Le blog gay de Cavaillon et ses amis prostitués
HOMO est remplacé par le mot "chose", puis la phrase :"j"aime les hommes"...
Ci-dessous ma lettre de coming-out avec quelques parties intimes qui ont été supprimées :
Maman,
Mère adorée,
Ces dernières semaines, je suis passé par des moments difficiles qui ont fait émerger cette dépression latente ; une dépression qui a nourri mon mal-être durant des années et des années. Comme nous en avons discuté à maintes reprises, une bonne partie de cette dernière est due à un sentiment de culpabilité envers toi. Tu t’es toujours sacrifiée pour nous et, pour moi par conséquent, je devais être irréprochable et ne jamais te décevoir. Je devais être le fils parfait.
Pendant de longues années j’ai lutté contre moi-même, j’ai lutté contre la personne que j’étais réellement. Pendant de longues années, j’ai dû me conformer à tes attentes et celles de la société : me glisser dans un moule tout prêt que je n’ai pas choisi. Le combat était rude, car il n’y a rien de plus difficile en ce monde que le refoulement et l'inhibition de ses désirs.
L’acceptation de cette réalité pour moi fut plus que difficile... des années de questionnement : Suis-je normal ? Est-ce normal ? Pourquoi est-ce que je ressens cela ? Pourquoi suis-je comme ça ? Pourquoi moi ? Peut-être serait-ce une maladie ? Ou une tare comme "ils" le disent ? Serai-je capable de vivre avec ce "fardeau" ? Serai-je capable de vivre cette "chose" ouvertement ? Bref ! Un ensemble de questions qui m’ont plongé dans un océan de mélancolie, un abîme où tout était flou et où, chaque jour qui passait, je me sentais encore plus perdu et plus malheureux.
Comme je l’ai dit plus haut, tu t’es sacrifiée pour nous et tu nous as consacré toute ta vie. Tu as toujours été une mère parfaite et tu l’es toujours. Aujourd’hui je suis arrivé à un point de ma vie où je veux vivre, où je veux être moi-même sans peur ni culpabilité. Or, il y a toi. Je t’en ai voulu pour ça. Je t’en ai voulu parce que je t’aime trop et je ne m’aime pas assez pour m’affirmer et connaitre le bonheur comme mes semblables.
J’ai menti à tout le monde et, plus grave encore, je me suis menti à moi-même en essayant de vivre dans le déni. Un déni qui m’a tant fait souffrir, un déni qui m’a fait perdre toute confiance en moi-même. J’ai vécu dans la peur, l’angoisse, l’amertume et l’isolement (même si j’avais mes amis). J’ai mis en place une barrière qui a failli me tuer, une barrière qui a aspiré toutes mes forces et aujourd’hui je veux m’en défaire pour vivre une vie "normale", une vie sereine (mot qui m’est si étranger).
Aujourd’hui je suis dans un état de torpeur parce que je ne sais plus ce que je dois faire et même si parfois je le sais, je ne sais pas comment le faire. C’est comme si le noyau en fusion maintenu par ces forces qui m’épuisaient durant toutes ces années était en train de dégénérer à cause de la dissipation progressive et non voulue de ces dernières. Les crachats de feu sont en train de gicler dans tous les sens. Le mur de cloisonnement que j’ai construit pour protéger cette zone tumultueuse est en train de s’effondrer. Les pensées ne sont plus contrôlées, les dire l'est encore moins. Panique, incompréhension, confusion, sidération... Tout est là. Tout. Je suis en train de me noyer de plus en plus. Je suffoque à cause de ce "fardeau" que j’ai porté depuis si longtemps.
Maman, j’ai envie de vivre. J’ai envie, pour une fois dans ma vie, d’être égoïste et vivre ma vie comme je l’entends. Je suis un peu - euphémisme de l’année - différent des autres. Ce n’est ni une tare, ni une maladie. J’aime juste mes semblables. J’aime les hommes. C’est quelque chose que je ne contrôle pas. C’est dame nature qui en a voulu ainsi et je pense qu’on doit se plier à ses caprices pour trouver la paix avec soi-même.
Je veux que tu saches que ce n’est pas à cause de toi ni à cause de Papa. Je suis juste comme ça et je l’ai toujours été. Je me suis toujours caché de peur du rejet mais là je n’en peux plus. Je ne peux plus vivre comme ça. Je veux avoir un amant, je veux de la stabilité, je veux me marier un jour, je veux avoir des enfants ! Oui aujourd’hui c’est possible ! Je veux que tu saches aussi que je suis loin d’être le seul. En revanche, je fais partie des rares [maghrébins] qui s’assument et qui veulent être francs envers eux-mêmes, leur entourage et bien sûr envers cette société régie par ces normes archaïques.
Maman,
Je veux me battre, je veux m’affirmer. Ça sera dur pour toi mais sache que ça l’est beaucoup plus pour moi. Je veux être heureux ! C’est tout ce que je te demande ! C’est tout ce que je demande aux gens qui m’aiment !
Maman,
Accepte-moi comme je suis ! Aime-moi comme je suis ! L’amour entre deux personnes du même sexe n’est pas si différent. C’est sain ! C’est pur ! Et ça apporte de l'apaisement et de la sécurité.
(…)
J’aimerais que tu me soutiennes, j’aimerais que tu sois la même avec moi, j’aimerais que tu gardes tes rêves, tes rêves de mère : petits enfants et famille... Je vivrai très probablement en exil jusqu’à la fin de mes jours parce que c’est le seul moyen de vivre comme je veux. C’est le seul moyen de trouver l’épanouissement personnel.
Je culpabilise tant de te l’avoir dit mais sache que ce n’est pas de l’égoïsme mais, bien au contraire, une preuve d’amour. Je veux que tu me connaisses mieux ! Je veux que tu me comprennes et que tu m’aimes pour ce je suis réellement. Parce que oui Maman je suis Gay, et oui cela ne changera rien parce que ce n’est qu’un détail.
Tu vas sûrement avoir peur des autres et du "qu’en-dira-t-on" et je le comprends. J’essayerai d’être discret à Tunis. J’essayerai de ne pas t’attirer la "honte" et le "déshonneur". Et même s’ils l’apprennent, détache-toi un peu de leurs dires et de leurs ragots. Tu dois être au dessus de cela. Tu dois être forte (tu l’es d’ailleurs, sinon tu ne serais probablement plus de ce monde aujourd’hui).
Ici, à Paris, je me suis fait de nouveaux amis et ils m’acceptent comme je suis. Parmi les anciens : D., K. et W. l’ont appris et l’ont très bien pris. Ils me considèrent toujours comme un de leurs meilleurs amis et il m’ont soutenu même si des fois je ne me suis pas montré à la hauteur à cause de ma dépression.
Je l’ai dit à F. (ma soeur) il y a deux ou trois semaines et elle a dit qu’elle m’aimait toujours autant et qu’elle allait me soutenir quoi qu’il arrive. Elle m’a demandé d’ignorer les gens et la société barbare au sein de laquelle j’ai vécu.
Comme toutes les mamans, tu vas avoir du mal à l’accepter au départ. Ça va chambouler tous tes rêves et toutes tes attentes. Comme toutes les mamans, tu vas penser que c’est à cause de toi. Je te le répète encore une fois, c’est naturel ! Ce n’est pas une maladie. On vit avec comme on vit avec un gros nez ou des oreilles décollées... :-) Je sais que tu es capable d'acquiescer. Ça prendra peut-être un peu de temps mais ça se travaille. Je te donnerai des films et je t’enverrai des livres sur ça si tu le veux.
Que te dire de plus ? Je t’aime maman et tu es la personne que je chéris le plus en ce bas monde. Tu es ma source d’espoir. Tu es la personne qui m’a inculqué les bonnes valeurs et l’amour de mon prochain. Papa aussi m’a beaucoup appris et il me manque. Quand je touche le fond j’essaye de penser à toi et à ta force de caractère dont tu n’es pas consciente, j’essaye de penser à Papa, de tirer des leçons de ses erreurs et d’agir comme lui en aidant celui qui a besoin d’aide et en pardonnant aux gens leurs bavures et leurs bêtises parce qu’ils sont humains.
Je t’aime maman.
Ton fils,
Yacine*
http://www.cestcommeca.net/temoignage-homosexualite-un-fardeau.php