généreuses à vos dévoués serviteurs ?
N'attendez plus ! Un jour ils vous quitteront ! … C'est à cause de ces lois que Yann est mort. En venant me rendre visite en cachette ! Vous l'y obligiez ! Et Toi ! Celui qu'on appelle Dieu
d'amour ! Qu'attends-tu pour que ton Saint-Esprit souffle sur tes princes ? Oui, Dieu ! Je ne crois plus en Toi ! Je crois en Satan qui nous a indiqué un autre chemin et qui ne s'est pas trompé !
… Et vous tous qui m'écoutez ! … Comment ? … Vous madame qui êtes près du bénitier… Je vous ai entendue ! Vous venez de m'appeler la fiancée du diable ? … Détrompez-vous ! … Oui à vous tous je
l'annonce : je ne suis pas la fiancée du diable, je suis l'amantd'un prêtre ! de l'abbé Yann Le Kerimel ! … Oui, son conjoint ! Nous nous sommes mariés sur les marches de cet autel ! Un
soir de juin ! Nus l'un et l'autre ! Oui, nous avons fait l'amour ! Et nous avons été heureux ! Les amants les plus heureux de la terre ! Amen ! …
C'est ainsi et en ces termes que je criai ma révolte ce soir-là. Perché sur le plus haut degré des marches, entièrement nu, les mains sur les hanches, devant une assistance médusée...
C'est l'hiver dans mon coeur, mais la Vie continue...…