Le blog gay de Cavaillon et ses amis prostitués

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 Thomas, homo, catho : pourquoi il est contre le mariage pour tous

 

C'est quand même barge cette dichotomie...ça déchire ! lol      Conversation 21/04/2013 à 08h30 Zineb Dryef | Journaliste Rue89
 

 

En face de l’Assemblée ou du Sénat, Thomas participe activement à la mobilisation contre le mariage pour tous. Il nous a raconté son parcours de militant homosexuel. Avec toute cette grêle, il a pris un peu de retard. Cinq minutes, presque rien. Il s’excuse. Banquier parisien, Thomas est élégant, souriant, très courtois. J’ai entendu parler de lui par un copain commun à qui il envoie, quasi quotidiennement, des petites vidéos tournées pendant ses manifs contre le « mariage pour tous » – une expression qui le rend dingue, on y reviendra. Tout juste quadragénaire, il a accepté de me rencontrer, même s’il trouve que les articles de Rue89 sur le sujet – y compris les miens – sont « simplistes » et « pas toujours honnêtes ». Il commande un mojito et m’assure que le nom du lieu est une parfaite coïncidence. Nous sommes à l’Habemus (ex-Habemus Papam), rue Monsigny, un bar pas très loin d’Opéra. Un de ses copains, arrivé pendant notre conversation, est pro-mariage. Sans aucune tension, ni tentative de se convaincre, nous avons discuté tous les trois assez longuement.
Manif pour tous à Paris, le 19 avril 2013 (RAFAEL YAGHOBZADEH/SIPA) Rue89 : J’ai un peu de mal à comprendre ton engagement. Thomas : Ce qui m’agace, dans le fond, c’est non seulement l’attitude du gouvernement mais aussi celle des médias. A la manif du 24 mars, on a dit que c’était des gens d’extrême-droite qui avaient tenté d’aller sur les Champs-Elysées... mais parmi ces gens, il y avait mes parents ! Mes parents n’ont jamais voté plus à droite que Sarko ! Oui, ils ont traversé le barrage et il y avait un peu d’excitation, mais c’était pas violent. Et on lit que c’était des gens d’extrême-droite ! La façon dont les médias relatent ce qui se passe n’est pas en cohérence avec ce que vivent les gens. Alors, évidemment qu’ils vont revenir en manif, parce que ça les énerve d’entendre ça. Tu y étais aussi à cette manif. Et aussi aux précédentes. La première fois que j’y suis allé, c’était en novembre. Je suis homosexuel et catholique pratiquant, alors j’y suis allé avec un ami homo. J’ai des amis hétéros qui y sont allés, mais on voulait rester entre nous. On s’est dit que ça nous permettait d’être plus libres, de partir si on entendait certaines choses, si ça ne nous plaisait pas. Mais on est restés. Pourquoi ? C’était bon enfant. Ça n’avait rien à voir avec ce qu’on entendait à l’époque du pacs, quand c’était Boutin, avec un côté réac’... Là, les gens étaient dans un état d’esprit positif, les porte-paroles ne sont pas les mêmes. Bien sûr, ils ont leurs défauts, mais ils ont une vraie volonté d’ouverture et la parole est plus libre. La crispation d’aujourd’hui vient de ce que le gouvernement n’a pas compris le début de la mobilisation : on était prêts au compromis avec nos convictions. C’était manifeste en novembre. Même l’Eglise a dit des choses nouvelles. Même l’UMP était prête à l’union civile. Le moment du consensus possible était là et ça n’a été vu ni par la presse, ni par le gouvernement. Moi, par exemple, j’ai écrit à mon député. Pas un e-mail, hein. Une belle lettre, trois pages extrêmement respectueuses à Christophe Caresche. Je lui ai dit : voilà je suis homo, voilà je suis contre ceci et cela. Il ne m’a jamais répondu. Tout le malentendu vient de là : on ne nous a pas écoutés. Ce contexte a incité cette radicalisation. Qui reste modeste, ce n’est pas notre Notre-Dame-des-Landes... La violence verbale n’est pas modeste. Réveiller Jouanno, ça ne me choque pas. C’est trop facile de dire « je ne veux pas être réveillée ». Si elle ne peut pas supporter ça ou si un ministre ne peut pas supporter de voir des manifestants, il ne faut pas faire de politique. C’est un abus de langage de dire que ces actions sont violentes. Ils sont excités, peut-être, mais pas violents. La promesse de Frigide Barjot, « Hollande veut du sang, il en aura », ce n’est pas violent ? Bien sûr que c’est con, mais qui n’a jamais dérapé ? Les gens de la « Manif pour tous » ne sont pas des pros. Hier, j’ai croisé un pote qui bosse sur leur site. Ils sont tous crevés ! Alors voilà, elle a dérapé, elle s’est excusée, on peut passer à autre chose, non ? On devrait avoir de l’indulgence pour ces propos, étant donné qu’elle l’a regretté. C’est comme Bergé et son RT sur la bombe, c’est con comme parole mais c’est idiot de se crisper là-dessus. Les mots, les actes homophobes sont de plus en plus nombreux pourtant. Le gouvernement n’a pas voulu créer un débat consensuel et serein. Il a créé de la rancœur et de la frustration en écoutant les jusqu’au-boutistes, les associations LGBT qui ont des demandes excessives. Tu n’imagines pas à quel point le rejet de la pétition par le CESE a été un déclencheur. Il aurait fallu accepter de prolonger le débat... Les gens ont le sentiment d’avoir été privés d’expression et méprisés. Je l’ai ressenti très fort le 24 mars. Je crois que c’est ce qui explique cette colère et ces réactions excessives. J’en veux aussi à Manuel Valls. J’ai voté pour lui à la primaire socialiste et je le regrette – je ne suis pas socialiste, j’aurais pu voter Royal comme le conseillaient certains, mais je n’y suis pas allé dans cet état d’esprit. Valls a montré qu’il n’est pas un homme d’Etat. Il est très largement responsable de cette situation, il a provoqué cette radicalité : les CRS encerclent des gamins qui lisent Aragon pour les virer alors qu’ils ne font rien d’autre... Tout de même, il y a des groupes d’extrême-droite, des homophobes purs et durs... Oui bien sûr, mais les mômes en garde à vue, ce ne sont pas des groupes marginaux ! La ballerine, c’est une gamine, c’est pas l’extrême-droite. Le gouvernement devrait s’interroger, se demander : « qu’est ce qu’on a fait pour énerver à ce point des citoyens lambdas » ? Il faut un peu de radicalité, sinon on ne nous entendrait pas. Même s’il y a la volonté de montrer une bonne image de nous. Pas pour faire de la com’ mais pour faire gagner nos valeurs. Revenons à toi. Pourquoi as-tu voulu aller à cette première manif en novembre ? C’est très simple : j’y suis allé en tant que citoyen et pas en tant qu’homo. Beaucoup mettent en avant leur orientation sexuelle, comme on dit « je suis pas raciste, j’ai un copain arabe »... Je n’aime pas trop ça. J’y suis allé en tant que citoyen qui a eu un père et une mère. Pour moi, le mariage est une institution hétérosexuelle. On transforme cette institution sans demander leur avis... Et puis je ne veux pas qu’on me donne un droit. Dans le fond, je n’ai pas envie de tout ce bazar, je n’ai pas envie que mes amis ou mes parents me reprochent d’être solidaire de gens qui réclament des droits qui leur imposent à eux de changer la nature de l’engagement qu’ils ont pris. Ça ne passe pas en force, on n’enlève rien à personne. Le problème, c’est que la démarche n’est pas honnête. On discutait dans un bar après la manif hier soir et un type nous disait qu’il ne comprenait pas qu’on manifeste contre le mariage. Il était convaincu que l’adoption n’était pas dans le projet. Je crois qu’on ne dit pas la vérité aux gens. Bon, sur les enfants... Je sais, ça va peut-être te choquer et je réagis en tant qu’homo, mais voilà, je crois que la plupart des homos ne sont pas capables d’élever des enfants. Toi y compris ? (Il rigole, un peu embarrassé). Non ! Moi, j’aimerais beaucoup en avoir et je pense que je pourrais bien les élever. Mais je pense aussi qu’un enfant a besoin d’un père et d’une mère. Bon, je ne suis pas extrémiste, évidemment qu’il y a des circonstances particulières. Par exemple, quand des gens sont mariés, qu’ils ont des enfants et puis l’un des parents est homo... Ses enfants sont là, on va pas lui retirer, c’est pas un crime d’être homo. Bien sûr, ces enfants existent et il faut trouver une solution, mais soyons honnêtes : quel lien avec le mariage ? Je ne comprends pas où tu vois un problème. Je dis un peu en provoquant que je serai convaincu par l’adoption gay quand un couple de bobos gays parisiens adoptera un petit séropositif. Ce jour-là, je changerai d’avis, je me départirai de mon avis qui est qu’adopter, c’est une démarche égoïste, pas une démarche altruiste. Ce que préparait ce projet, c’était la PMA et la GPA et je suis bien content que la PMA ne soit plus dans ce projet. On a gagné quelque chose. Au fond, ce qu’ils veulent, c’est instituer le désir individualiste d’avoir un enfant comme on a une bagnole. Je me désolidarise totalement de cette démarche. Je connais un couple gay dont l’un est extrêmement riche. Ils sont allés acheter des jumeaux en Inde. Ce n’est plus possible aujourd’hui et Dieu merci ! Ils ont choisi la mère... Je ne veux pas de ça, moi ! Mais du coup ça veut dire que tu es contre la PMA et la GPA pour les célibataires. Je crois, oui. L’adoption par un célibataire, c’était historiquement justifié après la guerre... Maintenant, on en tire un argument pour dire qu’on peut ouvrir aux couples de femmes et aux couples d’hommes... C’est pas idéal. Tu es prêt à renoncer à avoir des enfants ? Si je suis honnête, non. Je veux des enfants, c’est légitime, tout le monde a envie d’avoir une descendance. Mais si je pose les conditions nécessaires pour les avoir, ça ne me satisfait pas. Je ne me vois pas dire à mes enfants : « je vous ai conçus comme ça ». Il y a l’adoption... L’adoption, c’est un tout autre problème. L’argument massif est de dire qu’il vaut mieux qu’un gamin soit élevé par deux pères ou deux mères plutôt que par un couple pas aimant. Mais bon si je fais une hiérarchie, même si je sais que la tendance n’est pas à la hiérarchie, je préfère deux mères... Les gamins de parents séparés sont toujours confiés à leur mère, ça dit quelque chose. La PMA chez deux femmes, ça me choque, mais infiniment moins que la GPA. Donc, pour répondre à ta question, oui j’aimerais avoir des enfants mais je ne suis pas prêt à aller contre mes valeurs morales pour satisfaire ce désir. C’est un peu comme si je voulais très fort un coupé Mercedes : j’irais pas le voler. Après, s’il y avait 3 millions d’orphelins à adopter... Ça ne veut pas dire que je suis foncièrement contre l’adoption, mais faire un tel changement de civilisation pour ça... Ils disent « on a débattu 100 heures », mais c’est quoi 100 heures pour un changement de civilisation ? C’est quoi ce changement de civilisation ? C’est Christiane Taubira qui le dit. Oui mais pour toi ça signifie quoi ? Je ne sais pas. Je n’en sais rien, mais ça doit valoir plus que 100 heures de débat. J’ai un père et une mère et je ne souhaite à personne d’être privé de l’un ou de l’autre. En tant que citoyen et qu’électeur, je ne veux pas voter pour des gens qui privent par la loi un enfant de son père ou de sa mère. Justement, ton père et ta mère. Tu manifestes avec eux ? On n’y va pas forcément ensemble. Avant la première manif, on s’est retrouvés chez un oncle. Certains cousins ne sont pas venus, même s’il y a une sorte de consensus familial sur ce sujet. Il y a aussi un petit côté peuple de droite. Mes oncles et tantes de province sont venus à Paris comme pour faire une sorte de remake de 1984. Je suis de droite, même si j’ai rendu ma carte à l’UMP, et je pense que chaque famille politique a ses plus et ses moins. Ce que je reconnais à la gauche, c’est son sens du collectif. Mais aujourd’hui, on est à front renversé. La gauche a abandonné le collectif sur ce sujet et la droite défend le collectif. On veut les caricaturer en fachos et en réacs mais les gens qui vont manifester sont généreux. Aller tous les soirs, après le boulot... C’est pas des excités ou des gens qui réclament des trucs fiscaux, c’est pas la CGT. C’est quelque chose de beaucoup plus profond. On manifeste parce qu’on veut une société harmonieuse. On va continuer. Mais pour dire quoi ? La loi va passer. On n’est pas d’accord, voilà. On n’est pas d’accord avec cette société que vous voulez faire. Une société prométhéenne, dans le fond. La PMA, l’adoption, ce désir d’avoir un enfant malgré la difficulté... ça existe déjà pour les hétéros. C’est vrai mais... j’ai un avis réservé là-dessus. Les FIV, les trucs d’embryons, ça ne me plaît pas trop, je suis catholique mais je n’irais pas manifester contre ça, je ne me permettrais pas, c’est leur décision. On est dans un cas médical. (Son copain ne tient plus en place. Il intervient.) Non mais attends, Thomas, je veux bien tout ça, mais simplement, si tu rencontrais l’homme de ta vie, que tu étais fou amoureux, qu’il n’y avait que lui et qu’il te demandait en mariage ? Tu dirais quoi ? Le mariage gay en tant que tel... Je ne dis pas que je le ferais... Je ne sais pas... Tu dirais oui ! Pourquoi pas ? En plus c’est une niche fiscale... C’est assez drôle que la gauche crée ça. (Ils se marrent.) Rue89 : Ça n’a pas été compliqué de grandir dans un milieu catholique de droite ? Non, j’en suis très heureux. Parce que j’ai eu une excellente éducation, ce n’est pas présomptueux de le dire. Ma mère est très pratiquante, pas mon père. On t’a respecté en tant qu’homo ? C’est compliqué... C’est un sujet dont on ne parle pas. Est-ce que c’est du respect ou pas, je ne sais pas... Est-ce que ça m’a rendu malheureux ? Non. Est-ce que c’est compliqué ? Oui. Vous n’en parlez pas ? Non. Tu veux dire que vous débattez du mariage, de l’adoption, sans jamais parler de toi ? Voilà. Je sais que mes parents sont rassurés parce que je suis contre. Mais ils savent que tu es homo ? Oui, bien sûr. Mais on n’en parle pas. On n’en a jamais parlé. Son copain : Moi, ma mère, ça la rend dingue que je sois pour le mariage pour tous. Thomas : Je crois que mes parents sont comme ils sont, ils ont leurs limites. Leur éducation et leur référentiel ont leurs limites, c’est lié à leur âge. Mais ce qu’ils m’apportent de positif l’emporte sur tout ça. Et avec l’Eglise, ce n’est pas compliqué ? Quand j’étais ado, si, c’était un vrai problème. Au sein de l’Eglise, il y a plein de prêtres homos... Tu parles d’expérience ? Non, non... ça se sent. Disons que c’est aussi une richesse pour l’Eglise. Bon, aujourd’hui, je n’ai pas de problème avec l’Eglise. Je vais à la messe à Saint Eustache, il y a plein d’homos. Au conseil pastoral même. Lui, je ne sais pas s’il est pour le mariage, je n’en sais rien. Mais les choses sont compliquées, bien sûr. Un de mes copains vit en Autriche avec son mec, un pédiatre. Son mec veut des enfants. Mon copain, lui, ne sait pas. Il est tiraillé parce qu’il est très amoureux. Ils sont cathos, ils se sont rencontrés à la messe, mais voilà, le pédiatre est plus moderne et du coup, c’est compliqué pour eux. J’y pense souvent et je sais que même si je passais sur mes propres valeurs morales pour avoir des enfants, ça ne serait vraiment pas accepté par ma famille. C’est une limite que même mes potes hétéros, qui savent pour moi... Son copain : Tes potes hyper coincés de droite, tu veux dire. ...eh bien, ils n’accepteraient pas de me voir avec des enfants. Son copain, toujours : Mais ils sont hyper coincés ! Non, ce n’est pas vrai. Pour mon anniversaire, ils ont invité mon ex. Comme je ne parle pas trop de ma vie avec eux, ils sont convaincus que c’est encore mon mec... Mais enfin, ils l’ont invité. Ils vont aux manifs mais ils ne sont pas homophobes, ils sont délicats avec moi, ils m’acceptent.
Dim 21 avr 2013 Aucun commentaire